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Madagascar est le terrain privilégié des ONG de conservation oeuvrant dans le domaine de l´environnement, du fait de l'existence d'une riche biodiversité avec forte endémicité soumise à de très fortes pressions anthropiques. Ce sont ces ONG qui sont surtout les "acteurs d'environnement" à Madagascar.

Les grandes ONG internationales côtoient les ONG nationales pour la protection de l'environnement à Madagascar. Même si leurs moyens ne sont pas identiques, elles ont toutes les mêmes objectifs. Les actions de ces ONG visent plus largement la protection des ressources naturelles. Mais depuis le début des années 2000, avec l'influence de la notion de développement durable, les ONG ne peuvent ignorer la nécessité de réaliser des actions de développement en parallèle avec les actions de protection de ces ressources pour pouvoir obtenir une meilleure efficacité de ces dernières. Les ONG sont, de ce fait, devenues des "courtiers en développement"59 en plus d'être des "acteurs d'environnement".

A. Les ONG nationales

L'augmentation du nombre d'ONG nationales, dans le domaine de la protection de l'environnement, a surtout été observée depuis la mise en œuvre du PNAE et surtout lors des premières années de mise en place de l'ANAE (Falloux et Talbot, 1992). La présence des ONG est indispensable lorsque l'État ne peut pas assurer pleinement ses fonctions d'encadrement au niveau local, et d'intermédiaire entre les organismes financeurs et les populations locales. Ce sont ces ONG qui jouent réellement, au niveau local, le rôle d'acteurs d'environnement.

L'objectif de protection de l'environnement n'est pas obligatoirement explicite pour certaines de ces ONG locales, surtout lorsque celles-ci ont été créées pour d'autres finalités. Toutefois, les activités qu'elles mènent peuvent contribuer à atteindre cet objectif. Dans le cas de Didy, l'ONG Velombolo est une ONG qui travaille pour le développement de la pisciculture dans la commune rurale de Didy, et même au-delà de la limite de la commune. La protection de l'environnement n'est donc pas l'objectif premier de cette ONG. Toutefois, les membres de l'ONG affirment que l'amélioration de leur niveau de vie, grâce au développement de cette

59 "les courtiers locaux en développement sont ces acteurs sociaux implantés dans une arène locale (dans la quelle ils jouent un rôle politique plus ou moins direct) qui servent d'intermédiaires pour drainer (…) des ressources extérieures relevant de l'aide au développement" (Bierschenk et al., 2000, p.7).

activité, permet la protection de la forêt : tant que les membres de la communauté locale ont, par l'intermédiaire de la pisciculture, des ressources financières pour satisfaire leurs besoins, ils n'iront plus en forêt pour y pratiquer la chasse ou pour exploiter le bois d'œuvre.

Les formations de ces ONG ne sont pas toutes identiques. Dans certains cas, les ONG locales sont constituées par les membres mêmes de la communauté locale (cas de l'ONG ADIDI à Didy travaillant dans le domaine du développement agricole) avec une aide venant de l’extérieur. Dans d'autres cas, ce sont des ONG "régionales" qui n’ont pas été créées seulement pour une zone déterminée. Ces ONG ont alors une zone d'intervention plus large que les locales.

Les ONG locales ont peu de moyens par rapport aux ONG internationales. Ce manque de moyens n’affecte en rien l'efficacité de leurs actions, surtout lorsque la stratégie de l'ONG repose sur sa présence permanente et celle de ses agents dans les zones à protéger. Etant basée directement dans la région, l’ONG entretient des relations plus aisées avec les membres de la communauté. En effet, ceux-ci ont une approche plus facile avec les personnes extérieures à leur groupe quand elles vivent avec eux et se conforment à leurs règles.

B. Les ONG internationales

Deux grandes ONG de notoriété internationale (ou grands acteurs de la conservation selon Billé et Chabasson, 2008), sont présentes à Madagascar : WWF et CI60. WWF est l’une des plus anciennes ONG s’occupant de la protection des ressources naturelles à Madagascar. Il a participé, entre autres en 1989, à la rédaction de l’ouvrage intitulé "Revue de la conservation et des aires protégées", qui est devenu une des références-clés dans la rédaction de la politique environnementale à Madagascar au début du PNAE. WWF essaie de développer les écorégions61 – il en existe ici cinq – dont la protection s’avère urgente du fait de la rapidité de leur dégradation.

CI, par contre, travaille avec la notion de hotspot. Madagascar est un des 34 hotspot62 identifiés dans le monde. La dégradation des ressources forestières malgaches contribue

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Au niveau international, The Nature Conservancy (TNC) complète la liste de ces grands acteurs internationaux de la conservation. Mais TNC n'est pas présent à Madagascar.

61 L’écorégion est une unité terrestre ou aquatique/marine, relativement large contenant un ensemble

caractéristique d’espèces, de communautés, de dynamiques et de conditions environnementales formant un tout cohérent du point de vue biologique Il existe 237 écorégions prioritaires dans le monde.

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Concept développé par Norman Myers en 1988, pour être qualifié de "hotspots", une écorégion (ou un groupe d'écorégions adjacentes et similaires) doit remplir deux critères stricts : elle doit contenir au moins 1500 espèces de plantes vasculaires endémiques (soit au moins 0,5% du total mondial) et avoir perdu au moins 70% de son habitat originel. Russel Mittermeier et ses collègues ont identifié, en 2004, 34 hotspots dont la région comprenant Madagascar et les îles de l'Océan Indien.

fortement à la perte et même l’extinction d'une biodiversité inestimable et de surcroît endémique.

La présence de ces grandes ONG de conservation à Madagascar souligne l’importance de la biodiversité malgache et de l'urgence des actions de protection sur le territoire national. Les actions de ces ONG s’étaient focalisées dans le passé sur la protection de la biodiversité et des ressources naturelles, actions certes louables, mais non tournées vers le développement. L'évolution des réflexions sur les relations entre la protection de la biodiversité et la nécessité de développement local les ont poussées progressivement à changer de stratégies. Par exemple, le programme Conservation Stewardship Program (CSP) développé par CI vise clairement la protection des ressources naturelles en mettant en place des activités alternatives aux pratiques culturales destructrices (les teviala63 surtout). Ces activités alternatives tournent autour de l'intensification et de la diversification des activités agricoles. Le développement local est dans ce cas nettement identifié comme une issue pour endiguer et ralentir la destruction de la forêt par la pratique de la culture sur brûlis, même s’il n’est pas tellement mis en pratique sur le terrain.

Ces ONG ne peuvent travailler sans moyens financiers. Il est dans ce cas nécessaire de faire appel à des bailleurs, généralement étrangers. Les donateurs individuels et les fondations, qui contribuent aux efforts de préservation de la biodiversité à Madagascar, sont nombreux, et ils réalisent leurs actions dans la majorité des cas par l'intermédiaire des ONG de conservation, qu'elles soient nationales ou internationales. Ces donateurs ne sont souvent que des philanthropes qui n'ont pas la vocation d’intervenir directement dans les activités qu'ils financent. Pour le financement des activités de protection des ressources naturelles malgaches en particulier, on peut citer la John D. & Catherine T. MacArthur Foundation, la National Geographic Society, le Carbon Storage Trust, la UNDP Foundation, CARE International, le Madagascar Fauna Group, Wildlife Preservation Trust International (États-Unis), le Margot Marsh Biodiversity Foundation, Missouri Botanical Garden, BirdLife International, National Science Foundation, Friends of the Earth (Asa Fady), et Primate Conservation, Inc.

C. Les bailleurs de fonds

Les bailleurs bilatéraux et les bailleurs multilatéraux contribuent en grande partie au financement des activités de protection des ressources naturelles et forestières à Madagascar. Les programmes nationaux de réforme comme le PNAE ou la réforme foncière ont bénéficié des appuis financiers, et parfois techniques, de ces bailleurs. Les bailleurs de fonds du PNAE incluent la Banque Mondiale, l'United States Agency for International Development (USAID), la German Technical Assistance (GTZ), le German Infrastructure Development

(KfW), le Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD), et le Fond pour l’Environnement Mondial (FEM) (CEPF, 2000). Ce groupe a formé un "secrétariat multi- donateurs" pour coordonner la répartition des ressources financières internationales. Ce rôle prépondérant des bailleurs peut être considéré, dans certains cas, comme un facteur négatif dans les activités de protection des ressources naturelles (Jacquemot et Raffinot, 1993 ; Henkels, 1999 ; Andriamahefazafy, 2004) étant donné que les activités entreprises doivent être préalablement approuvées par eux. La marge de manœuvre du pays bénéficiaire se trouve ainsi restreinte du fait des exigences émises par ces bailleurs.

Mais Madagascar ne peut pas encore se passer des bailleurs de fonds pour élaborer et mettre en œuvre ses politiques. Les réformes coûtent cher et le pays n'a pas les moyens de les entreprendre. Le PAE a coûté, à lui seul, environ 384 millions de dollars. Il a été financé en grande partie par les bailleurs de fonds. La participation du gouvernement malgache n'a été faite que par l'intermédiaire des processus d'effacement de dette (échange dettes-nature). Outre ce cas de participation des organismes de financement extérieurs au processus de réforme, la plus grande partie du financement des activités forestières à Madagascar provient encore de dons et aides (53%). La part de l'État reste assez minime (43 %) bien qu’elle soit la plus importante au niveau des programmes d'investissement public (partie subvention). La part des taxes n'atteint qu'un peu plus de 2% du financement total (FAO, 2008).

Section 4

Relation entre les différents acteurs œuvrant dans le domaine