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Le rapport de Transparency International Canada sur les APS – juillet 2017

CHAPITRE 4 – LE LOBBYING DE SNC ET DES LOBBYS CORPORATIFS

4.3 Rapports et études produits par différents acteurs sur les APS

4.3.3 Le rapport de Transparency International Canada sur les APS – juillet 2017

En juillet 2017, TI Canada publiait à son tour un rapport favorable aux APS, quelques mois avant que la consultation publique du gouvernement du Canada soit lancée. Le rapport a repris en bonne partie les arguments en faveur et en défaveur des APS qui avaient été exposés dans le rapport de l’IRPP et dans la littérature juridique préexistante. Il a donc repris favorablement les arguments de compétitivité internationale, d’efficience en matière de coûts d’enquêtes et de procès, d’encouragement à l’autodivulgation et de protection des tiers (TI Canada 2017, 6- 8). De façon moins nuancée et même plus écourtée que le rapport de l’IRPP, les arguments

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défavorables ont été minimisés. Le professeur Koehler, réagissant au rapport de TI Canada, se montre critique à cet effet, mais il note tout de même certains bons points :

“Even though the TI-Canada report skips analysis of certain relevant issues and portrays as fact several debatable points often undermined by actual facts, kudos to the TI-Canada report for recognizing that “DPAs in the United States have no statutory basis and are not subjected to any specific legal framework.” Kudos as well to the TI-Canada report in […] implicitly reject[ing] NPAs [and] the U.S. DPA model.” (Koehler 2017)

En somme, TI Canada estime que la menace des APS à la primauté du droit et à la confiance du public dans le système de justice est réelle, mais il serait possible d’adopter un meilleur régime que les Américains et de limiter les APS pour minimiser ces risques (TI Canada 2017, 8-9). Fait notoire, les membres du comité juridique de TI Canada étaient initialement divisés sur la pertinence d’importer des APS au Canada, avant de finalement opter pour une opinion favorable :

“DPAs are not uncontroversial and many observers doubt that they are an effective or advisable mechanism for enforcing criminal laws. Even among our Legal Committee, a divergence of views emerged as to the wisdom and necessity of implementing DPAs into Canadian law. We have strived to provide a balanced and impartial inventory of the pros and cons of DPAs. As our work progressed, however, a consensus did emerge that in the Canadian context - where enforcement activity levels are chronically low – DPAs, if properly designed and implemented, have the potential to support increased enforcement of anti-corruption laws and increased self-disclosure and compliance by corporations.” (TI Canada 2017 : 2)

Cette divergence d’opinions est possiblement attribuable à la diversité des bénévoles de TI Canada, même si une bonne partie d’entre eux sont liés aux entreprises et au monde des affaires. Par exemple, le président de TI Canada à l’époque du rapport siégeait également sur la table ronde de l’IRPP. Il représente dans sa pratique de droit commercial de grandes entreprises susceptibles de bénéficier des APS ou d’un régime d’intégrité assoupli (Dentons 2018). Idem pour un des membres du comité légal ayant contribué au rapport de TI Canada alors que sa pratique de litige commercial l’amène à défendre les grandes entreprises accusées de crime économique (Blakes 2018). TI Canada a essuyé des critiques sur ce point par le « FCPA Professor » Mike Koehler, lui qui se disait « peu surpris » de la position favorable aux APS de l’organisme. Dans une réponse à TI Canada datée du 6 septembre 2017, le professeur Koehler indique :

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“I attended a meeting in Toronto at the invitation of Transparency International – Canada Legal Committee. […] Given the types of individuals in the room and those joining the meeting via phone (generally speaking lawyers, accountants and others who stand to benefit from more enforcement of Canada’s Corruption of Foreign Public Officials Act – CFPOA), I didn’t really expect to change minds regarding the then early push by certain Canadian participants to adopt DPAs to resolve alleged instances of CFPOA scrutiny.” (Koehler 2017)

La logique du professeur Khoeler rejoint celle de Jessie Eisenberg dans The Chickenshit Club : comme les APS augmentent la quantité de dossiers anticorruption, les avocats et comptables commerciaux ont un intérêt économique à les promouvoir même si la qualité de l’aspect dissuasif de la loi peut être négativement affectée (Khoeler 2017). La mauvaise foi n’est cependant pas imputable et l’objectif n’est pas de remettre en cause ni la sincérité ni la validité des opinions émises par ces professionnels. TI Canada invite d’ailleurs à ses conférences, et implique dans ses travaux, des académiques de divers horizons. Un avocat travaillant pour le Bureau de l’Inspecteur général de la Ville de Montréal avait aussi participé à la rédaction du rapport en faveur des APS. Il n’en reste pas moins que TI Canada reste près de la communauté des affaires de par l’implication de plusieurs de ses membres et de par sa mission qui implique une nécessaire collaboration avec les différents acteurs économiques. Il s’agit d’un facteur important à considérer dans le traçage de l’adoption des APS en ce que TI Canada peut être perçue comme étant plus désintéressée des préférences des entreprises. Elle l’est certainement plus que le Conseil canadien des chefs d’entreprises, mais il ne s’agit pas pour autant d’une ONG qui soit neutre ou qui représente le public avant tout autre intérêt. Tel que détaillé ci- dessous, le document de consultation du gouvernement du Canada sur les APS reprend plusieurs points, et formulations, du rapport de TI Canada.

Dans l’ensemble, cette section démontre que SNC et les lobbyistes d’affaires auront influencé les termes du débat sur les APS avant qu’il ne s’étende aux médias et au Parlement. Et ce, non sans user d’un pouvoir politique stratégique considérable en ressources humaines et financières. Néanmoins, les arguments qui ont été invoqués sont clairement alignés sur la situation structurelle qui bénéficie à SNC et qui met une pression économique sur le gouvernement canadien.

CHAPITRE 5 – LA SAILLANCE MÉDIATIQUE DES