2.4 Les politiques familiales
2.4.3 Le versement d’aides financières aux familles
Pour terminer cette partie sur la présentation des systèmes de politiques
famil-iales en Europe, nous nous intéressons aux différents types d’aides financières aux
familles. Les données sont tirées de la base de données de l’OCDE sur la famille et
de celle des statistiques de l’OCDE sur les prestations et questions sociales. Selon
les définitions de l’OCDE, les dépenses publiques en prestations familiales
corre-spondent à l’ensemble des aides financières versées par les pouvoirs publics au titre
exclusif de la famille et des enfants. D’une manière générale, il existe trois
caté-gories de dépenses publiques en prestations familiales : 1) les transferts monétaires
dont bénéficient les familles avec enfants au titre de ces derniers (prestations en
es-pèces), à savoir les allocations familiales pour enfant à charge et les compléments de
revenu versés par les pouvoirs publics pendant les périodes de congé parental et aux
familles monoparentales ; 2) les dépenses publiques sous la forme de services aux
familles avec enfants (prestations en nature), qui regroupent le financement direct et
le subventionnement des prestataires de services de garde d’enfants et des
établisse-ments d’enseignement préélémentaire
27, l’aide publique à la garde d’enfants prenant
la forme de versements pré-affectés aux parents, les dépenses publiques d’aide en
faveur des jeunes et de l’hébergement en pensionnat, et les dépenses publiques en
matière de services à la famille, c’est-à-dire les services d’aide assurés dans un centre
extérieur ou à domicile à l’intention des familles dans le besoin ; 3) l’aide financière
apportée aux familles par l’intermédiaire de la fiscalité, dont des exonérations, des
déductions fiscales pour enfant et des crédits d’impôt pour enfant, qui viennent en
déduction de l’impôt exigible.
Le graphique 2.35 présente les dépenses publiques en prestations familiales,
ex-primées en pourcentage du PIB et ventilées entre les prestations en espèces et les
prestations en nature. C’est en Espagne et au Portugal que les dépenses sont les
moins importantes (1,2%) et au Danemark et en Suède qu’elles sont les plus élevées,
respectivement 3,5% et 3,6%, soit trois fois plus. On retrouve ainsi une opposition
Europe du Nord- Europe du Sud. Dans la majorité des pays, la part des
presta-tions en espèces est plus importante que celle en nature. C’est notamment le cas
en Tchéquie, en Slovaquie, en Autriche et au Luxembourg où 75% des dépenses
en prestations familiales sont sous forme d’espèces. Au contraire, les prestations
en nature sont plus fréquentes au Danemark (60%), en Suède (61%) ou encore en
Espagne (58%).
Si on s’intéresse plus particulièrement aux prestations familiales en espèces, il est
important de souligner que ces aides peuvent être universelles ou soumises à
condi-tions de ressources. Le montant de ces prestacondi-tions varie fréquemment en fonction de
l’âge de l’enfant et de la taille de la famille. Certains pays accordent également des
Figure 2.35: Dépenses publiques en prestations familiales, 2015, (en % du PIB)
Source :Statistiques de l’OCDE sur les prestations et questions sociales, 2015
prestations destinées à des groupes spécifiques ou à des fins spécifiques en fonction
des caractéristiques de la famille et/ou de la situation des parents sur le marché du
travail
28.
Le tableau 2.1 reprend les données de l’OCDE de 2018 (l’année 2015 n’étant pas
disponible) sur les caractéristiques des allocations en espèces pour les 19 pays
eu-ropéens sélectionnés. Si tous les pays proposent des prestations familiales générales
pour les familles avec enfants, certains pays ont choisi de les accorder sous
condi-tions de ressources (Tchéquie, Espagne, Italie, Portugal, Slovénie). La majorité des
pays offrent des allocations spécifiques pour les familles monoparentales. Quatre
pays les ont conditionnées aux revenus (Irlande, Pays-Bas, Portugal et Slovénie).
La France et la Slovénie sont les seuls pays a proposer des allocations pour les
familles nombreuses (3 enfants et plus), sous conditions de revenus. Concernant
les caractéristiques de l’enfant, la France et l’Italie ont des allocations
supplémen-taires lorsque les enfants sont très jeunes, sous conditions de revenus. L’Autriche,
l’Allemagne, la France, la Hongrie, le Luxembourg et le Portugal prévoient des
allo-cations scolaires, sous conditions de revenus en France, en Hongrie et au Portugal.
Enfin deux pays, l’Irlande et les Pays-Bas, proposent des crédits d’impôts pour les
parents qui travaillent, sous conditions de ressources en Irlande.
La littérature concernant le caractère universel ou ciblé des aides ne fournit pas
28Pour rappel nous avons vu dans la première partie de ce chapitre que dans la plupart des
pays, notamment en France, c’est d’abord l’universalité des aides qui a primé avant que d’autres
aides ciblées soient mis en place.
de consensus sur la meilleure option. Certaines études montrent que les allocations
universelles sont plus efficaces pour réduire la pauvreté des familles (Korpi et Palme,
1998; Brady et Burroway, 2012; Van Oorschot, 2002) car elles nécessitent moins de
coûts administratifs, sont moins stigmatisantes, évitent les trappes à pauvreté et
ont généralement un fort soutien politique. Néanmoins, d’autres articles
démon-trent que les aides ciblées permettent de mieux réduire la pauvreté, notamment des
mères célibataires (Le Grand, 1982; Van Lancker et al., 2015) puisque par
défini-tion elles allouent plus de ressources aux familles qui en ont le plus besoin et non
aux classes moyennes et supérieures, ce qui les rend à la fois moins chères et efficaces.
Cette partie sur les politiques familiales nous permet de mettre en évidence les
grandes différences entre les pays. Si certaines tendances peuvent de dessiner entre
l’Europe du Nord et du Sud, chaque pays élabore sa propre stratégie de politiques
familiales en fonction des objectifs définis. Nous pouvons rappeler les conclusions
essentielles de cette partie :
• Le congé de maternité est présent dans quasiment tous les pays européens et
est relativement bien rémunéré, en moyenne pendant 2 mois après la naissance
;
• Le congé de paternité est moins répandu, non obligatoire et est en moyenne
bien rémunéré pendant 10 jours ;
• Le congé parental est en moyenne bien rémunéré pendant 6,5 mois mais ce
chiffre cache de grandes différences en termes de rémunération, de durée et de
flexibilité ;
• Seule une minorité de pays coordonnent bien la fin du congé parental bien
rémunéré et le début de l’école non obligatoire ;
• La fréquentation des services de garde formels varie entre les pays mais est
plus répandue pour les enfants de plus de 3 ans ;
• Les coûts nets de frais de garde d’enfants peuvent être très importants dans
certains pays, en particulier pour les mères célibataires ;
• Les dépenses publiques en prestations familiales sont comprises entre 1,2% à
3,6% du PIB ;
• La part des dépenses en espèces est en moyenne plus élevée que celle des
dépenses en nature ;
• La majorité des pays proposent des aides ciblées pour les parents isolés.
Ainsi les politiques familiales reflètent les particularités historiques, philosophiques
et religieuses de chaque pays. Après avoir montré en détails l’hétérogénéité des
sys-tèmes de politiques familiales en Europe, dans la partie suivante nous présentons
le rôle de l’Union européenne et ses marges de manœuvre pour harmoniser les
poli-tiques à l’échelle européenne. En effet si chaque pays adopte sa propre stratégie de
politiques familiales, tous les pays font face à des défis sociaux et démographiques
communs et ces enjeux sont des priorités de l’Union européenne.
Prestations
familiales
générales ou
crédits
d'impôt
Prestations ciblées
Caractéristiques de la
famille
Caractéristiques de
l’enfant
Situation des
parents sur le
marché du
travail
Sous
conditions de
ressources
Parent isolé Famille
nombreuse
Allocation
pour jeune
enfant
Allocation
scolaire
Crédit d’impôt
à l’emploi
D CR D CR D CR D CR D CR
Autriche
✓N
✓N
République
tchèque O
Allemagne
✓N
✓?
Danemark
✓N
Estonie
✓N
Espagne O
Finlande
✓N
France
✓N
✓O
✓O
✓O
Hongrie
✓O
Irlande
✓O
✓O
Italie O
✓O
Lituanie
Luxembourg
✓N
✓N
Pays-Bas
✓O
✓N
Portugal O
✓O
✓O
Suède
Slovénie O
✓O
✓O
Slovaquie
Royaume-Uni
D = disponible ; O = oui ; N = non ; CR = sous conditions de ressources ; ? = pas précisé
Dans le document
Essais sur les politiques familiales et l'emploi en Europe
(Page 85-92)