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Historique

L’effet Čerenkov a d’abord été étudié par Lucien Mallet en 1926 [136], puis redécouvert et décrit scrupuleusement par Sergey Ivanovich Vavilov et Pavel Alekseyevich Čerenkov en 1934 [137, 138], avant d’être formalisé de manière classique par Ilya Mikhailovich Frank et Igor Yevgenyevich Tamm en 1937 [139] puis dans le cadre de la mécanique quantique par de nombreux auteurs [140].

Il est intéressant de noter, à titre historique, que le sujet du déplacement d’une particule chargée à une vitesse supérieure à celle de la lumière avait été traitée dès 1888 par Oliver Heaviside [141], puis en 1904 par Arnold Sommerfeld [142] (dans le vide, avant que la théorie de

2. Du neutrino au détecteur 65 la relativité ne pose c comme vitesse limite). Les propriétés alors inférées étaient très proches des principales caractéristiques du rayonnement Čerenkov.

Interprétation classique

Fig. (ii) 2.11:Illustration du principe de Huygens-Fresnel.

Classiquement, l’effet Čerenkov est inter-prété par analogie avec l’onde de choc pro-duite lorsqu’un objet se déplace dans un mi-lieu matériel à une vitesse supérieure à la vi-tesse de phase des ondes acoustiques dans ce milieu (typiquement un avion en vol super-sonique). Le modèle ondulatoire proposé par Christian Huygens puis par Augustin Jean Fresnel (principe de Huygens-Fresnel) permet d’expliquer ce phénomène, en considérant que la particule émet en tout point de sa trajec-toire une onde électromagnétique sphérique autour de sa position. Chacune de ces ondes sphériques se propageant à la vitesse de phase de la lumière dans le milieu, les ondes su-bissent des interférences destructives les unes

avec les autres et s’annihilent. Cependant, si la particule se déplace à une vitesse supérieure à cette vitesse de phase, alors il existe une surface conique en laquelle les interférences sont constructives, ainsi que l’indique la construction de Huygens sur la figure (ii) 2.11.

Conditions d’émission

Les principes de conservation de l’impulsion et de l’énergie impliquent que l’angle d’émission de ces photons par rapport à la direction de la particule (ou angle Čerenkov, θc) satisfasse la relation cos θc= 1 βn+ Λ λ n2− 1 2n2 ! , ((ii) 2.9) où Λ = h mc r 1 β2 − 1 ((ii) 2.10)

est la longueur d’onde de de Broglie de la particule, λ la longueur d’onde du photon émis dans le milieu d’indice de réfraction n (qui dépend en principe de la longueur d’onde), β = v

c la

vitesse réduite de la particule et m sa masse. Le deuxième terme du second membre de l’équa-tion (ii) 2.11 constitue une correcl’équa-tion quantique très largement négligeable devant le premier terme, qui correspond donc à la théorie classique et aux observations, et devant d’autres effets tels que la dispersion du milieu (dépendance de l’indice de réfraction à la longueur d’onde). Les corrections dues au traitement quantique sont négligées dans la suite de ce document, où l’on considérera la relation traditionnelle

cos θc= 1

βn. ((ii) 2.11)

Il ressort immédiatement de la relation (ii) 2.11 que la principale condition pour que cette émission ait lieu est que la vitesse de la particule doit être supérieure à la vitesse de la lumière dans le milieu : β > 1

l’émission n’est pas possible si l’indice de réfraction est inférieur à 1, ou égal à 1 si la masse de la particule n’est pas nulle. Une particule massive ne peut donc pas émettre de rayonnement Čerenkov dans le vide (où ε0 = 1/µ0, et donc n égale 1).

On en déduit l’énergie cinétique minimale que la particule doit avoir pour émettre des photons Čerenkov, ou énergie de seuil,

Es= s n2 n2− 1− 1 mc2. ((ii) 2.12)

L’énergie de seuil d’un muon dans l’eau de mer immergeant Antares est donc de l’ordre de 50 MeV dans le domaine de sensibilité d’Antares (neau(λ = 300 nm ' 1.36), contre environ 240 keV pour un électron.

Spectre d’émission

Toute émission de rayonnement implique une perte d’énergie. L’énergie radiée par effet Čeren-kov est cependant très faible en comparaison des pertes d’énergie associées aux autres processus abordés au paragraphe (ii) 2.2. On peut la calculer à partir des équations de Maxwell (ou de Schrödinger/Dirac pour le traitement quantique), et montrer qu’elle dépend essentiellement de l’indice de réfraction du milieu, de la vitesse de la particule et de sa charge Z. Pour une longueur d’onde λ donnée et sur une distance parcourue dx :

d2E dxdλ = 2παhcZ2 λ3  1 − 1 β2n2  , ((ii) 2.13)

avec α la constante de structure fine. On constate que le spectre d’émission est continu — tant que la condition β > 1/n est satisfaite, ce qui n’est en général plus le cas dans les domaines X et γ, où l’indice de réfraction est souvent inférieur à 1 (voir la figure (ii) 1.4) —, et varie comme l’inverse du cube de la longueur d’onde. L’énergie portée par un photon étant inversement proportionnelle à la longueur d’onde (E = hcλ), cette variation implique que la quantité de rayonnement émise augmente vers les courtes longueurs d’onde, ce qui explique la lumière bleutée associée à l’effet Čerenkov. On déduit de la relation précédente (équation (ii) 2.13) le nombre de photons émis par unité de distance parcourue,

d2N dxdλ = 2παZ2 λ2  1 − 1 β2n2  = 2παZ 2 λ2 sin2θc, ((ii) 2.14) soit pour un milieu non dispersif, dans l’intervalle [λ1; λ2] et en supposant une vitesse constante,

dN dx = 2παZ 2  1 − 1 β2n2   1 λ2 1 λ1  . ((ii) 2.15)

Cas particuliers & autres propriétés

En théorie, toute particule ayant une distribution de charge ou de courant non nulle traver-sant un matériau diélectrique est susceptible d’émettre ce type de rayonnement. En pratique, l’effet n’est observable (dans l’état actuel des technologies) que pour les particules chargées (ou les monopôles magnétiques8, si tant est qu’ils existent). Notons au passage que les photons

3. Architecture physique du détecteur 67 émis sont polarisés perpendiculairement à la surface formée par le cône Čerenkov à leur point d’émission.

Il est également important de noter que la présente description n’est valable que sous certaines conditions : particule sans spin, se déplaçant à une vitesse uniforme dans un milieu homogène, isotrope et faiblement dispersif (les zones notées K, L et M sur la figure (ii) 2.12, par exemple, sont des zones de dispersion anomale : près de la bande d’absorption, la constante diélectrique et donc l’indice de réfraction ne sont plus réels mais complexes). Ainsi, la valeur du spin de la particule modifie légèrement la polarisation, la condition de seuil et la quantité de radiation. Dans le cas d’un milieu dispersif, l’angle Čerenkov dépend de la longueur d’onde (cet effet est évident au regard de la relation (ii) 2.11), et la durée du flash de lumière vu en un point extérieur à la trajectoire n’est pas infiniment courte. La vitesse de la particule n’est en réalité pas uniforme, puisqu’elle perd de l’énergie par rayonnement, et surtout par les autres processus cités au paragraphe (ii) 2.2 — en réalité il suffit que la décélération ne soit pas trop rapide :

1

λdvdt Î 1.

Fig. (ii) 2.12: Illustration de la courbe de dispersion (variation de l’indice de réfraction en fonction de la longueur d’onde), sur tout le spectre électromagnétique. Les valeurs sont arbitraires [img33].

Contrairement à ce que peut laisser penser son utilisation très fréquente en physique, son traitement classique habituel et l’âge de sa découverte, l’effet Čerenkov est encore mal compris et fait l’objet de nombreuses investigations. En particulier, ses manifestations sont étudiées sous différentes conditions matérielles (anisotropies, cristal, matériau d’indice de réfraction négatif. . .) ou dans le cadre de la recherche d’effets similaires avec les interactions non-électromagnétiques.

3 Architecture physique du détecteur

Ce que voient les poissons.