• Aucun résultat trouvé

2.2.4.1.Le quartier: entité spatiale sans unité

VILLE ET URBANISATION

I. 2.2.4.1.Le quartier: entité spatiale sans unité

L’unité du quartier, «Neighborhood unit», de Clarence Perry (1929), a longtemps été le modèle théorique qui a orienté les réflexions sur l’organisation de la ville, stipulant que le problème des quartiers réside dans l’absence d’une délimitation spatiale précise. La pensée fonctionnaliste définit le quartier comme une entité autarcique, ou les jeux de l’offre et de la demande se règlent localement. Cette réalité a largement contribué à l’émergence de zone résidentielle «dortoir» et à la fragmentation de la ville. Les fonctions commerciale, culturelle, éducative, sanitaire, administrative …etc. semblent ne pas avoir été viables.

Les approches des années 70, leurs visions, ont contribué à faire évoluer la pensée et la pratique architecturale et urbanistique dans un sens mettant en corrélation la configuration spatiale (entité spatiale) et le comportement humain. L’approche sécuritaire du territoire urbain est l’une de ces approches qui voient le problème des villes comme un manque d’appropriation territoriale, développée par Oscar Newman par le concept de l’espace défendable. Pour Newman, une meilleure conception est celle dont la configuration spatiale vise à faciliter la protection et éloigner tout risque d’insécurité et des comportements antisociaux de l’espace. (Femmam N., 2013). Une conception semblable aux «gated communities», le paradigme de l’unité du quartier intègre l’idée qu’il y aurait une corrélation entre groupes sociaux et territoires définis. L’absence de corrélation appelle des interventions qui délimitent spatialement les différentes entités sociales et les fonctions.

Cette vision de quartier produit une ville fragmentée, inaccessible, discontinue et ségréguée, au lieu d’une ville ouverte, perméable (accessibilité physique et accessibilité visuelle), lisible et intégrée, où les quartiers sont caractérisés par l’accessibilité de leur structure spatiale, de leurs centres. Ceci se fonde sur la cohésion produite par l’attraction d’espaces partagés, plutôt que sur la ségrégation résultante de la division de l’espace.

Première partie Chapitre I

36 I.2.2.4.2.Le quartier: entité centralisée et ouverte

La vision idéale classique (traduite dans le paradigme de « l’unité du quartier» conçoit le quartier comme une entité qui remplit localement les besoins de la population locale et dimensionne le quartier idéal comme la résidence d’environ 7000 personnes. Depuis les années 60, pour Jane Jacobs comme pour d’autres (Kevin Lynch, Bill Hillier), le concept de l’entité spatiale de proximité répond à une réalité de la vie urbaine moderne et serait même la condition de viabilisation de grands territoires urbains. Ces alternatives ouvrent la perspective sur une approche du quartier pris comme un évènement structuré et cohésif, un ensemble ouvert et accessible, une entité sans unité ni clôture.

Dans son livre « the Death and Life of Great American Cities » Jane Jacobs dénonce la destruction du tissu urbain traditionnel, résultat d’une application sans nuance de l’urbanisme fonctionnaliste issu de la Charte d’Athènes. Sa réflexion théorique s’enracine dans l’observation des villes américaines et essaye de comprendre comment elles fonctionnent sur le plan social et politique. Elle propose une démarche radicalement différente visant à redonner une place à l’hétérogénéité des quartiers urbains et des bâtiments anciens et à la diversité urbaine. Son intérêt est pour la vie urbaine et l’urbanisme des quartiers. Elle repense l’urbanisme en donnant sa place à l’animation de la rue et au retour de la rue dans ses formes traditionnelles, elle appuie son argumentaire sur de nombreuses observations personnelles et notamment sur la description de Greenwich village, quartier new-yorkais ou elle résidait. Pour Jane Jacobs la première notion à laquelle doit répondre un espace urbain est la sécurité ce qui a permis de tourner le regard vers les formes urbaines qui constituent les quartiers. Pour assurer la sécurité, elle plaide alors pour la vitalité urbaine et sociale des quartiers, dont la mixité urbaine et l’usage des espaces publics sont les conditions. (Wekerlé G., 1999 cité par Femmam N., 2013). Ses recherches sur les quartiers d’habitat social : les grands ensembles et les tours d’habitat. Ces quartiers qui étaient souvent des endroits dangereux, que les habitants préfèrent éviter dans la mesure du possible. En comparant ses quartiers aux quartiers traditionnels, ses travaux ont mené à des résultats à savoir: la vitalité, la prospérité et la sureté urbaine sont étroitement liées aux formes urbaines des quartiers traditionnels. Par conséquent le contrôle de la rue est régi par le contrôle social informel en milieu urbain (Nacer F., 2007 citée par Femmam N., 2013).

Elle propose aussi une articulation des entités spatiales à trois niveaux, commençant par le

«minuscule quartier», formé par une rue animée (centrale et commerçante) et son environnement immédiat. Il s’articule autour d’une rue attractive et constitue l’entité de

Première partie Chapitre I

37 proximité. Cette entité est le niveau sociospatial qui résout les problèmes de proximité, de sécurité de convivialité, de contrôle …etc. Le deuxième niveau, c’est le district, d’une taille de 30 000 à 100 000 habitants, choisi comme une entité et finalement, la ville dans sa totalité avec son pouvoir centralisé, constitue le troisième niveau.

Dans «l’image de la cité», Kevin Lynch a examiné les qualités visuelles de la ville américaine en étudiant la représentation mentale chez ses habitants. Il a montré que ces derniers structurent et identifient leur milieu, ils se dotent d’une image de leur environnement c’est-à-dire d’une représentation mentale généralisée de son monde physique extérieur. Les lieux accessibles qui se gravent aisément dans la mémoire sont les lieux les plus fréquents.

Lynch démontre cinq éléments pour structurer un environnement urbain: les quartiers, les voies, les limites, les nœuds et les repères.(Femmam N., 2013). Lynch intègre l’idée de la rue ou du trajet central, qui structure la connaissance et l’accessibilité de la ville continuée et perméable. Il n’attribue pas un effet de barrière ou de limite aux lieux de meilleure accessibilité, il les gratifie, au contraire, d’un effet attractif et de rencontre.

Dans son livre «New theory of urban design» Christopher Alexander, s’intéressait à la cohésion spatiale et expose des formules ayant une action curative sur la ville et pouvant conduire à une émergence du lieu urbain. Trois de ces formules sont: Croissance progressive à petits pas (naissance de la cohésion spontanément de l’interaction) puis naissance d’ensembles supérieurs (le développement fait émerger les ensembles d’un niveau supérieur) et à la fin formation de centralité (chaque entité doit contenir un centre qui fait partie d’un système de centres).

D’après ces trois théoriciens de l’urbanisme, la centralité articule les grands territoires urbains. Les lieux de centralité sont des lieux de rencontre entre les différents niveaux de fonctionnement de la ville. Bill Hillier ajoute à cette vision et explique l’émergence de cette centralité interconnectée. Pour lui la centralité structurée est comme une consolidation à la centralité topologique. Cette centralité est un effet de la morphologie spatiale et du réseau qui irrigue en profondeur la structure urbaine. Il observe que dans les quartiers qui fonctionnent bien, les communautés globales et locales se retrouvent et interagissent. La synergie entre les différents niveaux d’environnement est une caractéristique morphologique du réseau spatial.

Le niveau de synergie fait la différence entre les quartiers qui fonctionnent bien et ceux qui fonctionnent mal. L’état de synergie qui fait que la centralité est effective ou non. La stabilité des patrons de fréquentation qui découle de l’état synergique est le support sur lequel les activités urbaines se greffent et se multiplient. Ces activités attirent davantage de visiteurs et

Première partie Chapitre I

38 renforcent la fréquentation des espaces. Elles ont un effet multiplicateur et stabilisateur sur le mouvement naturel.

Le quartier est défini par l’utilisation de l’espace public urbain, n’a pas de limites périphériques intelligibles. Il est un évènement dynamique, caractérisé par ses lieux de centralités interconnectées effectives résultant d’un état de coprésence sociale synergique.

I.2.3.Essai de définition I.2.3.1.Le centre

Le centre possède plusieurs acceptations, commençant par la définition du dictionnaire Larousse (1991), le centre est comme « le milieu d’un espace quelconque, point de convergence, de rayonnement de diverses forces… ».

Le dictionnaireRobert (2000) définit le centre comme «le lieu caractérisé par l’importance de ses activités.». Cependant, le dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement (Merlin P., et Choay F., 2000) énonce que «le centre n’est pas un point, mais un lieu dont l’étendue et l’importance relative varient suivant certaines conditions. Les caractéristiques du centre peuvent être visuelles, structurelles, et/ou fonctionnelles. Elles sont variables dans le temps suivant l’évolution économique, technique et les conditions politiques ». F. Bouzahzah (2015) écrit que les deux auteurs font référence à travers cette définition, d’abord, à la variabilité de la taille du centre qui serait vraisemblablement proportionnelle à l’étendue de l’espace à polariser. Ensuite, ils spécifient la variabilité des propriétés du centre qui évoluent à fur et à mesure que le centre s’adapte à la conjoncture urbaine et au contexte existant. Ils ont distingué également trois propriétés spécifiques au centre :

- Visuelle: car le centre porte en lui un certain nombre d’éléments marquants et même symboliques, qui participent à rendre cet espace plus identifiable.

- Structurelle: ils font référence à l’organisation et à la configuration même du tissu urbain. C’est en quelque sorte la capacité du centre à organiser les espaces urbains qui l’entourent.

- Fonctionnelle: cela correspond aux équipements du lieu, c'est-à-dire le taux de concentration des fonctions urbaines dites de premier ordre.

Selon le dictionnaire vocabulaire et notions générales en géographie (2003). Le centre est défini comme un Lieu de concentration dont le poids, la "taille" dépend d'un certain nombre

Première partie Chapitre I

39 de critères de nature socio-économiques, socioculturels. Le centre aura une capacité d'impulsion, de commandement qui dépendra de :

 Sa population (densité, part/reste de la population), de son niveau de vie, de l'ancienneté de son développement,

 ses capacités de production (capitaux, qualifications, etc.),

 ses capacités d'auto développement sur ses propres ressources humaines et financières,

 ses capacités de recherche et d’innovation.

Le poids d'un centre comporte aussi des éléments qualitatifs, subjectifs c'est-à-dire l'attractivité de ses pratiques culturelles, de son mode de vie, des principales valeurs qui s'y trouvent représentées. Alberto Zucchelli (1984) définit le centre comme un:«regroupement d’équipements, de nature diverse et en nombre variable, spatialement organisé et intégré à un réseau d’infrastructures. Il assure des prestations en services d’un certain niveau, il favorise les échanges et la diffusion des informations et il participe à la distribution-consommation de certains biens, et ce pour une population donnée distribuée dans une aire urbaine déterminée et délimitée. ». Pour Nicolas Lebrun (2003), tout espace qui semble d’emblée se démarquer de ce qui l’entoure par un avantage patent (positionnement ou accessibilité, contenu fonctionnel), peut être qualifié de centre. Donc il est considéré comme un ensemble pertinent perçu comme un seul et même lieu, ce dernier se détachant de ce qui l’environne par ses caractéristiques visibles. Henri Lefebvre (1968), quant à lui, considère que le centre se démarque essentiellement des secteurs qui l’entourent par son attractivité, elle-même dépend de sa fonctionnalité. Il s’agit pour lui d’un espace urbain à forte concentration et de convergence pour le citadin. Cette idée conduit à la relation de force qu’entretient un centre avec sa périphérie. (Lefebvre H., 1968 cité par Bouzahzah F., 2015.).