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Droit dérivé de l’Union européenne

2.5 Quel rôle pour l’Union européenne ?

2.5.1 Droit dérivé de l’Union européenne

A l’origine, la Communauté Européenne n’avait aucune compétence en matière

de politique familiale et l’idée que l’égalité entre les femmes et les hommes

de-vrait relever de sa compétence n’était pas évidente. La seule référence à l’égalité

femmes-hommes dans le traité de Rome de 1957

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était l’article 119 qui affirme

« le principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les

travailleurs féminins pour un même travail. » Ce traité ne s’occupe en somme pas

de la famille, sa finalité étant la réalisation d’un marché intérieur. Les politiques

communautaires visaient à éliminer les obstacles à l’emploi des femmes et non pas

à répartir plus équitablement les coûts des enfants et de la parentalité à la société

au sens large (Morgan, 2008). Et c’est là toute la complexité de l’intervention à

l’échelle européenne, sans la capacité politique d’intervenir directement sur les

poli-tiques familiales, et donc sur la division inégale du travail domestique et familiale,

sur le manque de services de garde ou l’aménagement flexible du temps de travail,

la Communauté Européenne ne pouvait pas réellement intervenir pour aider les

femmes à surmonter les obstacles pour accéder au marché du travail.

En 1989, la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs

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porte davantage sur les sources des inégalités entre les femmes et les hommes. Un

paragraphe est dédié à l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes et

stipule qu’il « convient d’intensifier, partout où cela est nécessaire, les actions pour

garantir la mise en œuvre de l’égalité entre hommes et femmes, notamment pour

l’accès â l’emploi, la rémunération, les conditions de travail, la protection sociale,

l’éducation, la formation professionnelle et l’évolution des carrières. Il convient

également de développer des mesures permettant aux hommes et aux femmes de

concilier leurs obligations professionnelles et familiales. ». Ce texte, non

contraig-nant, est un premier pas vers une approche plus vaste de l’égalité entre les femmes

et les hommes qui n’est pas uniquement centrée sur l’accès au marché du travail.

C’est pourtant un des seuls angles possibles d’interventions de l’Union européenne

et c’est bien dans le prolongement du droit du travail, notamment dans le champ de

l’égalité des chances et de l’égalité de traitement en matière d’emploi, que se font

les interventions européennes en matière de politique familiale.

En 1992, la recommandation 92/241/CEE

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du Conseil européen concernant la

garde des enfants est une grande avancée. Il est recommandé aux Etats membres

de « prendre et/ou de stimuler progressivement des initiatives afin de permettre aux

femmes et aux hommes de concilier leurs responsabilités professionnelles, familiales

et d’éducation, découlant de la garde d’enfants. ». Il est précisé qu’il faut que « les

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https://www.eesc.europa.eu/resources/docs/chartecomdroitssociauxfondamentaux-fr.pdf

services soient offerts à des prix abordables pour les parents », que « les services

soient disponibles dans toutes les zones et régions des États membres, tant dans les

zones urbaines que dans les zones rurales » et que « les services soient accessibles aux

enfants ayant des besoins spéciaux, par exemple en matière linguistique, et à ceux

vivant dans des familles monoparentales, et répondent aux besoins de ces enfants ».

Enfin la recommandation précise que les Etats membres sont invités à « stimuler

des initiatives, afin de tenir compte, de façon réaliste, de la participation accrue

des femmes au travail. Ces initiatives concernent, entre autres, les congés spéciaux

permettant à des parents salariés, hommes et femmes, qui le désirent, de s’acquitter

efficacement de leurs responsabilités professionnelles, familiales et d’éducation, et

prévoient, entre autres, une certaine souplesse dans l’organisation des congés. ». Les

Etats membres avaient 3 ans pour mettre cette recommandation en œuvre. Malgré

la forte ambition de ce texte, il ne faut pas oublier qu’il est non contraignant et que

sa mise en œuvre dépend entièrement de la volonté des Etats.

La même année, la directive 92/85/CEE

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du Conseil concernant la mise en

œu-vre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des

travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail introduit « un congé

de maternité d’au moins quatorze semaines continues, réparties avant et/ou après

l’accouchement » dont « un congé de maternité obligatoire d’au moins deux

se-maines, réparties avant et/ou après l’accouchement ». L’indemnisation ne doit pas

être inférieure à celle perçue en cas d’arrêt de travail pour raison de santé.

Con-trairement aux recommandations, les directives fixe des règles minimales que les

États membres doivent inclure dans leur droit interne.

En 1996, la directive 96/34/CE

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du Conseil européen concernant l’accord-cadre sur

le congé parental conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES rend obligatoire « un droit

individuel à un congé parental est accordé aux travailleurs, hommes et femmes, en

raison de la naissance ou de l’adoption d’un enfant, pour pouvoir s’occuper de cet

enfant pendant au moins trois mois jusqu’à un âge déterminé pouvant aller jusqu’à

huit ans, à définir par les États membres et/ou les partenaires sociaux.», de plus

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https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:31992L0085

«les parties signataires du présent accord considèrent que le droit au congé parental

devrait, en principe, être accordé de manière non transférable. »

Proclamée en 2000 et adoptée en 2007, la Charte des droits fondamentaux de l’Union

européenne

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, texte contraignant, prévoit que « l’égalité entre les femmes et les

hommes doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d’emploi,

de travail et de rémunération ». De plus, elle prévoit « le droit à la protection contre

tout licenciement pour un motif lié à la maternité, ainsi que le droit à un congé de

maternité payé et à un congé parental à la suite de la naissance ou de l’adoption

d’un enfant, afin de pouvoir concilier vie familiale et vie professionnelle ».

En 2010, la directive 2010/18/UE

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du Conseil de l’Union Européenne abroge la

di-rective 96/34/CE. Le congé parental est désormais accordé « pour une période d’au

moins quatre mois et, pour promouvoir l’égalité de chances et de traitement entre

les hommes et les femmes, il ne devrait pas, en principe, pouvoir être transféré. Pour

favoriser l’égalité entre les deux parents en matière de congé parental, au moins un

des quatre mois de congé ne peut être transféré ». Aucun niveau de compensation

minimale n’est prévu. De plus, « pour favoriser une meilleure conciliation entre vie

professionnelle et vie de famille, les Etats membres et/ou les partenaires sociaux

doivent prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les travailleurs puissent

demander, à leur retour d’un congé parental, l’aménagement de leur horaire et/ou

de leur rythme de travail pendant une période déterminée ».

Plus récemment, en 2019, la directive 2019/1158

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concernant l’équilibre entre vie

professionnelle et vie privée des parents et des aidants du Parlement Européen et

du Conseil de l’Union Européenne abroge la directive 2010/18/UE. Cette directive

instaure un congé de paternité pour les pères/seconds parents d’au moins dix jours

rémunérés. Le congé de paternité est rémunéré au moins au niveau national des

indemnités de maladie. Elle renforce le droit à 4 mois de congé parental rémunérés,

dont 2 mois ne sont pas transférables d’un parent à l’autre. Les parents auront

également le droit de demander à prendre leur congé de manière flexible (par

exem-ple, à temps partiel ou de manière fragmentée). La directive instaure aussi un congé

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https://www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf

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https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32010L0018&from=EN

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https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32019L1158&from=EN

de 5 jours par an pour les aidants et les aidantes, des travailleurs qui apportent une

aide ou des soins personnels à un proche ou à une personne vivant dans le même

ménage. Entrée en vigueur le 1er août 2019 cette directive doit maintenant être

transposée par les États membres dans les 3 ans.

Si le champ des compétences de l’Union Européenne se limite principalement à des

interventions sur l’accès à toutes et à tous au marché du travail, l’égalité entre les

femmes et les hommes est maintenant abordée d’une manière plus large. Ainsi dans

la directive 2019/1158, on trouve un aperçu des deux approches. En effet, on peut

lire que « l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée reste un défi considérable

à relever pour de nombreux parents et travailleurs qui ont des responsabilités

famil-iales, notamment du fait de la plus grande prévalence d’horaires de travail prolongés

et variables qui a des conséquences négatives sur l’emploi des femmes. Un fait

ma-jeur qui contribue à la sous-représentation des femmes sur le marché du travail est

la difficulté à trouver un équilibre entre obligations professionnelles et obligations

familiales. » mais également qu’il faut « encourager un partage plus égal des

re-sponsabilités familiales entre les femmes et les hommes et faire en sorte qu’un lien

entre les pères et les enfants se tisse tôt, il convient d’introduire un droit au congé

de paternité pour les pères ou, le cas échéant, pour les personnes reconnues comme

seconds parents équivalents par la législation nationale. »