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Section 2 : Les diverses modalités de l’ordonnance de garde 61

B) Les critères de réussite 88

1) Des capacités parentales comparables 88

Que signifie la compétence parentale et comment l’évalue-t-on ? La psychologie se joint ici au droit afin de fournir certains éléments de réponse à cette question, permettant ainsi une meilleure compréhension des enjeux psychologiques des pratiques juridiques en matière de garde d’enfants.

Selon les psychologues Maccoby et Martin, le parent « idéal » est le parent dit « influent- réciproque », c’est-à-dire celui qui préconise un style d’intervention axé sur la compréhension et le dialogue, tout en exerçant un contrôle sur l’enfant par l’établissement de règles claires, adaptées à son âge et à sa personnalité, qu’il fera respecter autrement que par la punition corporelle277.

277 Eleanor E. MACCOBY et John A. MARTIN, « Socialization in the context of the family: Parent-child

interaction », dans Paul H. MUSSEN et Eileen Mavis HETHERINGTON (dir.), Handbook of Child Psychology. Vol. 4: Socialization personality, and social development, 4e éd., New York, Wiley, 1983, p. 1 et suiv.

Selon les écrits scientifiques recensés par Rodrigue Otis, le parent compétent est celui qui présente un bon équilibre psychologique, qui démontre de l’intérêt à l’endroit de son enfant, qui est attentif, attentionné et à l’écoute de ses besoins, qui lui offre une compréhension empathique, de l’affection, du soutien et de l’amour278. Il est à noter qu’un parent aux prises avec une déficience intellectuelle ne fait pas automatiquement de lui un parent incompétent, à moins de démontrer que son problème psychologique invalide ses capacités parentales279. Tel pourrait être le cas, notamment, lorsque le parent souffre de schizophrénie ou de dépression chronique sévère280. Par ailleurs, aucune étude scientifique n’établi de lien entre l’orientation sexuelle des parents et les compétences parentales281.

Bien qu’il fût un temps où la religion pratiquée par les parents importait dans l’analyse de l’intérêt de l’enfant en raison de l’importance que la société québécoise accordait aux valeurs religieuses, elle ne constitue plus, aujourd’hui, un critère qui sera pris en considération dans la détermination de la garde, à moins que les pratiques religieuses de l’un des parents soient de nature à nuire à l’enfant282.

Sans discourir en profondeur et dans les moindres détails sur la preuve faite devant eux quant à la compétence parentale, les tribunaux se contentent généralement d’affirmer, lorsqu’ils sont

278 Rodrigue OTIS, avec la collab. de Nathalie BÉRARD, La prise de décision concernant la garde d’enfants

dans un contexte de séparation. Synthèse des écrits scientifiques, Québec, Behaviora, 2000, p. 13-25.

279 Droit de la famille – 081618, EYB 2008-137403 (C.S.).

280 Benjamin M. SCHUTZ, Ellen B. DIXON, Joanne C. LINDENBERGER et Neil J. RUTHER, Solomon’s

Sword: A Practical Guide to Conducting Child Custody Evaluations, San Francisco, Jossey-Bass, 1989, p. 24.

281 Rodrigue OTIS, avec la collab. de Nathalie BÉRARD, La prise de décision concernant la garde d’enfants

dans un contexte de séparation. Synthèse des écrits scientifiques, Québec, Behaviora, 2000, p. 22. L’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, interdit d’ailleurs toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle d’une personne.

282 Mireille D.-CASTELLI et Dominique GOUBAU, Le droit de la famille au Québec, 5e éd., Québec, Presses de

appelés à rendre jugement en matière de garde à la suite d’une rupture conjugale, que les compétences parentales respectives des parents ont été démontrées. Par exemple, dans l’arrêt

Droit de la famille – 113620, la Cour d’appel, statuant sur l’appel d’un jugement prononcé par

le juge Claude Champagne, qui avait accordé la garde exclusive de l’enfant au père, affirme qu’« [il] est acquis au débat que le père et la mère ont une excellente capacité parentale »283. De même, dans l’affaire Droit de la famille – 12319, le juge Gagnon souligne laconiquement que « [dans] l’état actuel des choses, la capacité parentale de chaque parent est solidement établie »284. Enfin, dans l’affaire Droit de la famille – 113911285, le tribunal se dit convaincu que les défauts respectifs que l'une et l'autre des parties ont pu mettre en évidence ne mettent aucunement en cause leurs qualités parentales respectives.

La capacité parentale sera généralement établie par témoignage et par expertise psychosociale. Le tribunal n'est cependant pas lié par l'opinion de l'expert. Il pourra toujours s’en écarter ou la mettre de côté en justifiant les motifs de son choix286. Sans rechercher la perfection – encore puisse-t-elle exister – la lecture de la jurisprudence laisse percevoir que les tribunaux considèrent être en présence de parents compétents lorsque ces derniers sont en mesure de fixer des limites, d’appliquer une discipline adéquate et de transmettre à l’enfant de bonnes valeurs. 283 2011 QCCA 2164, par. 2. 284 2012 QCCS 592, par. 88. 285 2001 QCCS 6647, par. 21. 286 D.L. c. L.D., 2006 QCCA 1259 ; J.M.R. c. S.M., [2006] R.D.F. 27 (C.A.).

L’absence d’une discipline de vie, la consommation abusive d’alcool ou de drogues287, l’incapacité d’identifier les besoins de l’enfant et de les prioriser à ses propres besoins288 et la violence verbale ou physique à l’endroit de l’enfant ou de l’autre parent peuvent constituer des lacunes au plan des capacités parentales289. Mentionnons toutefois que certaines décisions concluent tout de même à la capacité parentale du parent violent dans la mesure où la violence, qu’elle soit physique ou verbale, n’est pas exercée à l’égard de l’enfant.

Par exemple, dans l’affaire L.C.G. c. M.-C.M.290, le juge Laurent Guertin ordonne la garde partagée des enfants puisque le père, bien qu’il soit un homme violent, n’a jamais dirigé sa violence contre les enfants. La Cour d’appel considère également, dans l’arrêt Droit de la

famille – 072386291, que le seul fait que l’enfant ait été témoin d’une certaine forme de violence du père à l’endroit de la mère n’est pas suffisant pour exclure la garde partagée.

À ces facteurs qui permettent aux tribunaux d’apprécier les capacités parentales des parents s’ajoute la disponibilité des parents à l’égard de leur enfant. Ce critère s’entend du temps dont dispose un parent pour être physiquement et psychologiquement présent avec son enfant292. Il ne s’agit pas, pour le tribunal, de porter un quelconque jugement de valeur, mais plutôt de s’assurer que les parents sont en mesure d’offrir du temps de qualité à l’enfant. Ainsi, dans

287 B.B. c. Be. R., [2002] R.D.F. 390 (C.S.).

288 Droit de la famille – 08890, EYB 2008-132494 (C.A.) ; Droit de la famille – 082468, EYB 2008-148354

(C.S.).

289 Droit de la famille – 102904, EYB 2010-181538 (C.A.) ; D.B. c. J.T., B.E. 2002BE-300 (C.S.). Certaines

législations américaines établissent une présomption à l’effet qu’il est contraire à l’intérêt de l’enfant de confier sa garde à un parent violent : Dominique GOUBAU, « L’objectivation des normes en droit familial : une mission possible », (1998) 1 Rev. trim. dr. fam. 7, 15.

290 [2004] n0 AZ-50220108 (C.S.). 291 [2007] R.D.F. 655 (C.A.).

Droit de la famille – 102904, la Cour d’appel confirme en ces termes la décision du juge

d’instance, qui avait refusé la demande de garde partagée présentée par le père en raison de son indisponibilité :

« La vente de 40 à 50 résidences par année, lui assurant un revenu net de plus de 225 000 $, implique de nombreuses rencontres avec les clients, des visites avec les acheteurs éventuels, des séances de signatures d’actes chez le notaire et aussi des démarches pour le financement. Tout cela nécessite beaucoup de travail, et ce, à toute heure du jour, en semaine et en fin de semaine. »293

Une fois établies les capacités parentales de chacun des parents, le tribunal doit également s’assurer que ces derniers sont en mesure de communiquer et qu’il n’existe aucun conflit significatif entre eux.

2) Une communication fonctionnelle entre les parents et une absence de conflits