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Histoire des ONG brésiliennes

Dans le document CHAPITRE 1 : INTRODUCTION (Page 77-81)

CHAPITRE 4 : PRÉSENTATION DU TERRAIN DE RECHERCHE

4.3 Les ONG au Brésil

4.3.1 Histoire des ONG brésiliennes

L’histoire des ONG revête un caractère expressif dans la compréhension de l’histoire politique brésilienne et du lien entre les mouvements sociaux, le gouvernement et la société civile (Assies, 1994 ; Baierle, 2006). Nous nous appuierons sur ces deux auteurs afin de jeter un regard critique sur la construction et la situation actuelle des ONG brésiliennes. Pour

                                                                                                               

21 Cette section fait suite à la mise en contexte des ONG dans le développement et au Brésil, présenté au chapitre 2.

Assies (1994), la capacité d’innovation institutionnelle des ONG contribue à un système démocratique partenarial et est jugé bénéfique pour les ONG ; pour Baierle (2006), la position partenariale des ONG dans la politique brésilienne met à mal son autonomie et limites de réelles transformations sociales. Cette comparaison permettra de préciser le débat présenté au chapitre 2 sur le rôle des ONG dans le développement et particulièrement sur leur posture au sein de la société civile et face au gouvernement. Nous serons ainsi plus en mesure de positionner l’ONG étudiée dans le spectre des ONG brésiliennes, de manière à comprendre ses racines idéologiques.

Les années 1970 et la lutte des associations

Dans les années 1970, les associations de quartiers, l’Église progressiste et les CEB participeront à la mise en place des premières luttes urbaines et identitaires, puis à un discours de confrontation face à l’État (Assies, 1994). Les centres de conseil, les ancêtres des ONG, se perçoivent comme des acteurs intégrés dans les luttes militantes. La plupart ne sont pas professionnalisés (Baierle, 2006).

Les mouvements sociaux restent en position délicate face au pouvoir dictatorial en place.

Cette période sert toutefois de justification idéologique et organisationnelle pour le développement de la société civile, en rejetant le modèle économique prédominant (Radoki, 2007). Cette période de dictature révèle aussi la présence notable de l’Église catholique dans les mouvements sociaux (Assies, 2006), puis crée des tensions entre les franges plus radicales et les plus réformistes au sein des groupes et mouvements. Déjà, vers la fin des années 70, il semble qu’une trajectoire se dessine chez plusieurs ONG : plusieurs se détachent de l’Église et

se sécularisent et, du même élan, passent d’une perspective plus assistencialiste à un travail à tendance plus politique (Assies, 2006).

Les années 1980 : la fin du régime dictatorial et le déclin de la gauche marxiste

Avec la fin de la dictature au début de la décennie 1980, puis avec la transition vers la démocratie, on verra une transformation majeure des rapports entre mouvements sociaux, société civile et gouvernement. Les années 1980 expriment la fin d’une opposition bipolaire vers une complexification du paysage politique (Baielre, 2006). Pour Assies (1994), cette période révèle la tendance non-marxiste ou postmarxiste mondiale vers une dimension socioculturelle et orientée vers l’acteur. Selon lui, la libéralisation de l’espace démocratique laisse place à des occasions d’innovation institutionnelle qui témoignent, d’une certaine manière, de la maturité des organisations de la société civile et de leur capacité à intervenir formellement dans l’espace de débats et de construction politiques. Toujours selon cet auteur, on passe alors d’une conception essentialiste et sectaire de l’État à une phase d’innovation institutionnelle de la gauche, venue avec la reconnaissance des politiques sociales déjà existantes et de nouvelles expérimentations démocratiques (ibid).

Les années 90 : la formalisation et la professionnalisation des ONG22

Avec la fin des années 1980 et le début des années 1990 émerge un phénomène de professionnalisation des organisations de la base vers des organes formalisés agissant de moins en moins comme des défenseurs de première instance et de plus en plus comme des traducteurs et articulateurs des mouvements sociaux (Assies, 1994). Face aux bureaucraties

                                                                                                               

22 Les termes « formalisation » (Assies, 1994) et « professionnalisation » (Baierle, 2006) des associations et mouvements sociaux nous apparaissent comme des termes relatant d’un même large phénomène. Nous les utiliserons de manière indifférenciée pour cette recherche.

importantes en éducation et en santé, de nouveaux partenariats s’établissent avec les ONG et les organisations communautaires de base, ce qui permet de répondre à peu de frais aux demandes des masses précarisées (Baierle, 2006).

Toutefois, selon Baierle, le champ de l’action sociale se limite à la société civile, « à savoir au champ des organisations communautaires de base, des ONG et des fondations privées » (ibid, 127). De fait, l’auteur critique le désengagement des masses populaires dans les mouvements sociaux et déplore la nouvelle normalisation des rapports entre la société civile, le marché et le gouvernement, qu’il nomme la gouvernance néolibérale. Il critique également la cooptation des entités du tiers secteur. Selon Pearce (2004), cette peur de cooptation et ‘d’incorporation par en haut’ est non seulement fondée, mais bien présente dans la tradition de l’action collective en Amérique latine. Pour Assies (1994), l’interprétation est différente. Il affirme que si cette formalisation est souvent interprétée comme étant imposée par l’État, elle serait plutôt, au niveau communautaire, considérée comme une expansion de la capacité d’action des ONG et comme un résultat positif de leurs efforts à élargir leur pouvoir (ibid).

Les années 2000 : Lula et les ONG comme traducteurs23

Avec l’arrivée de Lula au pouvoir en 2003, les mouvements sociaux et les syndicats adoptent une posture plus partenariale avec le gouvernement et plusieurs de leurs leaders ont alors un généreux accès aux organes gouvernementaux mettant en œuvre les politiques publiques (Baierle, 2006). En continuité avec les dernières décennies (et particulièrement

                                                                                                               

23 Nous entendons le terme ‘traducteur’ au sens similaire de ‘courtier’, terme fréquent dans

depuis la mise en place d’un gouvernement issu des luttes de gauche), les ONG seraient alors de plus en plus près de la prestation de service et de la coproduction de politiques sociales (Dieter Temp, 2011). Globalement, les ONG brésiliennes « jouent un rôle fondamental dans l’élaboration et le montage (souvent complexe) des projets associatifs et font profiter les associations de leur réseau de bailleurs de fonds et d’experts » (Léna, 2010, 210). Le rôle de traducteur des ONG les fait agir également à l’interface bénéficiaires des projets de développement et les agences de développement (Neubert, 1996), puis entre les bénéficiaires locaux et les gouvernements nationaux.

Dans le document CHAPITRE 1 : INTRODUCTION (Page 77-81)