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Mais en quoi consistent exactement les PSE et comment fonctionnent-ils ?

A. Définition

"Le paiement pour les services environnementaux (PSE) est un mécanisme (…) qui vise à favoriser des externalités environnementales positives grâce au transfert de ressources financières entre les bénéficiaires de certains services écologiques et les fournisseurs des services ou les gestionnaires de ressources environnementales" (Mayrand et Paquin, 2004).

Le PSE est un outil assez récent visant principalement la gestion et la protection des services environnementaux par leurs échanges. Il fait partie intégrante du domaine de la protection de l'environnement, utilisant des approches principalement économiques. Dans un contexte de réduction des fonds disponibles pour la protection de l'environnement, les PSE sont considérés comme les instruments pouvant rétablir la situation par l'intervention de nombreux acteurs, dont le secteur privé.

Les PSE ont été classés en quatre catégories bien distinctes en fonction de la nature des services environnementaux à protéger : les crédits pour la séquestration du carbone75, les paiements pour la protection de la biodiversité, surtout forestière, les paiements pour la préservation de la qualité de l’eau, et enfin ceux pour le maintien de la beauté du paysage, qui peuvent relever d’une activité d’écotourisme (Landell-Mills and Porras, 2002 ; Wunder, 2005). Cet instrument recouvre une large gamme de formules plus ou moins liée aux forêts, aux modalités parfois très différentes (Wunder, 2008). Ces différentes modalités portent par exemple sur l'objectif immédiat de ces PSE. Il y a des PSE qui prônent essentiellement une restriction de l'utilisation des terres et des ressources qui se trouvent sur celles-ci, les formes de "préservation" des terres et des ressources en font partie : toute activité est interdite sur ces parcelles. Et il y a ceux qui prévoient l'utilisation des ressources, mais selon des modalités bien déterminées.

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Pour pouvoir être des PSE à part entière, ces derniers doivent répondre à cinq critères (Wunder, 2005). Le PSE doit être "un accord et une transaction volontaires aux termes duquel un service environnemental bien défini (ou une pratique agricole ou foncière susceptible de pérenniser ces services) est acheté par au moins un acheteur de service externe auprès d'au moins un prestataire de service local, et ce, à condition que le prestataire de service continue de fournir le service en question tout au long d'une période déterminée"76.

Pouvoir satisfaire à ces cinq critères est difficile. Ceci n'empêche pourtant pas le développement de l'outil PSE. Plusieurs cas ne répondent donc qu'à certains critères. Ils sont dans ces cas considérés comme des "quasi-PSE" (Wertz et Wunder, 2007). Ces quasi-PSE sont plus nombreux que les PSE dans la réalité (Landell-Mills et Porras, 2002 ; Wertz et Wunder, 2007). Ceci démontre la difficulté d'application du mécanisme, mais également la flexibilité du concept. De plus, l'existence de nombreux outils assimilables aux PSE complique la définition de ces systèmes : les mesures agri-environnementales77 en sont des exemples concrets dans le domaine agricole en France.

Deux grands types de contrats PSE peuvent exister : les contrats use-restricting et les contrats asset-building (Wunder, 2005). Dans la première catégorie, les PSE ne permettent pas l'utilisation des ressources naturelles. Les personnes sous contrat PSE sont soumises au régime de la protection stricte des ressources. Dans la seconde catégorie, il y a possibilité de modifier les activités des utilisateurs des ressources naturelles, qui peuvent encore être utilisées. Les apports dans le cadre des contrats PSE ont ainsi comme finalité une modification progressive des activités et des pratiques, dans le cadre d'un objectif particulier qui est la protection des ressources dans les mêmes périmètres d'évolution. Ainsi, pour recevoir les paiements, les propriétaires des terres doivent adopter des pratiques spécifiques qui ne nuisent pas à l'environnement. Il peut s'agir par exemple de la mise en place d'un système agroforestier, d'une reforestation ou d'une restauration forestière, de l'utilisation d'intrants respectueux de l'environnement ou de la réalisation d'"exploitation raisonnée" des ressources. Si le but premier de ce système est la protection de l'environnement, les questions sociales dans le fonctionnement de ces PSE sont essentielles. En effet, on retrouve les populations au cœur de ce système : il ne fonctionne pas sans les efforts fournis par les populations productrices des services. Certains auteurs comme Mayrand et Paquin (2004) considèrent même que les PSE sont les bases de la recherche d'un développement fort par

76 “A PES is a voluntary transaction where a well-defined ES (or a land-use likely to secure that service) is being ‘bought’ by a (minimum one) ES buyer from a (minimum one) ES provider if and only if the ES provider secures ES provision (conditionality)”, p. 3.

77 Les mesures agri-environnementales (MAE) sont des contrats signés entre l’État français et un agriculteur sur

cinq ans, afin que ce dernier adopte des pratiques agricoles favorables à l’environnement moyennant une rémunération. Ces mesures sont contraignantes et octroyées à des exploitants agricoles volontaires pour changer leurs pratiques agricoels.

l'intermédiaire de la diversification des activités des populations productrices de services environnementaux78.

Mais dans la pratique, les contrats PSE en vigueur présentent la particularité d’être à la fois des contrats use-restricting et asset-building. En effet, pour être un PSE à part entière, il est nécessaire que la conditionnalité écologique soit maintenue, ceci afin que les PSE ne puissent être assimilés à de simples projets de développement.

Les systèmes de PSE sont également classés selon le type de services générés (tableau 5).

Tableau 5 : Grille d'Aznar sur la classification des PSE

Définition Lien avec l’action des

pouvoirs publics

Exemples

Service prestation Opération intentionnelle réalisée par un

prestataire à la demande d’un usage

Différents rôles des pouvoirs publics :

incitations, organisation du marché, etc.

Plantation d’une haie

Service externalité Absence d’intentionalité

pour l’émetteur (pas de coût de production).

Les pouvoirs publics peuvent chercher à maintenir une externalité positive ou à réduire une externalité négative

Effet d’une pratique agricole sur le paysage.

Service-fonction Utilité attribuée par les êtres humains aux objets naturels.

Mesure des services- fonctions, maintien du capital naturel ;

Recyclage de l’eau par les sols. Source : Aznar et al., 2007.

Les services prestations sont des services que l'on peut rencontrer habituellement. Les services fonction sont, de leur côté, des services qui sont totalement écologiques et échappent aux contrôles des hommes. Les services externalités peuvent par contre être gérés. Ce sont ces services qui sont ainsi pris en compte dans le cadre des paiements pour services environnementaux intéressant le domaine de la protection des ressources.

Tous les acteurs doivent participer d'une manière volontaire et contractuelle sur une période déterminée. L'aspect conditionnel du système PSE se manifeste par le fait qu'en cas de cessation de la fourniture du service environnemental considéré, l'entité fournisseur sera sanctionnée.

B. Origine des paiements pour services environnementaux

Le concept de PSE a deux origines distincts : la nécessité d'internalisation des externalités pour la régulation de ces dernières et le supposé faible impact de la politique de gestion des ressources comprenant les lois et les "incitations indirectes à la conservation".

Les PSE font partie de ces nouvelles approches qui favorisent les externalités environnementales positives, grâce à des transferts d'argent entre les bénéficiaires de services environnementaux et leurs fournisseurs. Ces services sont internalisés avec le système de PSE et sa régulation. Ce mécanisme peut être assimilé à une sorte de récompense par rapport à des services qui ont été rendus gratuitement jusqu'alors.

La seconde raison fréquemment citée par plusieurs auteurs pour justifier la mise en place des PSE est le résultat mitigé des politiques de gestion des ressources naturelles basées sur la gestion participative79 (Arnoldsen et al., 2008) et/ou l’aménagement durable des ressources, et la gestion étatique répressive de ces ressources. "Market approaches are often perceived as an effective alternative to public regulation and to cooperative approaches" (Grieg-Gran et al., 2005). En effet, les bénéfices attendus de l’aménagement durable des resources sont faibles et ne peuvent en aucun cas concurrencer ceux de l’exploitation forestière (Niesten et Rice, 2004). Pour pouvoir y remédier, les PSE sembleraient être l'instrument le plus adéquat. Ces deux approches, ainsi que la mise en place d’aires protégées, sont les modes de gestion dits traditionnels de l'environnement (Wertz-Kanounnikoff, 2007).

1. Critiques de la règlementation

La gestion étatique des ressources se fait par l'intermédiaire d'instruments règlementaires imposés par un pouvoir public : l'État. L’approche réglementaire et administrative consiste à fixer directement une norme quantitative qui porte sur les moyens d’exploitation d’une ressource (Baumol et Oates, 1973). Cette approche, dont la dominante est repressive, est la tendance pour la majorité des forêts tropicales, car, en l'absence de réforme des anciennes politiques de gestion des forêts, les gestions publiques centralisées issues des politiques coloniales se poursuivent (Antona et Bertrand, 2006).

79 La gestion participative est une situation où au moins deux acteurs sociaux négocient, définissent et

garantissent entre eux une partage équitable des fonctions, droits et responsabilités de gestion d’un territoire, d’une zone ou d’un ensemble donné de ressources naturelles (Borrini-Feyerabend et al., 2000).

La gestion participative se définie comme étant un processus qui décrit une situation dans laquelle au moins deux acteurs sociaux appelés parties prenantes définissent, garantissent, négocient entre eux le partage équitable des avantages, des fonctions, des droits et des responsabilités pour parvenir à une gestion durable des ressources naturelles.

Une approche réglementaire impose une série d'obligations. Ces dernières ne sont pas systématiquement exécutées, surtout si le pouvoir public qui la met en œuvre manque de ressources pour assurer leur application. De plus, il est très difficile d'appliquer des règles d'utilisation contraignantes sur des populations qui dépendent à très grande partie de l'utilisation de ces ressources pour pouvoir survivre80. Le fait de contraindre ces populations à développer des activités pouvant les aider dans leur subsistance ne peut que renforcer la dégradation des ressources et le développement d'activités illégales (Buttoud, 1995 ; Mayrand et Paquin, 2004).

Cette pratique consistant à imposer des règles de la part d'une autorité publique n'engendre pas les effets escomptés en matière de conservation.

"Les approches préconisant la réglementation ratent souvent leur cible en raison de l’impuissance du système d’application des lois environnementales et de la non- conformité généralisée. Les systèmes de PSE peuvent être efficaces là où les approches réglementaires ont échoué parce qu’ils créent un système qui encourage la conservation au lieu d’instaurer une série d’obligations qui risquent d’être systématiquement non exécutées parce que les mesures d’incitation ont un effet contraire et qu’il n’y a pas suffisamment de ressources pour assurer leur application" (Mayrand et Paquin, 2004).

"La gestion étatique des forêts est, il est vrai, d’efficacité relative, voire médiocre dans de nombreux pays en développement, dont l’administration est généralement faible (…)" (Ledant, 2008).

L'approche par les incitations peut en être la solution alternative. Les PSE en font partie.

2. Incitations directes vs. incitations indirectes

Les instruments indirects à la conservation ont des objectifs multiples. Ces derniers peuvent être le développement économique (par l’écotourisme par exemple) et la gestion durable des ressources naturelles (par l’aménagement forestier local par exemple) (Billé et Pirard, 2007). Les objectifs de ces instruments indirects sont donc autres que la conservation de la biodiversité. Cette conservation n’est qu’une conséquence de la mise en place des instruments.

Les instruments basés sur les incitations indirectes de la conservation ont des résultats mitigés. À Madagascar, les instruments qui les représentent au mieux sont les transferts de

gestion et les PCDI. La protection des ressources naturelles sont pour les premiers tributaires de la valorisation des ressources et pour les seconds du développement d'autres secteurs dont principalement celui touchant le domaine agricole. Les supposés échecs de ces derniers ont permis d'asseoir la légitimité des incitations directes à la conservation.

Les incitations directes à la conservation ont comme principal objectif la protection des ressources naturelles. Les actions menées ne constituent ainsi que les moyens pour parvenir à cet objectif ultime qui est la protection des ressources.

Les incitations directes les plus évoquées dans la littérature sont les concessions de conservation, les servitudes de conservation et les paiements pour services environnementaux. Les concessions de conservation sont des accords incitatifs de conservation dédommageant directement les ayants droit et les collectivités concernées pour la fourniture de services de conservation (Niesten et Rice, 2004). Le gestionnaire de telles concessions reverse les droits d’abattage, les taxes et autres redevances qui auraient été payées s’il y avait eu exploitation, et peut compenser les populations locales des emplois "perdus" (Hardner et Rice, 2002).

Les servitudes de conservation quant à eux sont des contrats imposants des restrictions permanentes et légalement contraignantes à l’utilisation des terres privées. Un propriétaire des terres peut ainsi recevoir une indemnisation financière lorsqu’il renonce à ses droits d’exploiter les terres (Niesten et Rice, 2004).

Actuellement, on assiste à un essor de ces instruments utilisant les incitations directes. La raison la plus fréquemment citée est l’inefficacité des instruments indirects et intégrés des ressources. En effet, ces instruments, même s’ils ont des résultats positifs en termes de développement, n’ont pas obligatoirement permis la conservation des ressources naturelles (Ferraro et Simpson, 2002). Toutefois, les deux approches (directes et indirectes) sont actuellement utilisées simultanément, mais à des proportions variables (Billé et Pirard, 2007).

C. La mise en œuvre du PSE : le contrat

Le PSE est un mécanisme d’échange volontaire des services environnementaux, lesquels sont échangés entre leurs fournisseurs et leurs bénéficiaires (également qualifiés d'utilisateurs). L'outil approprié pour le mettre en œuvre est de ce fait le contrat. Ce dernier définit les droits et les obligations de chaque partie (utilisation des terres selon un plan d'aménagement préétabli, système de contrôle et de suivi pour les fournisseurs de SE et paiements de la compensation pour les bénéficiaires des services environnementaux), et régule les échanges des services environnementaux (Wunder, 2005). Ces contrats ont généralement des durées déterminées81. Ils sont renouvelables, en fonction de la disponibilité en ressources financières provenant des bénéficiaires des SE. La démarche contractuelle est inévitable du fait de l'importance des négociations bilatérales pour mettre en œuvre l'outil, mais aussi par l'existence d'une conditionnalité environnementale quant à l'attribution des compensations aux fournisseurs des services environnementaux.

Le contrat en tant qu'instrument privé est surtout conditionnel car l'attribution des compensations dans le cadre des PSE n'a lieu que si les services environnementaux sont réellement fournis (Wunder, 2005).

81 Les contrats durent par exemple cinq ans au Costa Rica, et 25 ans en Guyana pour les concessions de