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Quatre figures de l’affinité élective entre croyances religieuses et conceptions du

Dans le document CHAPITRE 1 : INTRODUCTION (Page 116-122)

CHAPITRE 5 : PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS

5.2 Croyances religieuses, motivation des acteurs et trajectoires de vie

5.2.2 Quatre figures de l’affinité élective entre croyances religieuses et conceptions du

Nous nous sommes basées, dans cette analyse, sur le précepte wébérien selon lequel la foi agit comme une motivation à l’action sociale, et particulièrement comme motivation des

acteurs de développement. Nous avons aussi voulu tester l’affinité élective entre les croyances religieuses et les conceptions du développement. Ainsi, afin de positionner ces récits individuels en lien avec leurs conceptions du développement, nous avons constitué un schéma les positionnant en quatre figures d’inspiration idéal-type illustrant différentes tendances dans l’expression de l’affinité élective entre les croyances religieuses des membres de l’ONGr et leur conception du développement. Notons d’emblée que, vu les limites inhérentes à notre terrain d’enquête, les constats de notre étude de cas énumérés ci-dessous sont formulés de manière exploratoire. Ils visent surtout à inviter à l’approfondissement des hypothèses avancées.

Schéma 3. Quatre figures de l’affinité élective entre religion et développement

Figure du CL

La figure du CL se positionne dans le cadran supérieur droit du schéma, en tant que proche de la solidarité sociale, sur l’axe horizontal du développement, puis comme ayant une forte

CL, au sens de ses croyances religieuses et de ses conceptions du développement. Cette figure illustre les portraits du prêtre et de Maria, la cuisinière au siège social. Cette figure témoigne du constat formulé précédemment, selon lequel un renouveau individuel, vécu en tant que transformateur de ses propres conditions de vie, favorise une croyance en un renouveau vécu collectivement (Corten, 1998). Le prêtre ayant donné sa vie au CL et l’ayant vu se transformer par ce dernier, témoigne d’une forte appartenance au CL, en tant que leader et figure de proue de ce courant au sein de la communauté étudiée. Dans le second cas (Maria), nous pouvons saisir l’appartenance et l’affinité partagée avec les croyances du CL sous le signe d’une transformation de vie imprégnée par celui-ci, favorisant l’appartenance à l’idée de renouveau collectif et social. Cette figure témoigne d’un discours fortement empreint de l’idée d’une résistance collective aux structures d’injustice et d’une action collective face à la pauvreté vue comme un problème social (Freyss, 2004). Cette figure témoigne aussi de l’aspiration au dépassement de cette réalité en un lieu où l’égalité serait une condition structurelle de la société, s’inspirant alors fortement de l’utopie libérationniste (Burdick, 2004).

Figure de la sécularisation du CL

La figure de la sécularisation du CL se positionne dans le cadran inférieur droit de notre schéma et est basé sur le troisième portrait présenté ci-haut, (Marco). Dans ce cas, une fatigue et une incapacité à saisir la possibilité d’entrevoir un renouveau au sein de l’Église catholique marque au contraire un détachement du caractère religieux du projet libérationniste. Toutefois, l’utopie libérationniste continue à constituer la base des conceptions du développement de cette figure. On note toutefois dans ce cas un déplacement du discours et des pratiques du CL vers son axe politique, au détriment de son aspect religieux et spirituel. La Libération, pour cette figure, semble alors devoir être vécue hors de l’Église, dans un projet de social, ou populaire,

plutôt que spirituel ou religieux. Cette citation entendue chez un militant brésilien l’illustre bien : « Je suis sorti de l’Église mais on ne peut pas sortir l’Église de moi ». Cela expose l’influence encore réelle du CL, mais hors des bancs de l’Église. C’est ainsi que cette figure donne raison à Burdick (2004) alors qu’il affirme que le CL continue à injecter des valeurs dans les visions et actions engagées et populaires au Brésil.

Figure de la professionnalisation

Cette figure se positionne dans le cadran inférieur gauche de notre schéma, à cause de la place limitée de la religion dans l’expression du travail et d’une vision teinté de la charité-philanthropie. Elle a été nommée ainsi en raison de son illustration, nous croyons, du phénomène de la professionnalisation dans les ONG – tel que vu avec Freyss (2004). Le portrait qui inspire cette figure est celui de Juliana (sixième). L’entrée de cette employée dans l’ONGr fait suite à un réajustement interne où un besoin de professionnels spécialisés s’est fait sentir. Typiquement, cette figure prend en considération son rôle formel de travailleuse professionnelle et abonde dans le sens d’une transformation du monde, mais sans une interprétation politique ou collective, s’attardant plutôt aux réalités individuelles rencontrées et travaillant avec les conséquences des inégalités (plutôt que leurs causes). Cette figure semble illustrer un détachement des références religieuses dans le travail de développement et un détachement de l’analyse sociopolitique de la vision libérationniste du développement, ce qui contribue à évoquer une professionnalisation dans l’ONGr, hors de l’ancrage libérationniste.

Figure de la religiosité moderne

Cette dernière figure prend place dans le cadran supérieur gauche de notre schéma, alors qu’elle incarne une conception du développement incarnant certains phénomènes de la religiosité moderne. C’est avec le quatrième cas (Teresa) et le cinquième (Carolina) que s’est constituée cette figure. Tout comme dans la figure précédente, on comprend que les croyances religieuses peuvent être constituée d’une multiplicité de références n’ayant pas comme fondement le CL, même chez des membres au d’une ONGr qui porte cette conception du développement. Dans les deux portraits constituant cette figure, la foi semble fortement motiver l’action et la compréhension du monde de ces membres. Dans le cinquième portrait (Carolina), la place de l’Église dans la trajectoire personnelle a teinté son existence d’une manière qu’elle-même juge négative. Ce rejet de l’Église catholique va de pair avec un emprunt de croyances à une pluralité de sources, et ce sans appartenance formelle à une religion. Cette figure semble incarner le phénomène de désinstitutionalisation religieuse tel qu’évoqué par Mariz et Machado (1998). Le quatrième cas (Teresa) incarne plutôt son phénomène cousin, soit la pluralisation institutionnelle (ibid). Tous deux témoignent de nouvelles formes de religiosité brésilienne, conséquences de la globalisation (ibid). Dans ces deux cas, le discours emprunté sur ses propres actions révèle une attention particulière à l’individu comme objet de transformation, particulièrement au sens de ses valeurs et de sa vision personnelle du monde. C’est plutôt au pôle de charité-philanthropie (Freys, 2004) qu’on pourrait associer la vision de l’intervention dans cette figure.

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L’ensemble de cette analyse souligne la réalité complexe des croyances religieuses des membres d’une ONG religieuse. Si Bradley considère la manière dont on peut reconnaître une ONGr au sens du regard qu’elle porte sur elle-même, par l’engagement proclamé de ses membres à une tradition religieuse particulière, (2005, 349) notre étude de cas démontre à quel point la capacité d’une ONGr de mettre en œuvre sa stratégie en accord avec ses croyances religieuses fait face à la complexité de son environnement interne, ainsi qu’aux contraintes et opportunités de son environnement externe. La compétition entre les Églises au Brésil (Mariz et Machado, 1998), puis la relative difficulté du CL à garder son influence (Burdick, 2004) transparaissent dans notre analyse. À tout le moins, elle laisse largement présager le défi pour une ONGr de poursuivre des conceptions et objectifs de développement, ses pratiques et relations internes propres à une inspiration religieuse de manière cohérente avec la diversité des croyances qui la composent. Notons quelques défis qui transparaissent dans notre analyse de l’ONGr en question ici.

5.2.3 La complexité des phénomènes religieux, à la lumière de la religiosité moderne

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