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Chapitre 3 Méthodologie

3.2 L’analyse de contenu

3.2.4 Le traitement des données et niveaux d’analyse

L'analyse que nous avons menée propose trois moments principaux, lesquels correspondent aux trois questions spécifiques de recherche : la présentation des résultats bruts (le contenu manifeste), qui propose une analyse descriptive et permet de répondre à la première question de recherche (au Québec, comment les missions de l’université ont-elles évolué dans les documents officiels depuis la première politique des universités?). Le deuxième moment de l'analyse, celui-ci interprétatif, vient croiser ces observations avec les dimensions de la mondialisation telles que le corpus les décrit et permet ainsi de répondre à la deuxième question de recherche (comment peut-on interpréter cette évolution dans le contexte de la mondialisation tel que décrit par ces mêmes documents officiels?). Finalement, le troisième moment propose une discussion et vient répondre à la troisième question (qu’est-ce que cela nous apprend sur les finalités de l’université?).

Tout au long du traitement des données, nous avons tenu rigoureusement un journal de bord, dans lequel nous avons noté l’évolution des sous-catégories, les réflexions qui émergeaient en cours d’analyse et d’interprétation, les pistes à approfondir, celles à laisser de côté. Nous avons relu à nombreuses reprises ces notes, en procédant parallèlement à de nombreux aller-retour entre la problématique, le cadre conceptuel et l’analyse. C’est par le biais de ce journal de bord que nous avons pris des décisions sur les réflexions à approfondir en discussion notamment.

3.2.4.1 Premier niveau d’analyse

Pour le premier moment d’analyse, il nous a fallu, à partir du logiciel d’analyse de contenu, coder les passages qui traitaient des missions de l’université et des dimensions de la mondialisation. C’est à la lecture (et à la relecture) de ces unités de sens que des sous- catégories émergentes ont pu être déterminées35. Prenons l’exemple de la mission de formation. Le premier repérage, à l’aide du logiciel d’analyse de contenu, nous a permis de faire ressortir tous les passages qui traitaient de près ou de loin cette mission, un document à la fois. Ensuite, à la lecture de ces passages (par document), nous avons remarqué que certains traitaient des caractéristiques générales de la formation, d’autres des contenus de formation et des programmes d’études, des objectifs généraux de la formation. Si ces sous-catégories servent un dessein descriptif, elles ne comportent pas moins une certaine valeur interprétative. Certains auteurs avancent en effet que le codage est en lui-même une forme d’interprétation.

Si le codage et la classification des missions de formation et de recherche fut plutôt simple et intuitif, celui de la troisième mission a représenté un défi plus grand. Cette mission était en effet plus difficile à cerner, puisqu’elle n’est pas toujours nommée ou identifiée dans les documents. Pour procéder, nous sommes partie des différentes acceptions identifiées dans le cadre conceptuel (l’université comme service à la collectivité, comme service public, ou comme entreprise), et nous avons également codé les éléments relatifs à ces notions. Par

exemple, dans le premier document, l’université est envisagée comme un service public, et elle est en lien avec l’idée qu’un contrat social unit la société à l’université. Ce contrat social se définit notamment par le caractère public de l’université (elle reçoit un financement important de l’État), et par la reddition de comptes demandée à l’université pour l’utilisation des ressources qui lui sont octroyées. Nous avons conservé ces sous-catégories dans les documents subséquents, même si elles n’étaient plus associées à la notion de service publique, éclipsée.

Dans cette première partie de traitement des données, nous avons ainsi tâché de répondre à la première question de recherche : au Québec, comment les missions de l’université ont-elles évolué dans les documents officiels depuis la première politique des universités?

3.2.4.2 Deuxième niveau d’analyse

Afin de développer une vision d'ensemble de chaque mission, et pour pouvoir répondre à la deuxième question de recherche (comment peut-on interpréter cette évolution dans le contexte de la mondialisation tel que décrit par ces mêmes documents officiels?), nous avons procédé à une synthèse de leur trame évolutive regroupant les données de tous les documents du corpus, en tâchant de faire ressortir si cette évolution suivait ou non un cours linéaire, ou si certaines des sous-catégories avaient été abandonnées en cours de route. Il n'est en effet pas étonnant, en analysant des politiques qui s'échelonnent sur plusieurs années, de constater des variations dans les idées et orientations contenues d'un document à l'autre. Il serait d'ailleurs hasardeux de prétendre que ces idées suivent nécessairement une évolution linéaire, considérant le fait que les politiques publiques suivent les aléas des changements de gouvernement, ou des modifications amenées dans les conditions budgétaires entre la publication d'un document à l'autre. C'est pourquoi ces sous-catégories peuvent varier d'un document à l'autre.

En gardant des sous-catégories descriptives, la synthèse de fin de section a pu permettre d’apprécier leur évolution. En reprenant l’exemple de la mission de formation, la synthèse de fin de section a permis de voir de quelle façon la sous-catégorie des objectifs

généraux de formation avait évolué. Les synthèses des missions témoignent d’un rétrécissement ou une itération des thématiques, de leur stagnation ou d’un changement important dans leur acception. Ces données ont également été analysées en fonction des dimensions de la mondialisation. Ainsi, en s’appuyant sur sens que les documents donnaient aux dimensions, nous avons tâché de voir si les constats ayant émergé des missions, colligés dans les synthèses, pouvaient s’expliquer ou trouver un sens nouveau. La synthèse de chacune des missions intègre ainsi ce niveau d'analyse interprétatif.

Pour dégager ce contenu latent, nous avons pris soin de remettre dans leur contexte les différentes politiques analysées. Cette contextualisation est essentielle à l'analyse interprétative, elle permet d'expliquer des changements importants dans les orientations d'un document à l'autre (si, par exemple, une élection a porté au pouvoir un nouveau gouvernement), et de chercher les sources et références théoriques ou idéologiques sur lesquelles s'appuient les orientations normatives émanant des documents. La posture épistémologique inductive nous permet de procéder à cette découverte du contenu latent. Ainsi, les deux premiers niveaux d'analyse nous permettent d’observer l'évolution des missions dans un contexte de mondialisation

3.2.4.3 Troisième niveau d’analyse : la discussion

Si les deux premiers niveaux d’analyse correspondent à ce que Deslauriers (1991) appelle la « déconstruction des données », en ce qu’ils ont procédé au découpage et à la réduction des informations (p.82), le dernier niveau d’analyse correspond à leur « reconstruction et la synthèse ». C’est ainsi que la réponse à la troisième question de recherche (Qu’est-ce que cela nous apprend sur les finalités de l’université?) mobilise l'étape de la discussion. La discussion propose un double éclairage : elle reprend les constats précédents dans leur globalité pour répondre à la question des finalités, mais elle est également investit d'un matériel émergent qui n’avait pas pu être prévu dans notre cadre conceptuel. C’est ainsi que cette dernière partie d’analyse nous amènera à élaborer une forme de « proposition » de sens, plutôt que des hypothèses ou des généralités à tester dans une future recherche, au sens entendu par Deslauriers (1991) : une bonne proposition « explique, donne un sens aux données, et suggère d’autres propositions; une bonne proposition fonctionne. Une

fois qu’elle s’applique à une situation donnée, on peut la transformer en théorie et voir si elle peut se généraliser » (p.99).

Ainsi, dans cette thèse, la section de discussion sera également l'occasion d'investir et d'approfondir le matériel émergent, appelé contenu latent en analyse de contenu. Il est possible, en approfondissant les thèmes abordés et ceux qui leur sont associés, de voir se dessiner une « trame théorique » (Van der Maren, 1996, p.410), ou, pour reprendre le terme de Bernatchez (2010), un « référentiel » faisant appel aux valeurs et normes inhérentes aux politiques (p.59). Autrement dit, « la lecture de l’analyste de contenu des communications n’est pas, ou n’est pas seulement, une lecture « au pied de la lettre », mais la mise au jour d’un sens au second degré » (Bardin, 2009, p.46). Cette section verra donc apparaître de nouvelles notions, théories et auteurs qui viendront porter un nouvel éclairage sur l'interprétation et viendront donner un sens plus cohérent aux observations faites précédemment. Elle viendra également compléter le cadre conceptuel élaboré, rappelons-le, dans une posture inductive, de manière temporaire. Pour dégager ce contenu latent, nous avons également pris soin de remettre dans leur contexte les différentes politiques analysées. Cette contextualisation est essentielle à l'analyse interprétative, elle permet d'expliquer des changements drastiques dans les orientations d'un document à l'autre (si, par exemple, une élection a porté au pouvoir un nouveau gouvernement), et de chercher les sources et références théoriques ou idéologiques sur lesquelles s'appuient les orientations normatives émanant des documents. La posture épistémologique inductive nous permet de procéder à cette découverte du contenu latent.