2.3 Mise en contexte
2.3.2 Favoriser l’articulation entre la vie privée et la vie profession-
Afin de représenter la capacité des Etats à faciliter l’articulation entre la vie privée
et la vie professionnelle, nous avons choisi de présenter les taux d’emploi des mères
qui doivent souvent, plus que les pères, trouver un équilibre entre leur emploi et leur
rôle de parents (Périvier, 2017). Le taux d’emploi est la proportion de personnes
dis-posant d’un emploi parmi celles en âge de travailler (15 à 64 ans). Le taux d’emploi
des mères est un facteur important si on veut comprendre la situation de pauvreté
de celles-ci. En effet plus les qualifications sont hautes, plus on peut s’attendre à ce
que le salaire soit important, ce qui permettrait d’échapper à la pauvreté
(Gustafs-son et Kenjoh, 2008). De plus cet indicateur d’emploi permet de comparer les pays
dans leur capacité à permettre aux mères d’articuler leur vie privée et
profession-nelle (un des objectifs des politiques familiales que nous souhaitons étudier). Un
taux élevé d’emploi des mères peut suggérer l’existence des politiques facilitant le
fait d’avoir un enfant et de travailler, tout comme les politiques familiales ou encore
une plus grande flexibilité du temps de travail
11.
Ces graphiques sont obtenus à partir de nos calculs sur la base de données d’enquête
sur les forces de travail dans l’Union européenne (EFT-UE)
12pour l’année 2015.
Cette enquête permet d’obtenir des informations très précises au sujet du marché du
travail dans l’Union européenne. Elle fournit notamment des résultats trimestriels
sur la participation au marché du travail des personnes âgées de 15 ans et plus ainsi
que sur les personnes ne faisant pas partie des forces de travail.
D’un point de vue quantitatif, les taux d’emploi des mères est en moyenne plus élevé
que celui de la population totale : 67,5% pour la population totale, 72,5% pour les
mères en couple et 72% pour les mères célibataires. D’après le graphique2.6, on
peut néanmoins souligner l’existence de différences importantes selon les pays. Les
11On peut également noter que d’après Eydoux et Letablier (2008) « si la flexibilité du temps
de travail peut, dans certaines conditions, faciliter l’articulation entre vie professionnelle et vie
familiale, elle peut aussi contribuer à sa complexification lorsque les modes d’accueil des enfants
ne sont pas adaptés aux horaires de travail des parents. ».
Figure 2.6: Taux d’emploi de la population totale, des mères en couple et des mères
célibataires (en %)
Source :Calculs propres sur données EFT-UE pour l’année 2015 pour 19 pays européens. Age 15-64 ans.
taux d’emploi des mères sont particulièrement élevés dans les pays nordiques
(Dane-mark et Suède) et en Allemagne alors qu’ils sont plus faibles dans les pays du sud
de l’Europe comme l’Italie ou l’Espagne. Dans la moitié des pays sélectionnés, les
mères célibataires sont plus nombreuses à travailler que les mères en couple, c’est
particulièrement le cas en Hongrie (79,2% contre 62,7%). Le taux d’emploi des
mères célibataires varie entre 51,1% en Irlande et 80,5% en Suède. Au contraire au
Danemark ou en Suède, les mères en couple ont tendance à travailler davantage que
les mères célibataires. Le taux d’emploi des mères en couple varie entre 57,5% en
Italie et 85,8% en Suède.
Le taux d’emploi des mères est également différent selon le nombre d’enfants dans
le ménage. D’après plusieurs études, plus le nombre d’enfants est élevé plus le taux
d’emploi des mères est bas, en partie car les contraintes organisationnelles
devien-nent trop fortes. Le taux d’emploi est donc particulièrement bas pour les mères
de trois enfants et plus (Pettit et Hook, 2005; Steiber et Haas, 2012;
Nieuwen-huis et al., 2012; Baranowska-Rataj et Matysiak, 2016). En moyenne d’après le
graphique2.7, les taux d’emploi des mères d’un enfant ou de deux enfants sont
rela-tivement similaires et dans tous les pays, tandis que le taux d’emploi chute lorsqu’il
y trois enfants ou plus. Il est particulièrement faible pour les pays d’Europe du
Sud (Espagne (50%) et Italie (41,9%)) et d’Europe centrale (Hongrie (43,2%) et
Slovaquie (47%)). Certains pays arrivent à maintenir un taux d’emploi des mères
Figure 2.7: Taux d’emploi des mères selon le nombre d’enfants (en%)
Source :Calculs propres sur données EFT-UE pour l’année 2015 pour 19 pays européens. Age 15-64 ans.
élevé et ce quel que soit le nombre d’enfants, comme dans le Nord de l’Europe (au
Danemark et en Suède) ou en Slovénie, ce qui laisse supposer l’existence de
poli-tiques d’articulation vie privée – vie professionnelle performantes.
Si le nombre d’enfant est important à prendre en compte, il faut également
con-sidérer l’âge de ces derniers (Lewis et al, 2008; Dotti Sani et Scherer, 2018). En
effet plus l’enfant est jeune, plus la question de la garde d’enfant est importante.
Si les pays ne disposent pas de services de garde de bonne qualité et abordables,
c’est souvent la mère qui devra arrêter de travailler ou adapter son temps de travail.
Nous décidons de faire la différence entre les enfants de moins de 6 ans et ceux de 6
à 11 ans car à partir de 6 ans, de nombreux enfants entrent dans le système scolaire,
ce qui permet aux mères de travailler plus facilement.
D’après le graphique 2.8 on peut remarquer que dans la grande majorité des pays le
taux d’emploi des mères est plus faible lorsque les enfants sont plus jeunes (moins
de 6 ans). Il est particulièrement bas en Europe centrale (Tchéquie (43%), Hongrie
(38,8%) et Slovaquie (39,3%)). Les mères de jeunes enfants sont plus nombreuses à
travailler en Europe du Nord (Danemark (77,9%) et Suède (88,7%)) mais également
en Lituanie (80,2%), au Luxembourg (71,8%), aux Pays-Bas (75,2%), au Portugal
(75,5%), en et en Slovénie (75,3%).
Figure 2.8: Taux d’emploi des mères selon l’âge du plus jeune enfant (en %)
Source :Calculs propres sur données EFT-UE pour l’année 2015 pour 19 pays européens. Age 15-64 ans.
Figure 2.9: Taux d’emploi des mères célibataires (en%)
Source :Calculs propres sur données EFT-UE pour l’année 2015 pour 19 pays européens. Age 15-64 ans.
également un des déterminants du taux d’emploi. Ainsi d’après Nieuwenhuis et al.
(2012) les femmes sont moins susceptibles d’occuper un emploi si elles sont mères
et si elles sont nées dans une cohorte plus âgée.
Si considérer le taux d’emploi est important, il est nécessaire d’approfondir un autre
aspect du travail. En effet le tout n’est pas seulement de travailler mais également
de pouvoir faire la différence entre le travail à temps plein et à temps partiel.
Figure 2.10: Taux d’emploi des mères en couple (en %)
Source :Calculs propres sur données EFT-UE pour l’année 2015 pour 19 pays européens. Age 15-64 ans.
Les graphiques 2.9 et 2.10 présentent les taux d’emploi à temps plein et temps
partiel des mères célibataires et en couple. En moyenne, la part de l’emploi à
temps partiel dans l’emploi total est sensiblement la même pour les mères
céli-bataires (28,2%) et les mères en couple (30,4%). Cette moyenne cache cependant
des grandes différences entre les pays. Pour les mères célibataires, le travail à temps
partiel est particulièrement utilisé en Autriche (55,9%), en Allemagne (57,6%) et
aux Pays-Bas (75,8%). Les mères célibataires ont au contraire largement recours
à l’emploi à temps plein en Europe centrale et de l’Est (Tchéquie(89,2%), Hongrie
(92,3%), Slovénie (91,7%) et Slovaquie (92,8%)), aux pays baltes (Estonie (87,4%)
et Lituanie (90,9%)) et au Portugal (89,6%). Si les valeurs changent, le même type
de remarques est valable pour les mères en couple.
Nous avons précédemment détaillé le taux de pauvreté selon le nombre d’enfants
et l’âges de ces derniers. Il est pertinent de répliquer cette analyse avec le taux
d’emploi et en particulier avec le taux d’emploi à temps partiel. Le graphique 2.11
présente la part de l’emploi à temps partiel dans l’emploi total des mères selon l’âge
du plus jeune enfant. Si en moyenne, la part de l’emploi à temps partiel est le même
quel que soit l’âge du plus jeune enfant, certains pays observent des résultats
dif-férents. En effet même si l’emploi à temps partiel reste très peu utilisé en Tchéquie,
en Finlande, en Hongrie et en Slovénie, les mères y ont quasiment deux fois plus
recours lorsque l’enfant le plus jeune a moins de 6 ans. L’Allemagne, l’Autriche et
Figure 2.11: Part de l’emploi à temps partiel des mères selon l’âge du plus jeune
enfant (en%)
Source :Calculs propres sur données EFT-UE pour l’année 2015 pour 19 pays européens. Age 15-64 ans.
les Pays-Bas sont les pays où le recours au temps-partiel est le plus élevé. Alors
qu’il est le plus bas en Lituanie, au Portugal et en Slovaquie.
Un parallèle intéressant à faire avec le taux de pauvreté concerne l’augmentation
de la part de l’emploi à temps partiel lorsque le nombre d’enfants augmente dans le
ménage. En effet d’après le graphique 2.12 la part de l’emploi à temps partiel est
particulièrement haute lorsque le ménage compte trois enfants ou plus en Autriche
(71,4%), en Allemagne (75,5%), aux Pays-Bas (87,6%) et au Royaume-Uni (61,8%).
A l’inverse, la grande majorité des mères de trois enfants ou plus travaillent à temps
plein en Europe centrale et de l’Est : Tchéquie (84,6%), Hongrie (86,3%), Lituanie
(86,6%) et Slovénie (86,3%).
Figure 2.12: Part de l’emploi à temps partiel des mères selon le nombre d’enfants
(en%)
Source :Calculs propres sur données EFT-UE pour l’année 2015 pour 19 pays européens. Age 15-64 ans.
Pour conclure cette partie descriptive sur le taux d’emploi des mères en Europe,
nous pouvons rappeler les enseignements essentiels de ces graphiques :
• Il existe de grandes différences de taux d’emploi des mères en Europe ;
• Ce taux d’emploi est corrélé au nombre d’enfants dans le ménage : plus il y
a d’enfants, plus le taux d’emploi est faible ;
• Ce taux d’emploi est corrélé à l’âge des enfants : plus les enfants sont jeunes,
plus le taux d’emploi est faible ;
• Il existe de grandes différences de taux d’emploi à temps partiel des mères en
Europe ;
• Les mères tendent à travailler davantage à temps partiel lorsque le nombre
d’enfants augmente.
Afin de mieux appréhender le lien entre le taux de pauvreté et le taux d’emploi,
nous détaillons dans la section suivante les taux de pauvreté en emploi des mères
en Europe.
Dans le document
Essais sur les politiques familiales et l'emploi en Europe
(Page 40-47)