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Madagascar est connu pour son exceptionnelle biodiversité, mais aussi pour la rapide disparition du couvert forestier et et sa forte dégradation55. Madagascar est aussi connu pour ses fortes érosions, rendant le sol, dans le long terme, inexploitable.

Ces clichés alarmants incitant à affirmer que la forêt malgache est en train de disparaitre ne sont pas nouveaux. Ils sont même très anciens car les premières explorations des forêts malgaches et les premiers articles sur les ressources naturelles malgaches ont déjà évoqué les fortes dégradations des forêts et leur intense utilisation par les communautés locales. Mais selon la dernière évaluation de la superficie forestière à Madagascar (MEFT et al., 2009), les affirmations doivent être nuancées. Ceci est confirmé par les dernières données sur la disparition de la forêt dans le pays. D'une manière générale, le taux de déforestation moyen annuel sur le territoire national est passé de 0,83% par an en 1990-2000 à 0,53% par an pour la période 2000-2005.

Les menaces qui contribuent à la déforestation et la fragmentation des ressources forestières, les plus fréquemment cités sont le tavy, les feux de brousse, la production de charbon de bois et la coupe illicite (Serpantié et al., 2007 ; MEFT et al., 2009).

Mais les forêts sempervirentes des corridors forestiers de l'Est subissent-elles les mêmes pressions?

Selon Serpantié et al., (2007), on ne peut pas imputer aux paysans les degradations forestières de la région orientale de l'île. "C'est le climat spécifique de ces lieux, peu propice aux feux et au tavy, donc à la civilisation "du riz et du bœuf", et une morphologie sans bas-fonds, qui a contribué ainsi à y conserver partout la forêt (…). Seuls ont perturbé ou rajeuni ces écosystèmes les catastrophes naturelles (cyclones et glissements de terrains résultants), l'exploitation des bois ou du bambou, la chasse, la pêche, les mines, les voies de communication, certains organismes introduits (rats, sangliers, plantes exotiques), ainsi que des feux exceptionnels". Pourtant, des perturbations existent et elles occasionnent des dégâts importants. En effet, dans les régions forestières de l'Est, les écosystemes forestiers sont fortement perturbés, même sur les flancs abrupts des collines. La forêt d'Ambohilero dans la région de Didy est par exemple constituée de forêt humide sempervirente. Mais à Bemainty,

55 Selon Perrier de la Bathie (1936), "les restes de la végétation primitives couvrent encore aujourd'hui les 3/10 de la superficie de l'île. (…) la forêt orientale (…) couvrait jadis 12 millions d'hectares environ. Elle n'en

un hameau se trouvant au milieu de la forêt, la déforestation est très visible. Les flancs des collines sont nus. Les pratiques culturales se basant sur le défriche-brûlis ont eu raison des forêts. Et même si la forêt se reconstitue progressivement après leur abandon, elle n'a pas le temps de se renconstituer totalement pour être identique à la forêt originelle. La végétation qui se reconstitue n'est qu'une végétation secondaire. Plusieurs travaux de mémoire attestent également la présence de ces tavy ou cultures sur abattis-brûlis et leurs effets sur les forêts (voir entre autres Rajaonahsoa, 1970 ; Rasoavarimanana, 1995 ; Rajaonarivelo, 2000 ; Panarin et Teyssier, 2003).

Photo 1 : Pratique du tavy dans la forêt d’Ambohilero (Bemainty)

Cliché de l’auteur (2008)

Mais on peut dire également que les forêts épineuses ont été les plus touchées par la déforestation. En 2005, le taux de perte en forêts épineuses a été de 1,2% par an environ de la superficie restante. Les déboisements se trouvent surtout dans le sud de Madagascar, dans les régions sèches, là où les feux peuvent s’étendre plus facilement, et là où la forêt constitue la seule réserve en terre encore fertile. Les inégalités entre les taux de déforestation sont ainsi encore flagrantes entre les différentes régions de l’île.

Outre ces différences de valeur des taux de déforestation entre régions, les altitudes jouent aussi un rôle dans la protection des forêts. Les forêts en basses altitudes sont les plus dégradées et les plus exposées à disparaître. En particulier, la forêt à moins de 400m d’altitude a continué à connaître un taux de déboisement de 0,73% par an au cours de la période 2000-2005. Ces forêts se trouvent en très majeure partie dans la région Ouest de Madagascar.

Les forêts orientales malgaches brûlent alors moins malgré les quelques cas de cultures sur brûlis observés. Ceci corrobore les propos de Serpantié et al. (2007) qui affirme que les limites de la forêt de l’Est n’ont pas beaucoup bougé depuis plusieurs années. Mais localement, cela n’empêche pas de réaliser les tavy. Ces derniers sont visibles et déboisent les zones montagneuses à fort escarpement.

À ceci s’ajoute les périodes d’instabilité politique à Madagascar qui permettent l’intensification des pratiques destructrices non encore maîtrisées des ressources forestières (Bertrand et al., 2009). Ce sont surtout l’exploitation du bois précieux et la recrudescence des feux de brousse.

La destruction de la forêt n’est pas stoppée à Madagascar et alimente encore actuellement les discussions scientifiques. Les efforts de protection des ressources forestières à Madagascar n’ont pas abouti. Néanmoins, deux visions peuvent être observées pour l’analyse du phénomène de déforestation dans le pays : une première insistant sur le fait que les conditions pédologiques et climatologiques préservent la forêt, ce qui fait que cette dernière n'est pas très exposée malgré les quelques hectares de forêt disparaissant annuellement ; et une seconde, alarmiste, qui impute principalement aux communautés locales la disparition future de la forêt humide de l’Est malgache, et donc à la nécessité de mettre en place des politiques plus strictes de protection des forêts.

Chapitre 4.

Les acteurs de la politique environnementale et