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3.1 Astronomie  traditionnelle

3.1.2 Le spectre électromagnétique, de long en large

Des rayons non lumineux ?

Les observations astronomiques ont longtemps été limitées à la lumière visible, seule acces-sible. L’existence des rayons calorifiques  puis des  rayons chimiques , qui deviendront plus tard respectivement les infrarouges et les ultraviolets, est mise en évidence respectivement par William Herschel en 1800 et par Johann Ritter l’année suivante. Il faut cependant attendre plusieurs dizaines d’années pour que les développements du thermocouple offre à l’astronomie infrarouge ses premiers balbutiements et permettent en particulier à Luigi Magrini d’observer l’émission de rayonnement infrarouge par la couronne solaire au cours de l’éclipse de 1842.

par l’atmosphère, comme le met en évidence Charles Piazzi Smyth en montrant en 1856 que la qualité des observations lunaires augmente avec l’altitude. Outre l’opacité quasi-totale de l’at-mosphère, l’ultraviolet souffre d’autres inconvénients : il est absorbé par le verre des instruments, et les flux envisagés en vertu de la loi du spectre de corps noir sont très faibles. L’astronomie UV devra attendre la seconde moitié du xxe siècle pour débuter. L’infrarouge est plus accessible, et d’importants efforts seront fournis à la fin du xixe siècle au niveau des outils technologiques, puis au début du xxesiècle avec la mise en œuvre de la photographie infrarouge.

Un spectre infini

Si les premières hypothèses de l’existence de rayonnements auxquels l’œil ne serait pas sen-sible semblent remonter à la fin du xviiie siècle en Grande-Bretagne, l’influence de l’approche corpusculaire de la lumière d’Isaac Newton est trop forte pour que s’impose l’unité des rayons calorifiques, des rayons chimiques et de la lumière visible. L’acceptation de la nature ondulatoire de la lumière se fera de manière progressive au cours du xixe siècle, jusqu’à la démonstration par Heinrich Hertz à la fin des années 1880 de l’hypothèse formulée par James Clerk Maxwell en 1864, selon laquelle la lumière et les ondes électromagnétiques ne forment qu’une seule entité. Le spectre électromagnétique, s’étendant potentiellement de manière infinie, sera complété en 1912 puis en 1914 par l’identification comme rayonnements électromagnétiques des rayonnements X et γ, découverts à la fin du siècle précédent.

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Fig. (i) 3.16: Le spectre électromagnétique dans sa version moderne [img22].

À la même époque, alors que les tubes à vide viennent d’être inventés, plusieurs physiciens observent indépendamment que certains de ces tubes émettent, en plus des  rayons catho-diques (qui deviendront les électrons) tout juste découverts par Johann Hittorf (en 1869), un second type de rayonnement, sensiblement différent. Ce n’est qu’en 1895 que Wilhelm Röntgen effectue une étude systématique de ce rayonnement, qu’il nomme rayons X . Mettant au jour à son tour en 1900 un autre type de rayonnement produit par le radium, Paul Villard l’inti-tule γ. Il faudra attendre encore une dizaine d’années pour que les rayonnements X et γ soient identifiés comme des rayonnements électromagnétiques, par Max Von Laue pour les premiers, et par Ernest Rutherford et Edward Neville da Costa Andrade pour les seconds, respectivement en 1912 et en 1914.

Aujourd’hui, l’observation de sources astrophysiques dans plusieurs domaines de longueurs d’onde permet de contraindre les modèles de formation et d’émission. La figure (i) 3.16 présente le spectre électromagnétique tel qu’il est défini actuellement.

3. Une pincée d’Astronomie 41

La radioastronomie

Une fois établi que le spectre électromagnétique s’étend de la lumière aux ondes radio, il semble naturel de chercher à vérifier si les astres en émettent également. La technologie n’est cependant pas suffisamment avancée pour que les premières tentatives se révèlent fructueuses. La faiblesse du signal prédit par la découverte par Max Planck, en 1900, de la forme de la loi du rayonnement du corps noir, à laquelle s’ajoute la prédiction de l’imperméabilité de la ionosphère aux ondes radio, mettent un terme à tout espoir de détection.

Ce n’est qu’en 1933 qu’un signal radio extraterrestre est détecté pour la première fois, en pro-venance du centre galactique, alors que Karl Jansky étudie pour les laboratoires Bell Telephone la direction du bruit de fond de son antenne radio [86,87]. La Grande Dépression faisant rage, les recherches sont abandonnées, la source du bruit de fond radio étant identifiée — d’autant plus que les astronomes sont sceptiques, le signal observé étant bien supérieur au signal attendu par les prédictions du rayonnement de corps noir. C’est seulement avec les travaux d’un astronome amateur, Grote Reber, confirmant quelques années plus tard les observations de Jansky et le fait que le signal radio ne suit pas une loi de corps noir, que la radioastronomie fera véritablement l’objet d’un fort engouement scientifique.

Cette discipline est aujourd’hui un pilier de l’astronomie observationnelle, tant le nombre d’objets astrophysiques émettant des ondes radio est important : rémanents de supernovæ, pulsars, galaxies. . . Elle doit décidément beaucoup au hasard, puisque c’est également de manière inopinée que le fond diffus cosmologique a été découvert en 1964 par Arno Penzias et Robert Wilson, en faisant également un enjeu fondamental en cosmologie.

Dépasser l’atmosphère

Les télescopes sont tributaires, outre des humeurs climatiques de l’atmosphère, des turbu-lences que celle-ci occasionne sur la lumière des astres, ainsi que de l’absorption d’une grande partie du spectre électromagnétique (figure (i) 3.17). En 1717, Isaac Newton suggère que le seul moyen de s’en affranchir serait d’établir les télescopes en haut des montagnes. Ce n’est qu’en 1856 que cette proposition est mise à l’œuvre, par Charles Piazzi Smyth [88], qui monte une expédi-tion sur le mont Guajara (Ténérife, Canaries), afin d’effectuer une étude détaillée des avantages réels procurés par l’altitude. Cette initiative marquera le signal de départ de la construction de nombreux observatoires en altitude à partir de la fin du xixesiècle.

Fig. (i) 3.17:Spectre aproximatif de l’absorption des ondes électromagnétiques par l’atmosphère [img23].

Mais les montagnes ne sont pas suffisamment hautes pour supprimer totalement les effets de l’atmosphère. Curieusement, les ballons sont délaissés par les astronomes : il faut près d’une centaine d’année après leur invention par les frères Montgolfier pour que Théodore Sivel et Joseph Crocé-Spinelli emportent, sur une proposition de Jules Janssen, un spectroscope à 7 300 m

d’altitude, afin de déterminer si les raies d’absorption de la vapeur d’eau viennent du Soleil (comme le pense Secchi) ou de l’atmosphère (comme le pense Janssen), en 1874 — ils décèderont l’année suivante, au cours d’une entreprise similaire. Les premiers vols emportant un télescope n’auront lieu qu’au milieu du xxesiècle, avec notamment les vols d’Audouin et Charles Dollfus, cherchant en particulier à déterminer la présence de vapeur d’eau sur Mars.

Ça n’est que dans la seconde moitié du xxe siècle que l’astronomie s’affranchit réellement de l’atmosphère, d’abord par l’envoi de mini-fusées équipées de photomètres, puis de satellites dans l’espace. Ces instruments, équipés de détecteurs couvrant une large part du spectre élec-tromagnétique, permettront la détection d’objets astrophysiques non encore imaginés : étoiles binaires X, disques d’accrétion, sursauts gamma. . .

L’astronomie gamma à très haute énergie

Si les photons gamma sont absorbés par l’atmosphère, leur flux à très haute énergie (au-delà du TeV) devient trop faible pour qu’un détecteur de proportions suffisamment raisonnable pour être porté par un satellite puisse le mesurer. Leur interaction avec l’atmosphère ouvre cependant la possibilité de les détecter via les particules secondaires, de la même manière que les rayons cosmiques. De fait, ils sont souvent assimilés aux RCs plus qu’à l’astronomie traditionnelle, les techniques de détection étant similaires.

En 1959, Giuseppe Cocconi propose de disposer à haute altitude une matrice horizontale de scintillateurs afin de détecter les particules de la gerbe électromagnétique produite par ces photons : la mesure du temps d’arrivée des particules sur les différents scintillateurs permettrait de déterminer la normale au front de la gerbe, et ainsi la direction du photon incident — de telles matrices de détecteurs individuels sont déjà utilisées pour la détection de RCs, l’idée nouvelle réside dans la détermination de la direction du RC primaire.

Mais c’est une autre technique de détection qui sera privilégiée dans un premier temps. Patrick Blackett prédit en 1948 qu’une infime partie de la lumière nocturne vient en réalité du rayonnement Čerenkov émis par les RCs (primaires mais surtout secondaires) lors de leur traversée de l’atmosphère — ce que confirment Bill Galbraith et John Jelley en 1953 par l’ob-servation de coïncidences entre un photomultiplicateur monté sur un réflecteur y focalisant la lumière Čerenkov et un réseau de compteurs Geiger-Müller aménagé à Harwell pour la détection de gerbes atmosphériques. Les premiers instruments dédiés à la détection de photons de très haute énergie, qui voient le jour dans les années 60, utilisent cette lumière Čerenkov. Ils ne sont cependant pas capables de distinguer les gerbes électromagnétiques des gerbes hadroniques, et le bruit de fond dû au reste des RCs ne leur permet donc pas d’en dissocier les flux de photons gamma.

Les années 80 sont un peu plus fructueuses : plusieurs expériences font part de l’observation de photons de plusieurs centaines de GeV, voire au-dela du TeV. La sensibilité de ces expé-riences est toutefois encore très faible, la résolution angulaire limitée, et les annonces parfois contradictoires.

C’est avec la détection à 9σ, en 1987, de photons du TeV par la collaboration Whipple [89], et leur association probable avec la nébuleuse du Crabe, que la discipline prend véritablement son essor. Les découvertes se succèdent timidement, puis l’arrivée de MAGIC (2006), VERITAS (2007) et surtout HESS (2004) transforme la discipline expérimentale en vraie science astro-nomique. Le nombre de sources connues passe ainsi en moins de trois ans d’une petite dizaine à presque une centaine de sources, avec pour la plupart la détermination sans équivoque des caractéristiques spectrales, temporelles et morphologiques.

3. Une pincée d’Astronomie 43 Dans le même temps voient le jour des expériences reprenant le concept initialement proposé par Cocconi (lire le début du paragraphe), avec des succès plus mitigés. Les mises en œuvre les plus récentes sont toutefois plus prometteuses et laissent entrevoir une complémentarité avec les expériences à imagerie Čerenkov.

Les techniques expérimentales liées à la détection des photons gamma de très haute énergie seront évoquées plus en détail au paragraphe (iv) 1.