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Le religieux dans les études du développement

Dans le document CHAPITRE 1 : INTRODUCTION (Page 32-35)

CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE

2.4 Le religieux dans les études du développement

Silence et résurgence de la religion dans les études du développement

La spiritualité aurait ainsi été considérée comme un tabou (Beek, 2000), malgré son influence évidente sur les sociétés du Sud, comme du Nord (Hervieu-Léger, 1993). Les sciences sociales n’ont jamais considéré les aspects religieux, semble-t-il, ni dans l’analyse des motivations des acteurs ; ni dans l’analyse du développement ; ni dans l’analyse du vécu de la pauvreté (Clarke, 2007). Toutefois, il semble y avoir recrudescence, depuis une quinzaine d’années, de la place des études sur la religion et le développement (ibid). Si celles-ci refont surface, ce n’est pas tant que la religion était absente de la réalité du développement, mais plutôt qu’elle n’était pas considérée comme un facteur à prendre en compte - du moins par les grands organismes de développement.

Ainsi, sous le courant fort de la modernisation, alors que le développement porte quasi-exclusivement sur la croissance et le progrès économique, la religion, comme facteur de sens personnel et collectif, ne compte que peu (Selinger, 2004). La théorie de la modernisation a été considérée comme paradigme dominant par les grandes structures du développement, comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, jusqu’à aujourd’hui (ibid). Lehmann (2002) nous rappelle aussi que particulièrement en Amérique latine, les théories marxistes et les analyses économiques semblaient, du moins partiellement, rejeter la perspective de la religion dans le développement.

La révolution iranienne de 1979, les crises nationales et identitaires de l’après-communisme et celles liées à la globalisation, puis les évènements du 11 septembre 2001

De plus, la publication de Voices of the Poor, dans les années 90, jette un regard nouveau sur la pauvreté et la religion dans l’univers du développement. En laissant parler les personnes vivant dans la pauvreté, on découvre que les ONGr apparaissent fréquemment parmi les institutions les plus importantes dans les milieux ruraux. Aussi, il semble que la spiritualité, la foi en Dieu et le sacré soient des aspects essentiels de la vie des personnes pauvres dans plusieurs coins de la planète (Narayan et al., 2000).

Face à la nouvelle visibilité de la religion dans la modernité et à l’attention nouvelle portée à la religion dans le développement, il semble y avoir un commun accord sur la nécessité de réengager un dialogue entre les forces séculaires et religieuses du développement (Selinger, 2004 ; Deneulin et Bano, 2009), voire de déconsidérer la position séculariste dans les études du développement (Clarke, 2007). Avec un retour de l’identitaire et du culturel au sein des théories modernistes, le développement doit être entendu comme un processus multidimensionnel basé sur une conception large du bien-être, qui inclut notamment le respect de l’identité culturelle.

De ce fait, il nous apparaît de plus en plus primordial d’établir des dialogues rationnels sur les valeurs religieuses et séculaires, puis de tendre vers une meilleure compréhension des différentes manifestations des religions, plutôt que de tenter une sécularisation forcée ou un déni des réalités subjectives (Deneulin et Bano, 2009).

La religion dans les sciences sociales : entre instrumentalisation et inspiration à l’action

Finalement, certains auteurs critiquent la manière dont la religion est abordée dans les sciences sociales. Deneulin et Bano (2009) amènent que la religion, lorsqu’elle n’est pas instrumentalisée, est souvent vue comme non utile au développement, simplement mise de côté comme facultative, ou encore dangereuse pour l’accomplissement des libertés individuelles et

de consommation. Pour Selinger (2004), la faible littérature sur la religion dans le développement présente la première soit comme : 1) une structure institutionnelle à utiliser pour faire avancer des projets ; 2) un élément d’une culture empêchant souvent le développement ; 3) une motivation individuelle que le développement peut exploiter à des fins idéologiques ; 4) un élément indispensable au développement, par son aspect spirituel.

Finalement, selon Selinger (2004), la religion est rarement considérée comme un facteur positif pouvant participer à la mise en place des pratiques et stratégies de développement.

Vision chrétienne et enjeux de développement

Si, selon Bradley (2005), la compassion et le désir d’aider les pauvres, comme des valeurs caractéristiques de la foi chrétienne, agissent comme inspiration à l’action, l’auteur mentionne les risques associés au fait de défendre et d’incarner un message religieux dans le travail du développement – ici, dans les ONGr chrétiennes. Si Bradley (ibid) juge que la compassion ne mène pas nécessairement à de « bons » résultats, c’est qu’elle peut entraîner la formation d’une image cristallisée et erronée du « pauvre », basée sur une interprétation préétablie de ceux qu’on va aider, afin de remplir ses obligations morales et religieuses. Si ce risque peut être présent dans toute forme de relation basée sur la coopération et le développement, il semble plus fort encore dans les liens qui unissent communautés et ONG religieuses.

Tel que l’avance Bradley (ibid), l’acte de coopération y est souvent interprété comme un don et une obligation, ce qui peut nuire au sain exercice de réflexion sur le sens et les conséquences tangibles et possibles de ses actes. Aussi, il critique la relation inégale que le don

de l’aidé, se basant sur ses propres projections. Car, l’aidé peut aisément devenir une figure loin de sa propre condition humaine, que Bradley nomme, inspiré par Stirrat and Henkel (1997), l’Autre. L’Autre constitue cette forme extérieure, voire étrangère à soi. On agit avec l’Autre dans une relation d’altérité pouvant voiler l’identité réelle par la cristallisation d’une relation (de pouvoir). Pour cela, une relation d’ouverture à l’autre et une posture de laisser-aller (de l’aidant face à son envie de transformer l’autre) sont nécessaires afin de rétablir cette riche et risquée relation. Ainsi, si la compassion est porteuse de bonnes intentions et qu’elle se révèle une force majeure de motivation et un plus dans la capacité à générer des projets à long terme, enracinés dans les collectivités visées, il n’en faut pas moins analyser les pratiques, voire les résultats des interventions des ONGr afin de mesurer les impacts d’une conception religieuse du développement (Bradley, 2005).

2.5 Les ONG, le religieux et le développement

Dans le document CHAPITRE 1 : INTRODUCTION (Page 32-35)