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Afin de permettre aux parents d’exercer l’autorité dont ils sont titulaires et de veiller au bien-être de l’enfant pour lui permettre « de parvenir dans les meilleures conditions possibles à l’âge adulte »79, la loi leur confère des droits et des devoirs de garde, de surveillance, d’entretien et d’éducation qui devront être exercés dans l’intérêt de l’enfant, auxquels seront consacrés les prochains paragraphes80.

78 CENTRE DE RECHERCHE EN DROIT PRIVÉ ET COMPARÉ DU QUÉBEC, Dictionnaire de droit privé

de la famille et lexiques bilingues, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1999. L’adoption ne peut résulter que d’un jugement de la Cour du Québec, chambre de la jeunesse, qui jouit à cet égard d’une compétence exclusive (requêtes principale et incidentes) : art. 36.1 al. 1 C.p.c. ; Loi sur les tribunaux judiciaires, RLRQ, c. T-16, art. 83(4).

79 Philippe SIMLER, « La notion de garde de l’enfant (sa signification et son rôle au regard de l’autorité

parentale) », (1972) 71 Rev. trim. dr. civ. 685, 696.

80 Art. 599 C.c.Q. L’autorité parentale est d’abord et avant tout un devoir des parents à l’égard de leur enfant :

Élaine DEMERS et Andrée RUFFO, « La genèse du concept de l’autorité parentale et de l’intérêt de l’enfant en droit civil français et québécois », dans Patrick H. GLENN (dir.), Droit québécois et droit français : communauté, autonomie, concordance, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1993, p. 263, à la page 266.

En tant que titulaires de l’autorité parentale et en leur qualité de tuteurs légaux à leur enfant81, les parents seront ainsi investis d’un pouvoir décisionnel d’une portée « susceptible d’englober pratiquement tous les aspects de la vie de l’enfant »82.

§ 1 La garde et la surveillance

Principal attribut de l’autorité parentale, la garde donne aux parents le pouvoir de déterminer le lieu de résidence de l’enfant mineur non émancipé, que le premier alinéa de l’article 80 C.c.Q. fixe au domicile de son tuteur. Titulaires du droit de garde, les parents pourront ainsi exercer efficacement leurs devoirs de surveillance, d’entretien et d’éducation. Ils pourront également imposer le respect de ce droit et se prévaloir du bref d’habeas corpus à l’encontre du tiers qui retiendrait l’enfant contre leur volonté83.

Corollaire du devoir de garde, le devoir de surveillance signifie que les titulaires de l’autorité parentale doivent veiller sur leur enfant pour assurer sa propre sécurité et pour éviter qu’il pose un acte pouvant causer un préjudice à autrui. La responsabilité civile extracontractuelle

81 Art. 192 C.c.Q. La tutelle, qu’il faut se garder de confondre avec l’autorité parentale, vise l’administration du

patrimoine du mineur et l’exercice de ses droits civils : art. 177 C.c.Q. Ces responsabilités s’ajoutent à celles découlant de l’autorité parentale exercée par les parents. Dans l’hypothèse où la tutelle est exercée par une personne autre que les père et mère (en raison du décès, de l’inaptitude ou de la déchéance de l’autorité parentale), le tuteur agira également comme titulaire de l’autorité parentale : art. 186 C.c.Q.

82 Nicole ROY, « L’autorité parentale et l’obligation alimentaire des parents envers leur enfant : deux

institutions proposant une conception de l’intérêt de l’enfant et de la famille », (2001) 61 R. du B. 51, 74 et 75.

83 L’habeas corpus est une procédure de droit criminel d’origine anglaise visant à s’assurer qu’une personne

n’est pas illégalement détenue. Le fait, pour un enfant, d’être sous la garde de personnes autres que celle à qui la loi confère l’autorité parentale a ainsi été assimilé, par les tribunaux, à une privation de liberté : Édith DELEURY, Michèle RIVET et Jean-Marc NEAULT, « De la puissance paternelle à l’autorité parentale : Une institution en voie de trouver sa vraie finalité », (1974) 15 C. de D. 779, 841 et 842. Ce recours est régi par les articles 851 et suiv. C.p.c. Pour des illustrations jurisprudentielles, voir : F.M. c. L.L., B.E. 2006BE-147 (C.S.) ; R.L. c. P.S., [2005] R.J.Q. 2932 (C.S.) ; Droit de la famille – 2543, [1997] R.D.F. 711 (C.S.) ; Currier c. Sabourin-Currier, [1976] C.S. 460.

des parents pourrait être engagée si leur enfant cause un dommage à une tierce personne, la loi présumant que le dommage ne serait pas survenu si l’enfant avait été bien surveillé84. Les parents pourront toutefois se dégager de leur responsabilité en démontrant qu’ils ont valablement rempli leur obligation de surveillance ou en démontrant qu’il était normal, compte tenu de l’âge avancé de l’enfant, que celui-ci ne soit pas sous leur constante attention85. Le devoir de surveillance permet en outre aux parents de prendre des décisions visant à préserver la vie privée de l’enfant et à contrôler ses fréquentations86.

§ 2 L’entretien et l’éducation

L’obligation d’entretien « englobe toutes les choses nécessaires à la vie (nourriture, logement, vêtements, soins médicaux, etc.) »87. Il s’agit donc d’une obligation matérielle de tous les jours, qui se traduit par des soins personnels et qui, contrairement à l’obligation alimentaire, n’est pas réciproque et existe sans égard aux ressources financières de l’enfant88. Or, si la fortune de l’enfant n’a aucune incidence sur l’existence même de l’obligation d’entretien, les

84 Art. 1459 al. 1 C.c.Q.

85 Alicia SOLDEVILA, « La responsabilité pour le fait ou la faute d’autrui et pour le fait des biens », dans

Responsabilité, Collection de droit 2010-2011, École du Barreau du Québec, vol. 4, 2011, Droit civil en ligne (DCL), EYB2011CDD89, p. 15 et jurisprudence citée ; Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, La responsabilité civile, 8e éd., 2014, Droit civil en ligne (DCL), EYB2014RES71, nº1-765.

86 C. (G.) c. V.-F. (T.), [1987] 2 R.C.S. 244, par. 68. Ce principe est couramment rappelé par les tribunaux

inférieurs. Voir, à titre d’exemple, Droit de la famille – 1746, [1993] R.D.F. 85, 92 (C.S.), où la juge Nicole Bénard souligne que « [c]’est un des attributs de l’autorité parentale que de pouvoir pour un parent décider quelles personnes son enfant pourra voir, fréquenter et par qui il pourra être gardé à certains moments ».

87 Jean-Sébastien VAILLANCOURT, « Exercice de l’autorité parentale et intervention du tribunal », dans

Sylvie LÉVESQUE (dir.), L’enfant : sujet ou objet de droit, qu’en est-il ?, coll. « Blais », vol. 4, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 330.

88 Mireille D.-CASTELLI et Dominique GOUBAU, Le droit de la famille au Québec, 5e éd., Québec, Presses de

l’Université Laval, 2005, p. 310. Une contribution financière de l’enfant pourrait toutefois être exigée si les parents sont sans revenu ou si ce revenu est insuffisant pour assumer l’entretien de l’enfant : Côté c. Côté, [1979] C.S. 378.

parents ne sont pas tenus de lui procurer un niveau de vie à la hauteur de son opulence, l’obligation d’entretien étant proportionnelle à leurs moyens financier89.

Enfin, le devoir d’éducation est un devoir d’ordre intellectuel qui confère aux titulaires de l’autorité parentale le pouvoir de prendre des décisions relatives à l’instruction scolaire et à la formation morale, civique et religieuse de l’enfant90. Jusqu’à l’entrée en vigueur, en janvier 1994, du Code civil du Québec, l’article 651 du Code civil (1980) accordait également aux parents, dans le cadre de leur devoir d’éducation, un droit de correction modéré et raisonnable sur leur enfant. Or, malgré l’abrogation de cette disposition, l’article 43 C.cr. « prémunit toujours les parents qui emploieraient la force pour corriger leur enfant contre une poursuite criminelle pour voies de fait […] pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable

dans les circonstances »91. La Cour suprême du Canada a d’ailleurs confirmé la validité constitutionnelle de cette disposition en y introduisant cependant des limites importantes92. Ainsi, les titulaires de l’autorité parentale ne pourront se prémunir de la protection conférée par l’article 43 C.cr. si la force est employée à l’endroit d’un adolescent, d’un enfant âgé de moins de 2 ans ou d’un enfant de tout âge souffrant d’un handicap. Il en sera de même si la force est employée d’une façon dégradante ou si elle cause un préjudice ou suscite un risque

89 R.M. c. W.C., [2004] R.D.F. 289 (C.S.) ; Convention relative aux droits de l’enfant, 20 novembre 1989, 1577

R.T.N.U., art. 27(2).

90 L’article 612 C.c.Q. donne au tribunal le pouvoir d’intervenir afin de réviser une décision considérée abusive

et contraire à l’intérêt de l’enfant. Ainsi, dans Droit de la famille – 274, [1986] R.J.Q. 945, la Cour d’appel a confirmé une décision rendue par la Cour supérieure, qui avait interdit au père d’une enfant de 4 ans de l’amener à des cérémonies ou congrès des témoins de Jéhovah, puisque les principes de cette religion, qui incitaient l’enfant à juger la conduite de sa mère, ont été jugés incompatibles avec son intérêt.

91 Alain ROY, – Droit civil . – Mariage . – Régimes matrimoniaux . – Divorce . – Union civile . – Filiation, dans

JurisClasseur France, coll. « Droit comparé », Vo Canada (Québec), fasc. 22, par. 332 [en italique dans l’original]. L’auteur est toutefois d’avis que l’article 43 C.cr. devrait être abrogé, compte tenu de l’absence de toute portée pédagogique ou éducative de la punition corporelle.

raisonnable de préjudice à un enfant de 2 ans et plus. Enfin, l’article 43 C.cr. n’offrira aucun moyen de défense aux parents qui, pour infliger des châtiments corporels à leur enfant, ont recours à un objet, à des gifles ou à des coups à la tête93.

Les prérogatives qui découlent de l’autorité parentale seront exercées par l’un et l’autre des parents. Or, le principe de la collégialité de l’autorité parentale ne doit pas préjudicier l’enfant et gêner la vie familiale. Ainsi, et « […] parce que les actes d’autorité se manifestent de façon presque quotidienne [et] parce qu’il est souvent difficile de connaître de façon précise la volonté des deux parents »94, le parent qui accomplit seul un acte d’autorité sera présumé, à l’égard des tiers de bonne foi, agir avec l’accord de l’autre95.

De même, il est permis aux titulaires de l’autorité parentale de déléguer volontairement la garde, la surveillance ou l’éducation de l’enfant en faveur, par exemple, de l’école, de la garderie ou du camp de vacances96. Cette délégation sera nécessairement temporaire et révocable97 et n’entraîne aucunement la perte de la qualité de titulaire de l’autorité parentale : le titulaire demeure toujours investi des prérogatives non déléguées au tiers et continue d’assumer juridiquement tous les droits et les devoirs découlant de l’autorité parentale98. Selon la Cour d’appel du Québec, le caractère temporaire et révocable de la délégation permet

93 Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), [2004] 1 R.C.S. 76,

par. 81.

94 OFFICE DE RÉVISION DU CODE CIVIL DU QUÉBEC, Rapport sur la famille : deuxième partie,

Montréal, Éditeur officiel du Québec, 1977, p. 215.

95 Art. 603 C.c.Q.

96 Renée JOYAL-POUPART, « La loi 89 et l’autorité parentale », (1982) 13 R.G.D. 97, 100.

97 Il s’agit d’une conséquence du caractère d’ordre public de l’article 599 C.c.Q. : Stevenson c. Florant, [1925]

R.C.S. 532, conf. par [1927] A.C. 211.

98 Droit de la famille – 2461, [1996] R.D.F. 522, 526 (C.S.) ; Jean PINEAU et Marie PRATTE, La famille,

d’éviter que ne soient « contourner les dispositions législatives applicables en matière d’adoption ou de tutelle », qui sont d’ordre public et qui ont pour but de protéger l’intérêt de l’enfant99.

Enfin, tout différend opposant les parents dans l’exercice de leur autorité, que ce soit à l’égard de la religion pratiquée par l’enfant100, de l’établissement scolaire qu’il fréquentera101, des soins requis par son état de santé102, des mesures disciplinaires à prendre à son endroit103 ou de toute autre décision concernant l’enfant, devra être soumis au tribunal, qui statuera dans l’intérêt de l’enfant après avoir favoriser la conciliation des parties104.

Tel qu’il vient d’être mentionné, l’autorité parentale dont sont investis les parents leur accorde le droit de contrôler les fréquentations de leur enfant. Ce droit découle du devoir de surveillance dont ils sont investis. L’exercice de ce droit n’est toutefois pas absolu. Il est en effet limité par l’intérêt de l’enfant qui, dans certains cas, permettra au tribunal d’ordonner – en dépit d’une objection parentale – le maintien des liens d’affection que l’enfant a tissés avec certains adultes.

99 Droit de la famille – 3444, [2000] R.J.Q. 2533, par. 30 (C.A.).

100 S. (L.) c. S. (C.), [1997] 3 R.C.S. 1003 ; Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3 ; P. (D.) c. S. (C.), [1993] 4 R.C.S.

141 ; Droit de la famille – 3731, J.E. 2000-1973 (C.S.) ; Droit de la famille – 3055, [1998] R.D.F. 475 (C.S.) ; Droit de la famille – 2505, [1996] R.D.F. 785 (C.S.) ; Droit de la famille – 2201, [1995] R.D.F. 417 (C.S.).

101 M.K. c. J.D., [2003] R.D.F. 861 (C.S.) ; S.A.J.B. c. C.H., [2003] R.D.F. 840 (C.S.) ; M.P. c. T.C., J.E. 2002-

287 (C.S.) ; Droit de la famille – 3055, [1998] R.D.F. 475 (C.S.) ; Droit de la famille – 3069, [1998] R.J.Q. 3105 (C.S.) ; Droit de la famille – 2783, [1997] R.D.F. 766 (C.S.).

102 S.P. c. A.D., J.E. 2006-1134 (C.S.).

103 Droit de la famille – 081485, [2008] QCCS 2709 (C.S.), conf. par Droit de la famille – 09746, [2009] QCCA

623.

Nous nous attarderons, dans la prochaine section, aux limites de l’autorité parentale posées par l’intérêt de l’enfant dans le cadre de ses relations personnelles avec ses grands-parents et avec une tierce personne. Nous dirons également quelques mots, en dernier lieu, sur les limitations posées à l’autorité parentale par l’attribution de la garde de l’enfant à une personne autre que ses parents.

SECTION 3 : LES LIMITES À L’EXERCICE DE L’AUTORITÉ PARENTALE