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Le territoire mésopotamien : extension et limites

Chapitre 2- Repères historiques et géographiques

1. Le territoire mésopotamien : extension et limites

Dans la plaine alluviale de Mésopotamie, et plus précisément dans le delta où les fleuves Tigre et Euphrate se rejoignent pour former le fleuve de Chatt Al-Arabes, l’eau se mélange pour former les marais mésopotamiens. Ces eaux ne sont ni stagnantes ni calmes, mais courantes et douces. Ces territoires marécageux du sud de l’Iraq (appelés aussi Ahoir par les habitants) sont composés de trois marais principaux : Hur Hawizé à l’Est du Tigre, Hur

Hammar au Sud de l’Euphrate et les marais centraux au milieu (appelés Hur Qurnah). Les

de la ville de Nasirya autour du confluent de l’Euphrate et du Tigre, sur une superficie variant de 15 000 km2 à quelques 20 000 km2. (Ibid., PNUE, Demise of an Ecosystem, 2001, p. ix)149 (Figure 1-1)

Depuis toujours, l'environnement des marais, qui a d'abord des limites géographiques, est en perpétuel changement. Historiquement, les techniques développées dans la période la plus récente (par la population extérieure à ce secteur et non par les hommes des marais, où une mise à jour du développement a déjà eu lieu) ont pu conduire à un changement plus rapide dans ces limites géographiques. Les marais sont en constant changement, d'abord dans le temps, puisque la flore et la faune évoluent, et puis à cause de l'homme qui étend ses méthodes d'exploitation de cet environnement.

Les limites des marais ont sensiblement évolué dans le temps, d’une part pour des raisons naturelles (alluvionnement naturel et érosion),150 et d’autre part en raison de

l’anthropisation151 due à l'activité humaine. Toutefois, ces limites sont en changement

continu plus particulièrement à une échelle annuelle (saisonnière), du fait de l'augmentation du niveau d'eau qui atteint 70 à 80 cm en année normale. Les cartes dans l’annexe montrent les conditions environnementales générales de la zone d’étude liées à la distribution géographique des précipitations, des températures moyennes annuelles, de l'humidité moyenne annuelle et de l’évapotranspiration annuelle moyenne (annexe : cartographie carte 1, 2, 3, et 4, p. 447-448). Les marais du centre couvrent une superficie d'environ 3.000 km2.

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Car ces marais ne sont pas inertes: ils ont leur vie propre, que rythment les saisons; à l’automne, quand les eaux du Tigre et de l’Euphrate sont les plus basses, ils sont réduits à leur superficie minimale et la terre émerge en de nombreux endroits. Au printemps, la fonte des neiges dans les montagnes de Turquie et d’Iran gonfle considérablement le débit des deux fleuves, qui atteignent leur niveau maximum avec un léger décalage, en mai pour le Tigre, et en juin pour l’Euphrate; les eaux des fleuves en crue se déversent alors dans les innombrables canaux qui irriguent les marais et dans le désert qui les entoure. Des lacs se forment à l’endroit où des nomades campaient avec leurs chameaux, triplant environ la superficie des marais. Chris Kutschera, 1995, IRAK: Les

Marais du Sud, chronique d'une destruction annoncée, Sciences et Avenir, N° 584, [en ligne] disponible sur

http://www.chris-kutschera.com/marais%20d%27Irak.htm.

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Dans les zones alluviales et les cours d'eau, les mouvements de l'eau et du matériel charrié aménagent périodiquement de nouvelles surfaces, sur lesquelles peuvent se dérouler sans cesse des processus de développement en fonction des associations biologiques qui y apparaissent. Ceci permet à de nombreux organismes d'y trouver un habitat et il en découle une grande diversité biologique.

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En géographie et en écologie, l’anthropisation est la transformation d’espaces, de paysages ou de milieu naturels sous l'action de l'homme. Des espaces peuvent être qualifiés d’anthropisés bien qu’ils aient une apparence naturelle. L’élevage et l’écobuage ont été parmi les premiers leviers par lesquels l’espèce humaine transforme sensiblement un milieu.

Pendant les périodes de crues, les marais centraux peuvent s'étendre sur bien plus de 4000 km2. (Ibid, p.14)

Les inondations régulières du Tigre et de l'Euphrate sont causées par la fonte de la neige des montagnes au long de leurs cours supérieurs. Cela se passe au début du mois de mars et s’intensifie progressivement jusqu'à la fin du mois de mai. Ensuite, vers l’automne, on observe une diminution quotidienne du débit des cours d’eau qui deviennent faibles et réguliers. A partir de la mi-septembre à la mi-octobre, les rivières sont au plus bas, et elles semblent être stationnaires jusqu'à ce que les pluies commencent vers la fin de décembre. A partir de ce moment, jusqu'au début de mars, les rivières sont soumises à de légères variations de débit.

Deux points de vue se confronter aujourd’hui :

• Les phénomènes naturels sont avant tout marqués par des perturbations et des processus de grande envergure qui ont des effets bénéfiques. Ainsi, l'érosion des rives crée de nouveaux habitats pour des espèces animales et végétales. De plus, les perturbations façonnent de belles îles et de beaux lacs sans végétation, agréables pour les établissements humains. Ce type de perturbations est un élément essentiel pour la conservation et la promotion de la biodiversité ainsi que pour les activités des habitants de cette région. L’inondation et l’assèchement sont les perturbations naturelles les plus importantes dont on peut toujours constater les effets positifs sur ce territoire et sa structure.

• Les inondations ont un effet considérable sur le cours inférieur de l'Euphrate, car le lit de la rivière ne peut pas contenir un grand volume d’eau, d’où des inondations tout au long de la région de Nasiriya et en aval, causant beaucoup de pertes, surtout quand l’agriculture d'été ne peut se déployer sur une grande surface. Ces effets négatifs sont mis en avant par ceux qui souhaiteraient la disparation des marais.

Les inondations se produisent presque chaque année depuis la destruction délibérée des travaux d'irrigation par les Mongols quand ils ont envahi l'Iraq au treizième et quatorzième

siècles. Ce fut un coup sévère pour presque tous les travaux d'irrigation dans le pays. On peut à ce sujet citer Longrigg.152

Most ruinous of Hulagu’s act had been the studied destruction of the dykes and headwork’s whose ancient and perfected system had been the sole source of wealth. Disordered times, and the very fewness of the spiritless survivors, forbade repair; and the silting and scouring of the rivers one let loose, soon made the restoration of control the remote, perhaps hopeless problem to-day still unsolved.153

Par ailleurs, d'autres causes ont contribué aux inondations en particulier dans le sud de l'Euphrate au marais du centre. Le fait que le lit du Tigre est plus élevé que celui de l’Euphrate entre Nasiriya et Qurnah permet qu’une grande quantité d’eau du Tigre coulent vers l'Euphrate, entre ces deux lieux. Ceci est particulièrement évident dans la zone centrale du marais. Ce marais permanent et continu s'étend sur les territoires drainés par le Tigre et l'Euphrate, avec une eau qui s'écoule librement vers l'Euphrate, tandis que trois des branches du Tigre, (Btaira, Mijar es-Saghir et Mijar il-Kabir), s’écoulent vers les territoires plus au sud (Al Hammer, Al Jibaish et Al Huwair dans les marais centraux) et déversent leur charge énorme d'eau dans les marais du centre. Les inondations représentent un risque important pour les habitants qui organisent toujours leur vie quotidienne et adaptent leur habitat en fonction de cette menace.

A la fin des années 1950 et lorsque "l'Age des barrages" a commencé avec les pays riverains (la Turquie, la Syrie, l'Iraq et l'Iran), les grands travaux hydrauliques et leurs plans de développement ont été mis en place. Ces travaux ont provoqué un bouleversement à grande échelle dans deux régions : à l’amont (les montagnes du nord) du bassin du Tigre et de l’Euphrate et à l’aval (les marais du sud). Ces régions ont connu des changements extrêmes durant ces dix dernières années. Dans la région des sources (au nord), des centaines de kilomètres de vallées montagnardes et d'écosystèmes terrestres riches en espèces ont été inondées par une série de réservoirs créés par une succession de grands barrages. Tandis que les marais du sud ont subi une phase de drainage. Selon le PNUE l'altération du régime

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Longrigg, S. H. 1953, Four Centuries of Modern Iraq, Iraq, 1900 to 1950, Oxford, London.

153

Traduction : l’acte le plus ruineux d’Hulagu fut la destruction avérée des digues et des ouvrages d’art constituant un ancien système qui avait été la seule source de richesse. En les temps de désordre et du manque d’entrain des survivants, leur réparation ne fut pas possible ; le maintien de l’envasement et de l’affouillement des rivières laissant repoussa encore une restauration du contrôle ce qui est peut-être aujourd’hui un problème désespéré non encore résolu.

d'écoulement de l'eau a eu un impact sur l'écosystème des marais en aval selon deux grandes façons : en réduisant considérablement la quantité d'eau et en empêchant les sédiments d'atteindre les marécages, et en supprimant le pouls des inondations qui régule l'écologie des marais. (Ibid., Jaquet & al., 2006, p. 15)

2. La crise environnementale et humanitaire dans les marais de Mésopotamie