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Hypothèse générale de recherche et positionnement épistémologique

Dans le document CHAPITRE 1 : INTRODUCTION (Page 47-51)

CHAPITRE 3 : PROBLÈME EN QUESTION ET MÉTHODOLOGIE

3.4 Hypothèse générale de recherche et positionnement épistémologique

L’hypothèse générale de cette recherche est que la religion et le vécu religieux sont des phénomènes complexes ; en constante transformation ; soumis aux contextes sociaux en place

; soumis aux opportunités religieuses, politiques, sociales, économiques et culturelles ; et que ce contexte doit être entendu comme un espace permettant l’action des acteurs. Le phénomène religieux s’incarne ainsi dans un processus social vu comme un enchaînement d’interactions placées au cœur de structures sociales et qui révèlent des mécanismes générateurs d’action (Bertaux, 2010), plutôt que des structures uniquement contraignantes. En effet, si nous nous attardons aux motivations et représentations des acteurs individuels et collectifs (ONGr) comme entités capables d’autonomie, c’est sans prétendre oublier le contexte qui encadre cette dernière. De ce fait, nous comprenons le parcours et la trajectoire des acteurs individuels et collectifs (organisations) comme une fenêtre menant à la compréhension des phénomènes sociaux et collectifs.

La nature de cette recherche s’ancre dans une démarche déductive, ponctuée d’une influence inductive. La nature déductive de ce projet vient du fait qu’elle s’inspire des questions de la littérature et, plus précisément, des besoins revendiqués par certains auteurs d’approfondir quelques aspects de l’étude des ONG religieuses (Radoki, 2007 ; Bradley, 2005, 2009) et de la présence contemporaine du CL au Brésil (Burdick, 2004 ; Hoffman, 2006 ; Hewitt, 2006). Contenant plus que de simples « moments déductifs, » (Anadon et Guillemet, 2007, 31), l’ancrage méthodologique de cette recherche se fonde d’abord sur une démarche

d’exploration théorique menant à la formulation d’hypothèses à vérifier empiriquement.

Toutefois, le caractère qualitatif et ethnosociologique de cette recherche contribue à la perméabilité de la frontière entre l’inductif et le déductif et à son caractère itératif.

Ainsi, cette recherche qualitative comporte cette « qualité d’effort de compréhension, c’est-à-dire d’appréhension des significations » (idem, 31). Wéber nous permet de mettre en valeur la rationalité des acteurs religieux du développement. Sans prêcher pour un rationalisme niant l’existence des croyances, ni pour une étude de la rationalité individuelle comme création propre de l’individu, cet intérêt pour la ‘rationalité des acteurs’ tend à exposer, analyser et légitimer la diversité des formes d’interprétation de l’existence humaine et de la société. Ces interprétations vont à l’encontre d’une normativité objective omnisciente, ainsi que de l’opposition simple entre rationnel et irrationnel.

Ainsi, Wéber a pour projet d’expliciter les conduites humaines « afin de les rendre intelligibles […], un projet qui ne renonce pas à l’explication causale » (Hervieu-Léger et Willaime, 2001, 67). Il rejoint de cette manière la démarche anthropologique qui accorde une large place à l’étude du vécu des individus. On tend ainsi à comprendre la logique derrière les actions ; et plus précisément, d’où sont issues les interprétations du développement et de l’action sociale à entreprendre. L’analyse wébérienne refuse tout mono-causalisme, se penchant en profondeur sur l’histoire des groupes sociaux étudiés (ibid). Cela étant dit, nous réfutons l’idée d’une lecture strictement interprétative de la réalité et croyons en la nécessité de la joindre à une analyse critique et structurelle. Ainsi, la lecture que fait Houtart (1992a) de la réalité sociale et religieuse nous ramène à voir la religion (et tout phénomène social) comme

une construction dialectique où les acteurs sont à la fois déterminants et déterminés par les structures sociales.

Plus globalement, cette recherche s’inspire de la démarche ethnosociologique. Elle constitue ainsi une « recherche de type empirique basée sur l’enquête de terrain, qui prend ses sources dans la tradition ethnographique, par ses techniques d’observation mais qui construit ses objets en référence à des problématiques sociologiques » (Sanséeau, 2005, 39). L’intention est de « passer du particulier au général en identifiant dans le terrain observé des logiques d’action et des processus récurrents qui seraient susceptibles de se retrouver dans plusieurs contextes similaires » (Bertaux, 1997 ; cité dans ibid). Toutefois, il est essentiel de noter le caractère exploratoire de ce vaste projet et ses limites notables – qui seront exposées plus loin.

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Cette recherche s’inscrit dans une large perspective de développement social des communautés. L’étude de la religion y prend alors toute sa raison d’être, alors que l’on s’intéresse à l’appartenance symbolique de ses acteurs ainsi qu’aux moyens localement utilisés pour prendre en main leur propre développement. Peemans (2002) trace le paysage de fond sur lequel nous réfléchissons la réalité des peuples face au développement (selon l’ordre des peuples et des gens). Nous prenons partie pour un développement basé sur les besoins et volontés des communautés et des peuples, plutôt que pour un projet modernisateur et basé sur une notion de progrès technologique. Cette recherche se penche ainsi sur les initiatives locales et citoyennes mises en place hors de l’institution de l’Église et de l’État. De fait, elle découle indirectement de la littérature de l’autre-développement et de son approche culturaliste intéressée aux identités locales et aux espaces autonomes de construction de la réalité (Esteva,

1996). Plus précisément, notre étude prend place au cœur d’une vague récente d’études de cas revendiquant la reconnaissance des ONG religieuses comme élément de l’autonomie culturelle des communautés (Clarke, 2006 et 2007 ; Bradley, 2005 et 2009).

De plus, si nous analysons la portée de la Libération telle que vécue au travers de la spiritualité des acteurs du développement qui nous intéressent, nous l’analysons surtout à partir de sa mise en pratique dans les activités du développement. Le cadre analytique de Freyss (2004) qui sera exposé plus loin nous permet ainsi d’analyser les conceptions et pratiques du développement tel que formulé par les acteurs et ce, au travers de l’analyse des sphères sociales, religieuses et politico-économiques dans lesquelles ceux-ci prennent place.

L’ensemble de cette réflexion nous amène à poser les idées fondatrices de cette recherche. Elles se basent ainsi sur l’affirmation que, comme Bradley (2005), c’est plutôt par ses rapports établis avec la population que se comprend le sens réel des valeurs religieuses qui sont prônées par l’ONGr, plutôt que seulement les intentions posées. Plus précisément, comme le mentionne Pearce (1993), c’est au niveau des processus sociaux engendrés avec les collectivités que nous devons considérer la capacité des ONG de participer à la lutte à la pauvreté et aux problèmes sociaux, tels que celui de la faim (qui est l’objectif premier de l’ONGr étudiée, œuvrant en sécurité alimentaire). Nous pouvons analyser qu’au cœur de toute bonne intention (Bradley, 2005) peut se nicher un rapport de dépendance qui va à l’encontre même de la vision statuée. Cette recherche vise donc à s’attarder aux mécanismes contemporains par lesquels s’établissent des pratiques de développement fondées sur la tradition du CL, dans un organisme de la ville de Joinville, dans l’État de Santa Catarina.

Nous allons démontrer notre hypothèse par le biais du cas d’une ONG d’inspiration religieuse dans le sud du Brésil, qui œuvre dans la sécurité alimentaire et la lutte à la pauvreté.

Dans le document CHAPITRE 1 : INTRODUCTION (Page 47-51)