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Chapitre 2 – Cadre conceptuel

2.1 La mondialisation

2.1.2 La dimension politique

La dimension politique de la mondialisation est d’abord relative à la présence d’organismes supra-étatiques, à commencer par la Société des Nations mise sur pied après la Première Guerre mondiale puis devenue l’Organisation des Nations unies après la Deuxième Guerre mondiale (Rocher, 2001). Selon Rocher :

Avec ces institutions et dans leur suite, diverses formes de régulation internationale se sont multipliées, plus ou moins contraignantes, pour les États […]. Mais cette régulation des États ne peut s’appuyer que sur des moyens bien faibles. Une partie croissante de l’économie mondiale lui échappe. Les contrôles politiques des capitaux imaginés par les participants aux accords de Bretton Woods de 1945 ont été contrés à la fois par les facilités techniques favorables à l’autonomie du marché industriel et financier mondial et par un abstentionnisme des États inspiré par l’idéologie libérale revenue en force au cours des dernières années (p.16).

Pour certains auteurs, la présence de telles organisations internationales, conjuguée à celle des entreprises transnationales et aux accords commerciaux, donne lieu à une réduction radicale de l’autonomie de l’État (Berthelot, 2006, p.41 ; de Senarclens, 2005, p.79 ; Lessard, 1998, p.5). D’autres y voient moins une réduction qu’une modification dans la manière dont la souveraineté des États se manifeste (Berthelot, 2006 ; de Senarclens, 2005 ; Lauder et al., 2006 ; Nayyar, 2008 ; Olssen, 2006 ; Singh et al., 2005), comme le précise de Senarclens (2005) dans cet extrait:

Malgré les contraintes de la mondialisation, ils [les États] conservent encore d’importants leviers d’intervention dans les domaines des revenus, de la fiscalité, des orientations budgétaires [… et] guident également les politiques en matière de commerce, d’investissement et d’industrie. Ils sont maîtres de leur politique d’éducation, de formation, de recherche, d’hygiène et de santé. Ils assument une part décisive dans la législation de conditions favorables à la protection de l’environnement (p.82).

Les auteurs qui s’inscrivent dans le courant néo-institutionnel mettent l’accent sur cette dimension politique et tentent de démontrer que les États-nations présentent des

caractéristiques semblables, et que cette convergence est le résultat d’une construction qui leur est extérieure. Leur argument central repose sur l’idée que les institutions de l’État-nation, ou l’État-nation lui-même, sont essentiellement forgés à un niveau supranational où prédomine l’idéologie occidentale dominante, plutôt qu’à un niveau national autonome (Dale, 2000). Ici, la mondialisation est surtout représentée par la prégnance des mêmes modèles institutionnels à travers le monde, lesquels mettent de l’avant les valeurs liées à l’Occident (par exemple, l’individu comme acteur-clé, la défense des droits et libertés humains issus de la Révolution française). Meyer et al. (1997) mettent en effet en relief l’existence d’un isomorphisme dans les structures institutionnelles des États, et voient une certaine harmonisation des règles de gouvernance dans le modèle de la nouvelle gestion publique (NGP). S’il ne s’est pas « imposé partout avec la même intensité, [… ce modèle] a imprégné, à des degrés différents, la culture des administrations publiques » des pays de l’OCDE (van Haeperen, 2012, p.85). Comme nous l’avons vu dans la problématique, c’est autour des années 1980 que la NGP émerge, d’abord au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande (Marginson et van der Wende, 2007; Peters, 2014, p.398; van Haeperen, 2012, p.85). Ce nouveau mode de gestion repose notamment sur l’idée que la bureaucratie des gouvernements est inefficace et qu’il serait plus profitable d’y transposer les principes de gestion issus du secteur privé :

La définition d’objectifs quantitatifs pour l’exécution des politiques publiques, la focalisation sur les prestations fournies plutôt que sur la procédure à suivre, la réduction des coûts de production des services publics, la gestion d’une unité administrative par un manager allouant librement ses ressources, la motivation du personnel par des incitations pécuniaires, la garantie d’une liberté de choix aux usagers, etc. En un mot, la NGP vise à faire des administrations traditionnelles des organisations orientées vers la performance (de Visscher et Varone, 2004, p.179). Ainsi, la NGP présente plusieurs caractéristiques dont une des principales est certainement la décentralisation des tâches administratives, de même que l’augmentation du recours au secteur privé pour la distribution des services (de Visscher et Varone, 2004, p.180; Peters, 2014, p.400; van Haeperen, 2012, p.14). Ensuite, pour de Visscher et Varone (2004), les activités administratives sont orientées « en fonction des produits à fournir (plutôt que des règles procédurales à suivre, en matière d’affectation des ressources notamment) » (p.180). La NGP est également caractérisée par la recherche d’efficience et d’efficacité, lesquelles commandent transparence et reddition de comptes (de Visscher et Varone, 2004, p.180; Peters,

2014, p.404). Selon Peters (2014), cette évaluation de l’efficience s’appuierait davantage « sur des critères de performance plutôt que sur des critères procéduraux comme le faisait traditionnellement l’administration publique » (p.404), ce qui rejoint l’observation de de Visscher et Varone (2004) sur les activités administratives. Ces derniers parlent par exemple de transparence sur le plan des coûts des prestations administratives et de l’utilisation efficiente des ressources publiques (p.180). Finalement, les besoins des usagers sont au cœur des prestations administratives, et ces usagers sont même impliqués dans la définition et l’évaluation des prestations à fournir (de Visscher et Varone, 2004, p.180).

Selon de Senarclens (2005), il est « difficile d’appréhender la mondialisation en faisant abstraction des discours qui la justifient en la présentant comme une réalité matérielle incontestable » (p.70). De fait, contrairement aux défenseurs de la théorie socio-économique fonctionnelle qui appréhendent la tendance mondiale orientée vers le marché comme étant une réalité inévitable, les néo-institutionnalistes la considèrent plutôt comme le produit de politiques publiques (de Senarclens, 2005, p.78; Lauder et al., 2006, p.30; Olssen, 2006, p.263-264). Comme le fait remarquer Olssen (2006), « it was public policy, not market

pressures, which led to deregulation of capital markets and removal of exchange controls in the late 1970s and early 1980s »22 (p.263). Ainsi, loin de renoncer à leur souveraineté, les gouvernements, surtout ceux des pays occidentaux, auraient eux-mêmes décidé et orchestré l’échange mondial sous la loupe de la dérégulation du marché en mettant en place les mécanismes de régulation.

En résumé, la dimension politique est caractérisée par la présence d'organisations supra-étatiques, un certain isomorphisme dans la structure étatique et la diffusion de la NGP comme mode de gestion des États.

22Traduction libre : « Ce sont les politiques publiques, et non le marché, qui ont entraîné la dérégulation des