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Pour bien comprendre une loi, il faut, disait E.-Auguste Côté :

« […] en connaître l’origine, connaître les mœurs du temps, puisque les mœurs d’un peuple provoquent les lois, en suivre l’évolution afin d’apprécier les véritables causes, facteurs de leur changement. Rien de plus utile que de connaître les diverses législations des peuples anciens au sujet de la puissance paternelle pour bien se pénétrer des lois sur la matière. »29

Partageant le point de vue de cet auteur, nous procéderons, dans cette section, à un survol historique du concept d’« autorité parentale » ou de « puissance paternelle », selon l’époque, en portant plus particulièrement notre regard sur ses titulaires. Débutant notre périple chez les

Romains qui, selon certains, « ont inventé le droit »30, nous ferons ensuite une courte escale en France, pays d’où le Québec, qui est notre destination finale, a hérité de la plupart de ses lois, y compris celles relatives à la puissance paternelle.

§ 1 La puissance paternelle en droit romain

La famille romaine31, à l’origine de type patriarcal, était une unité économique constituée de personnes qui, en raison de leurs liens de parenté ou de leur qualité d’époux, étaient soumises à l’autorité d’un même chef, le pater familias, qui était le plus lointain ascendant vivant dans la ligne paternelle32. Seul titulaire de la puissance paternelle (patria potestas)33, le chef de famille détenait des pouvoirs étendus qui ne prenaient fin que par son décès, la perte d’état de citoyen romain, l’occupation de certaines fonctions civiles, militaires et ecclésiastiques, de même que par l’émancipation de l’enfant34. Le fils, même marié, demeurait donc alieni juris,

30 Jean-Claude BARREAU et Guillaume BIGOT, Toute l’histoire du monde : de la préhistoire à nos jours,

Paris, Fayard, 2005, p. 80.

31 À la conception originale de la famille romaine vint se greffer, à partir du IVe siècle, la conception chrétienne

de la famille conjugale qui faisait reposer cette institution sur le sacrement de mariage. La famille était alors un groupe restreint, composé du mari, de la femme et des enfants, et se définissait par deux critères spécifiques, soit l’autorité et la légitimité : Henri MAZEAUD, Léon MAZEAUD et Jean MAZEAUD, Leçons de droit civil, t. 1, vol. 3, 5e éd. par Michel DE JUGLART, Paris, Éditions Montchrestien, 1972, n0 694, p. 27. 32 Henri MAZEAUD, Léon MAZEAUD et Jean MAZEAUD, Leçons de droit civil, t. 1, vol. 3, 5e éd. par Michel

DE JUGLART, Paris, Éditions Montchrestien, 1972, n0 686, p. 10. L’expression « chef de famille » ou pater

familias est ici préférée à celle de « père de famille », celle-ci pouvant faussement laisser entendre qu’il est nécessaire d’avoir des enfants pour être un pater familias. En effet, à Rome, pouvait se mériter ce titre tout citoyen romain non soumis à la puissance d’autrui, bien que les prérogatives essentielles n’étaient exercées qu’après le mariage et la naissance des enfants. Voir : Pierre PETOT, Histoire du droit privé français. La famille, Paris, Éditions Loysel, 1992, p. 124.

33 Selon E.-Auguste Côté, cette unité de commandement était nécessaire au bon fonctionnement de la cellule

familiale. L’auteur s’exprime sur le sujet en ces mots : « […] pour prévenir le heurt de ces deux volontés [des époux] et éviter tout froissement dans la famille, il faut concentrer cette autorité entre les mains d’un seul […]. » Voir : E.-Auguste CÔTÉ, La puissance paternelle, Rimouski, Imprimerie générale, 1926, p. 100.

34 Édith DELEURY, Michèle RIVET et Jean-Marc NEAULT, « De la puissance paternelle à l’autorité

parentale : Une institution en voie de trouver sa vraie finalité », (1974) 15 C. de D. 779, 795 ; E.-Auguste CÔTÉ, La puissance paternelle, Rimouski, Imprimerie générale, 1926, p. 17.

c’est-à-dire sous l’autorité du chef de famille. Suivant l’invasion de la Gaule par les peuples germaniques, le droit romain dut partager l’espace social avec les coutumes des nouveaux arrivants, perdant ainsi son monopole35. Ce métissage donna lieu à une distinction entre droit écrit et droit coutumier qui, fruit d’une longue élaboration, s’établit véritablement à partir du XVIe siècle entre l’organisation de la puissance paternelle dans le nord et le sud du territoire de ce que constitue la France actuelle36.

§ 2 La puissance paternelle sous l’ancien régime français jusqu’à la Révolution

Situées à proximité du territoire romain, les provinces du sud (aussi appelées provinces du Midi ou provinces de droit écrit) étaient plus sensibles à l’influence romaine. Ainsi, à l’instar du droit romain, le droit écrit des pays méridionaux réservait la puissance paternelle au père (ou à l’ancêtre mâle de la ligne paternelle), qui jouissait d’une autorité incontestée et d’un droit de correction absolu sur l’enfant37. Ce droit permettait même au père, dans les derniers siècles de l’ancien régime, de condamner son fils à l’emprisonnement38. Les provinces du nord, davantage influencées par les coutumes des peuples germaniques où la puissance paternelle reposait essentiellement sur l’idée de protection due à l’enfant39, avaient quant à

35 Firmin LAFERRIÈRE, Histoire du droit civil de Rome et du droit français, t. II, Paris, Joubert, 1846, p. 475. 36 En effet, ce n’est qu’après la seconde renaissance du droit romain que les règles de la patria potestas des pays

de droit écrit s’accordèrent presque sans réserve à celles fixées par le droit de Justinien : Pierre PETOT, Histoire du droit privé français. La famille, Paris, Éditions Loysel, 1992, p. 374. Les premiers indices de l’existence d’une puissance paternelle perpétuelle comme elle se présentait à Rome remontent toutefois au XIIIe siècle. Voir : Robert CAILLEMER, Les idées coutumières et la renaissance du droit romain dans le

Sud-Est de la France, Londres, Oxford University Press, 1913, p. 200.

37 Édith DELEURY, Michèle RIVET et Jean-Marc NEAULT, « De la puissance paternelle à l’autorité

parentale : Une institution en voie de trouver sa vraie finalité », (1974) 15 C. de D. 779, 797-799 ; E.-Auguste CÔTÉ, La puissance paternelle, Rimouski, Imprimerie générale, 1926, p. 69.

38 Pierre PETOT, Histoire du droit privé français. La famille, Paris, Éditions Loysel, 1992, p. 485.

39 Édith DELEURY, Michèle RIVET et Jean-Marc NEAULT, « De la puissance paternelle à l’autorité

elles une conception différente de la patria potestas du droit romain. Ainsi, selon les coutumes du peuple germanique, la puissance paternelle était attribuée conjointement au père et à la mère, bien que la femme mariée, elle-même soumise à l’autorité de son mari, n’exerçait ce droit que si le père était décédé, absent ou incapable40.

Ce fractionnement entre droit écrit et droit coutumier en France perdura jusqu’à l’unification du droit français par la législation révolutionnaire. Désirant asseoir les institutions existantes sur de nouvelles bases, les révolutionnaires, motivés par un idéal de liberté et d’égalité et pour qui la puissance paternelle représentait le despotisme monarchique, diminuèrent singulièrement son étendue, notamment par l’établissement d’un tribunal de famille dont la principale fonction était de surveiller l’exercice du droit de correction du père ou la mère41. Ce tribunal fut créé par le Décret sur l’organisation judiciaire42 du 16 août 1790 qui prévoyait que toute mésentente relative à la conduite d’un enfant devait faire l’objet d’une décision arbitrale (susceptible d’appel devant le tribunal)43. Le père ne jouissait donc plus d’une autorité absolue et arbitraire à l’égard de ses enfants. Perpétuelle en droit romain et dans les pays de droit écrit – sous réserve de l’émancipation du mineur –, la puissance paternelle

40 Édith DELEURY, Michèle RIVET et Jean-Marc NEAULT, « De la puissance paternelle à l’autorité

parentale : Une institution en voie de trouver sa vraie finalité », (1974) 15 C. de D. 779, 803.

41 À l’instar des pays de droit coutumier, les législateurs révolutionnaires confièrent l’exercice de la puissance

paternelle conjointement au père et à la mère, celle-ci ne pouvant toutefois agir qu’à défaut du père de le faire. Il s’agissait là d’un changement d’importance majeure, les pays de droit écrit ayant toujours connu une puissance paternelle exclusivement exercée par le père. Voir : E.-Auguste CÔTÉ, La puissance paternelle, Rimouski, Imprimerie générale, 1926, p. 74.

42 Décrets et Lois 1789-1795 : Collection générale des décrets rendus par l’Assemblée nationale, vol. 5, Paris,

Baudouin. Ce tribunal fut toutefois aboli moins de quatre ans après sa création et ses compétences furent transférées aux tribunaux ordinaires : Édith DELEURY, Michèle RIVET et Jean-Marc NEAULT, « De la puissance paternelle à l’autorité parentale : Une institution en voie de trouver sa vraie finalité », (1974) 15 C. de D. 779, 808.

43 Édith DELEURY, Michèle RIVET et Jean-Marc NEAULT, « De la puissance paternelle à l’autorité

prenait désormais fin à la majorité de l’enfant fixée à 21 ans par le Décret du 20 septembre

1792 qui détermine le mode de constater l’état civil des personnes44. Le peuple français fut fortement ébranlé par ces changements majeurs apportés à la famille et à la puissance paternelle auxquels il n’était pas préparé. L’objectif des codificateurs fut donc, dès le début des années 1800, de rétablir la puissance paternelle au sein de la famille et de redonner aux parents toute l’autorité nécessaire pour leur permettre de s’acquitter efficacement de leurs devoirs auprès de leurs enfants45. Considérant la famille comme le pilier de la nation et désirant assurer la cohésion de cette institution par l’intermédiaire de lois plus adaptées aux mœurs du peuple français, les codificateurs restituèrent au père l’autorité qu’il avait perdue dans la législation révolutionnaire46. Le Code civil français de 1804, basé à la fois sur le droit romain et sur les règles coutumières47, confiait l’exercice de la puissance paternelle au père seul pendant le mariage48, lui octroyant dès lors un droit de garde et de correction absolu à l’égard de son enfant mineur non émancipé. Ainsi, contrairement aux législateurs révolutionnaires, qui avaient limité le pouvoir de correction en le soumettant à la surveillance

44 Titre IV, section I, art. 2.

45 Pierre-Antoine FENET, Travaux préparatoires du Code civil, t. X, Osnabrück (Allemagne), Otto Zeller,

1968, p. 511.

46 E.-Auguste CÔTÉ, La puissance paternelle, Rimouski, Imprimerie générale, 1926, p. 77.

47 Le Code civil français est essentiellement inspiré du droit écrit d’origine romaine, à l’exception des

dispositions relatives aux personnes et au mariage, incluant le chapitre sur la puissance paternelle, le droit coutumier à ces égards étant davantage en harmonie avec les mœurs de l’époque : E.-Auguste CÔTÉ, La puissance paternelle, Rimouski, Imprimerie générale, 1926, p. 79.

48 La femme mariée ne pouvait exercer cette autorité qu’en cas de défaut du père. Les parents naturels n’étaient

pas titulaires de la puissance paternelle, celle-ci étant une conséquence du mariage et non de la filiation : Édith DELEURY, Michèle RIVET et Jean-Marc NEAULT, « De la puissance paternelle à l’autorité parentale : Une institution en voie de trouver sa vraie finalité », (1974) 15 C. de D. 779, 810.

du tribunal, les codificateurs restituèrent aux parents leurs pleins pouvoirs tout en encadrant le droit de correction en fonction de l’âge et de l’état de l’enfant49.

§ 3 La situation au Québec : de la puissance paternelle à l’autorité parentale

Cette conception coutumière de la puissance paternelle – et plus particulièrement celle admise et pratiquée dans le ressort du Parlement de Paris50 – fut retenue par les commissaires à la codification lors de la rédaction des articles 242 à 245 du Code civil du Bas Canada relatifs à la puissance paternelle, qui énoncent :

« Art. 242 : L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère. Art. 243 : II reste sous leur autorité jusqu’à sa majorité ou son émancipation, mais c’est le père seul qui exerce cette autorité durant le mariage, sauf les dispositions contenues dans l’acte de la 25e Vict., chap. 66.

Art. 244 : Le mineur non émancipé ne peut quitter la maison paternelle sans la permission de son père.

Art. 245 : Le père, et à son défaut la mère, a sur son enfant mineur et non émancipé un droit de correction modérée et raisonnable, droit qui peut être délégué et que peuvent exercer ceux à qui l’éducation de cet enfant a été confiée. »

Ces dispositions du titre huitième du C.c.B.C. sur la puissance paternelle reproduisent ainsi presque fidèlement celles se retrouvant aux articles 371 à 381 du Code civil français de 1804. Seules les dispositions relatives au droit des parents de faire emprisonner leur enfant pour des

49 Jean BRISSAUD, Manuel d’histoire du droit français, Paris, Albert Fontemaing, 1908, p. 1102, à la note 4. 50 La Coutume de Paris fut introduite en Nouvelle-France par l’édit de 1663 : Albert MAYRAND,

« L’évolution de la notion de puissance paternelle en droit civil québécois », dans Mélanges offerts à René Savatier, Paris, Dalloz, 1965, p. 621, à la note 1. Abolie en 1763 par la Proclamation Royale de 1763 à la suite de la capitulation de la France en 1760, le droit coutumier français fut réintroduit en Nouvelle-France par l’Acte de Québec de 1774 (14 Geo. III, ch. 83) : Michel MORIN, « Les changements de régimes juridiques consécutifs à la conquête de 1760 », (1997) 57 R. du B. 689, 699.

fautes graves commises par ce dernier n’ont pas été reprises, les codificateurs les jugeant du ressort du droit criminel et estimant que le droit d’infliger des châtiments corporels modérés et raisonnables prévu à l’article 245 C.c.B.C. était suffisant pour les fautes ordinaires51.

Tout en maintenant le principe d’autorité du chef de famille52, le C.c.B.C. rejetait le caractère absolu que la puissance paternelle avait connu en droit romain et dans les provinces françaises de droit écrit en la limitant dans le temps et dans son étendue. Définie par Jean Pineau comme « l’ensemble des pouvoirs et des droits que la loi accorde aux père et mère sur la personne de leurs enfants mineurs pour leur permettre de remplir leurs devoirs de parents »53, elle comportait, pour son titulaire, un devoir d’entretien et d’éducation à l’égard de son enfant mineur non émancipé, devoir qui, en vertu de l’article 165 C.c.B.C., ne trouvait application que dans le mariage : « les époux contractent, par le seul fait du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants ». Ainsi, selon certains auteurs54, le mariage

51 E.-Auguste CÔTÉ, La puissance paternelle, Rimouski, Imprimerie générale, 1926, p. 84. Ce droit, qui avait

été reconduit lors de la réforme du droit de la famille en 1980 (art. 651 C.C.), a été abrogé lors de l’entrée en vigueur du Code civil du Québec en 1994.

52 Contrairement aux provinces canadiennes régies par la common law, le Québec conserve la conception

européenne de la famille tout en mettant l’accent sur le principe d’autorité : Albert MAYRAND, « L’évolution de la notion de puissance paternelle en droit civil québécois », dans Mélanges offerts à René Savatier, Paris, Dalloz, 1965, p. 621 et 622.

53 Jean PINEAU, Traité élémentaire de droit civil. La famille, Montréal, Presses de l’Université de Montréal,

1972, p. 188.

54 Édith DELEURY, Michèle RIVET et Jean-Marc NEAULT, « De la puissance paternelle à l’autorité

parentale : Une institution en voie de trouver sa vraie finalité », (1974) 15 C. de D. 779, 822 ; E.-Auguste CÔTÉ, La puissance paternelle, Rimouski, Imprimerie générale, 1926, p. 90 ; Pierre-Basile MIGNAULT, Le droit civil canadien, t. 2, Montréal, C. Théoret Éditeurs, 1896, p. 151. Ces auteurs sont d’avis que la puissance paternelle ne fut fondée sur la filiation que suivant l’adoption, en 1970, de la Loi modifiant le Code civil et concernant les enfants naturels, L.Q. 1970, c. 62, qui vint mettre fin à la distinction qui existait entre les obligations des parents légitimes et celle des parents naturels, ces derniers étant auparavant seulement tenus de nourrir leurs enfants nés hors mariage en vertu de l’art. 240 C.c.B.C. À l’inverse, Jean Pineau et Marie Pratte considèrent que tous les parents – mariés ou non – étaient titulaires de la puissance paternelle, l’article 165 C.c.B.C. laissant faussement croire que celle-ci découlait uniquement du mariage : Jean PINEAU et Marie PRATTE, La famille, Montréal, Éditions Thémis, 2006, p. 831.

demeurait, sous le C.c.B.C., le fondement juridique des devoirs et des droits découlant de la puissance paternelle.

En vertu de l’article 243 C.c.B.C., l’exercice de la puissance paternelle était attribué, en mariage, au père seul. Elle-même soumise à l’autorité de son mari, l’exercice de la puissance paternelle ne revenait à la femme mariée qu’en cas de décès, d’absence légale (au sens de l’article 86 C.c.B.C.) ou d’incapacité de son époux. Témoignant du contexte socioculturel de l’époque et de l’importance du rôle et de la place prépondérante accordée à l’homme par la société occidentale, Pierre-Basile Mignault affirmait que :

« La mère manquerait à l’obéissance et au respect qu’elle lui doit [à son mari], si elle intervenait dans le gouvernement de la famille ; son intervention serait pleine de conflits ; la paix du ménage en serait troublée et le bonheur des enfants compromis. »55

Suivant l’évolution des mœurs au sein de la société québécoise, cette idéologie a de plus en plus fait place à une philosophie basée sur l’égalité des rapports entre les hommes et les femmes. Afin d’harmoniser le droit aux nouvelles réalités sociales, le législateur québécois a apporté, au début des années 1960, diverses modifications au Code civil de 1866, notamment par l’adoption de la Loi sur la capacité juridique de la femme mariée56.

Ainsi la notion de « puissance maritale », qui désigne la suprématie légale du mari sur son épouse, était-elle abrogée et le nouvel article 174 C.c.B.C. créait-il une direction collégiale de la famille. Dès lors, l’autorité dont disposait le père à l’égard de ses enfants était partagée, bien que la nouvelle disposition contrastait avec l’article 243 C.c.B.C. (qui, rappelons-le,

55 Pierre-Basile MIGNAULT, Le droit civil canadien, t. 2, Montréal, C. Théoret Éditeurs, 1896, p. 143. 56 S.Q. 1964, c. 66.

accordait au père seul la puissance paternelle durant le mariage), tel qu’en font foi les propos du juge Gagnon dans l’arrêt Bockler :

« L’article 243 relatif à la puissance paternelle est toujours inscrit au Code, mais il se trouve depuis quelques années dans un nouveau contexte. L’autorité au sein du mariage est aujourd’hui partagée ; la comparaison du nouvel article 174 avec l’ancien fait voir cette évolution. »57

Diverses autres mesures législatives visant à assurer l’égalité entre les époux furent par la suite adoptées par le législateur québécois. Ainsi, en 1969, la Loi modifiant le Code civil58 reconnaissait à la mère un pouvoir égal à celui du père pour autoriser le mariage de leur enfant mineur. Peu de temps après, la Loi modifiant le Code civil et concernant les enfants naturels59 lui donnait la faculté de s’y opposer. De même, le principe d’égalité des droits sans distinction ou préférence fondée sur le sexe fut affirmé et garanti en 1975 par la Charte des droits et

57 Bockler c. Bockler, [1974] C.A. 41, 42. Selon les auteurs Deleury, Rivet et Neault, cette contradiction est le

résultat d’une révision parcellaire du Code civil et non de la « réticence du législateur à poursuivre la réforme des structures d’autorité dans la famille », irrégularité à laquelle a pallié, en 1977, la Loi modifiant le Code civil, L.Q. 1977, c. 72, par le remplacement de la notion de « puissance paternelle » par celle d’« autorité parentale » : Édith DELEURY, Michèle RIVET et Jean-Marc NEAULT, « De la puissance paternelle à l’autorité parentale : Une institution en voie de trouver sa vraie finalité », (1974) 15 C. de D. 779, 828. Citant l’arrêt de la Cour d’appel du Québec dans Cheyne c. Cheyne, [1977] C.A. 319, où le juge Mayrand, au nom de la majorité, énonce que le texte de l’article 243 C.c.B.C. « établit sans ambiguïté la prééminence du père en matière de puissance paternelle », les auteurs Jean Pineau et Marie Pratte sont plutôt d’avis que cet article a eu force de loi jusqu’à son abrogation officielle en 1977 par la Loi modifiant le Code civil, L.Q. 1977, c. 72 : Jean PINEAU et Marie PRATTE, La famille, Montréal, Éditions Thémis, 2006, p. 831. Ethel Groffier-Atala partage cet avis en affirmant que « [s]eule la modification de l’ancien article 243 du Code civil pouvait instaurer une collégialité complète » : Ethel GROFFIER-ATALA, « De la puissance paternelle à l’autorité parentale », (1977) 8 R.G.D. 223, 224. Il semble en être de même des auteurs Mireille D.-Castelli et Dominique Goubau : Mireille D.-CASTELLI et Dominique GOUBAU, Le droit de la famille au Québec, 5e éd., Québec, Presses de l’Université Laval, 2005, p. 303.

58 L.Q. 1969, c. 74, art. 1, qui remplaçait l’article 119 C.c.B.C. par le suivant : « [l]es enfants qui n’ont pas

atteint l’âge de vingt et un ans accomplis doivent, pour contracter mariage, obtenir le consentement de leur père ou de leur mère ».

libertés de la personne60. À ce tableau vint s’ajouter, en 1977, l’adoption de la Loi modifiant