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Le prophète Noé

Dans le document Les révélations coraniques, Benrochd (Page 111-117)

Sourate Nouh (71)

Le prophète Noé peut être considéré comme le premier messager de Dieu. De sorte que les indications coraniques à son sujet nous enseignent sur les modalités générales qui caractérisent cette fonction de la rissala de ‘l’envoyé de Dieu’.

Noé aurait demeuré auprès de son peuple 950 ans, 1000- 50 ans, selon l’expression coranique, prêchant et exhortant les gens à adorer Dieu. Il aurait tout essayé : prêcher au cours de la journée mais également la nuit, recourir tantôt à l’exhortation discrète, de proximité, tantôt aux déclarations en public. Mais son peuple, malgré tout cela, semblait plutôt insensible à son discours et les gens faisaient la sourde oreille.

Le texte coranique concernant ce prophète nous transporte d’abord à l’organisation de la communauté humaine et à ses débuts dans l’histoire, il nous met ensuite en présence d’un déluge énorme.

Noé est cité à plusieurs emplacements du texte sacré, mais c’est surtout à partir des indications de la sourate Nr. 71, qui porte son nom, que nous allons nous baser pour formuler notre réflexion à son sujet.

«Nous avons envoyé Noé à son peuple : Avertis ton peule avant qu’une douloureuse souffrance ne l’atteigne ! Il dit : «O mon peuple ! Je suis pour vous un avertisseur explicite

«Adorez Dieu ! Craignez le ! Obéissez moi !

« Il vous pardonnera vos péchés, Il vous accordera un délai jusqu’à un terme fixé, mais quand vient le terme fixé par Dieu, il ne peut être différé, si vous saviez » (S. 71, V 1 à 5)

Noé est le premier messager de Dieu, la mission qui va lui incomber peut être considérée comme un exemple à généraliser pour tous les messagers. Son but essentiel est de délivrer l’humanité de ‘la douloureuse souffrance’, laquelle semble liée aux péchés de la nature humaine.

Quant au discours, il se ramène à ces trois directives : adorer Dieu, Le craindre et obéir à son messager.

Quatre notions sont ainsi reliées : la souffrance, les péchés, le pardon et le ‘délai’. Les péchés font partie de la nature humaine, ils engendrent de la souffrance (due pratiquement au sentiment de culpabilité), ce qui entraîne le malheur de l’être humain.

Le Messager apporte un remède d’origine céleste : « Adorez Dieu, Le craindre et suivre les directives de son messager ». Cela permet d’obtenir le ‘pardon’, c’est-à-dire l’effacement des péchés ce qui fait éviter la souffrance ; le malheur cède la place au bonheur spirituel, basé non pas sur les plaisirs charnels, mais sur le bien-être spirituel.

Il dit : « Mon Seigneur ! J’ai appelé mon peuple nuit et jour et mon appel n’a fait qu’augmenter son éloignement (S. 71, V. 6)

« Chaque fois que je l’ai appelés pour que tu leur pardonnes ils ont mis leurs doigts dans leurs oreilles ; ils se sont enveloppés dans leurs vêtements, ils sont obstinés, ils se sont montrés orgueilleux.

Je les ai ensuite appelés à haute voix, j’ai fait des proclamations et je leur ai parlé en secret (S. 71, V. 7, 9)

La mission du Messager est donc de permettre à l’homme de bénéficier du pardon (l’effacement des péchés, l’éloignement de la souffrance et l’approche du salut). Mais comment cela se concrétise dans la vie courante ? Il semble d’abord que cette mission se déroule sur deux niveaux complémentaires. En effet, la Mission de Noé avait deux aspects : l’un occulte, sorte d’enseignement de proximité (prêche de nuit, enseignement secret), et l’autre apparent destiné au public (déclaré, ‘jihar’, prêche de jour) Ce passage nous montre ensuite les résistances, ou les obstacles qui se dressent devant la mission du prophète et freinent sa réalisation : Il y d’abord ceux qui ne veulent pas entendre la parole du Messager (obstacle dù au disfonctionnement des sens), ensuite il y a ceux qui écoutent mais qui refusent de suivre les directives données à cause de leur orgueil et leur obstination (obstacle dù à la résistance de l’ego, du moi charnel).

«J’ai dit : ‘implorez le pardon de votre Seigneur, il est celui qui ne cesse de pardonner, il vous enverra du ciel une pluie abondante, il accroîtra vos richesses et le nombre de vos enfants, il mettra à votre disposition des jardins et des ruisseaux » (S. 71, V. 10 -12)

Ce verset nous oriente vers l’invocation de Dieu, en particulier par la formule du pardon (istighfar). A l’invocation est associés ici un certain

nombre de bienfaits qui peuvent être considérés comme étant du genre matériel ou de nature spirituelle.

Nous découvrons alors, en relation avec le premier verset, deux aspects du message prophétique : Le Messager de Dieu est à la fois ‘nadir’, c’est-à-dire un ‘avertisseur’ qui annonce une grande souffrance, et un ‘bachir’ qui apporte la bonne nouvelle, la possibilité d’avoir ‘le grand bonheur’. Tout dépende de ‘l’invocation’. Si nous oublions Dieu (l’oubli de Dieu est le grand péché qui regroupe tous les autres) nous allons vers la souffrance ; si nous invoquons Dieu nous sommes récompensés par les bienfaits du dhikr et nous allons vers le bonheur spirituel.

«Dieu vous a fait croître de la terre comme des plantes puis il vous y renverra et vous en fera ensuite surgir soudainement

Dieu a établi pour vous la terre comme un tapis afin que vous suiviez des voies spacieuses

Noé dit : ‘Mon Seigneur ! Ils m’ont désobéi, ils ont suivi celui dont les richesses et les enfants n’ont fait qu’accroître la perte. Ils ont tramé une immense ruse et ils ont dit : ‘n’abandonnez jamais vos divinités, n’abandonnez ni wadd ni soua ni yahout ni nasr » Ceux-ci ont pourtant égaré un grand nombre d’hommes. Tu ne fais qu’accroître l’égarement des injustes

Ils furent engloutis et introduits dans un Feu, à cause de leurs fautes. Ils ne trouvèrent aucun protecteur en dehors de Dieu » (V. 17 - 23) A partir de là se dessine un processus initiatique où se dégagent deux voies, celle de l’orientation vers Dieu, et celle de l’oubli, celle des bienfaits et celle de la souffrance. L’humanité se partage ainsi en deux groupes, celui des initiés sur lequel va se concentrer l’enseignement spirituel (secret) du Messager, et la masse des profanes qui vont se noyer dans le déluge de la médiocrité et du mal de vivre généralisé.

«Noé dit : ‘Mon Seigneur ! Ne laisse sur la terre aucun habitant qui soit au nombre des incrédules. Si tu les épargnes ils égareraient tes serviteurs et n’engendraient que des pervers absolument incrédules. Mon Seigneur ! Pardonnes moi ainsi qu’à mes parents, à celui qui entre dans ma maison en tant que croyant. Augmente seulement la perdition des injustes (S.71, V. 24 - 28)

Noé a donc invoqué Dieu de châtier son peuple, châtiment qui ne va pas tarder, lui assure Dieu, une destruction par le déluge. Noé construit alors une embarcation, y fit monter ses proches et un couple de chaque espèce. Son

propre fils refuse de monter dans le bateau, préférant aller se réfugier dans la montagne. Le déluge ne va pas tarder à se produire emportant tous sur son passage, les seuls rescapés sont ceux qui étaient dans l’embarcation de Noé.

Enseignement initiatique

Voilà pour ce qui est de la narration de cette ‘histoire’ selon le récit coranique. Comment peut-on la comprendre dans le cadre de l’enseignement soufi?

Il y a évidemment le ‘symbolisme de l’eau’, présent avec force : une sorte de déluge universel, l’eau qui descend du ciel et rejoint celle de la terre, laquelle se transforme alors en mer. La mer, eau, c’est la vie, la purification, la régénération. Dans la littérature soufie il est question de la ‘mer de lumière’, de la ‘mer des ténèbres’, de ‘l’océan sans rivage’, etc.

Ensuite il y a le symbolisme du ‘foulk’ (du bateau) mot proche du vocable ‘falak’ qui désigne l’orbite céleste, ce qui nous oriente vers la nature cycle de vie, de la tradition et de l’histoire d’une façon générale.

Du point de vue initiatique nous avons là un enseignement basé essentiellement sur l’invocation de Dieu (dhikr), par la formule du Pardon (l’Istighfar) notamment. Enseignement qui va éveiller des capacités innées telles que l’éveil de la conscience ‘l’eau’. Apres la conscience ‘terre’, propre à l’épisode Adam, c’est le tour de la conscience ‘eau’ avec la pluie, la mer, les sources, etc.…

A signaler également l’éveil du sens de l’ouie (oreille). Après l’éveil la conscience du corps (Adam) vient le tour de l’éveil des sens, en particulier celui de l’écoute, apprendre à écouter. Ecouter le vent, les vagues de la mer, les chants d’oiseaux, écouter les prêches, les leçons, activité nécessaire à tout enseignement. Ecouter c’est également l’ouverture de l’Esprit.

L’ouie s’éveille avant la vision. La tradition qui va suivre n’aura pas de problème avec l’ouie, le peuple de Moïse entendait la parole de Dieu. Mais il a demandé plus : voir, il a demandé la capacité de vision.

Les textes coraniques qui relatent les péripéties de Noé laissent entendre que ce prophète avait des problèmes pour se faire entendre par son peuple, les gens se comportaient comme des sourds (ils obturaient leurs oreilles avec les mains) Il y a ici un problème d’écoute alors que dans la tradition de Moïse on ne retrouve plus cet handicap, l’humanité était passé à un autre stade

Caractère cyclique de la tradition

Avant de clôturer le récit de Noé, signalons une dernière question qui, à notre avis, mérite d’être soulevée, celle de la durée de vie de Noé ou de son séjour parmi les siens. Selon le Coran, elle serait de 950 ans !

Ce prophète aurait-il donc passé tout ce temps, 950, ans à répéter toujours le même message «Adorez Dieu» à des gens qui sont décidés à ne pas l’entendre ?

La mission des prophètes et des grands maîtres consiste à orienter les gens vers Dieu et à les exhorter à améliorer leurs comportements.

Avec son influence spirituelle et ses effets bénéfiques le Messager se consacre également à l’éducation et à la formation d’un certain nombre de disciples. Ces personnes sélectionnées pour recevoir l’enseignement ‘secret’ du Messager seront des futurs cadres qui assureront le développement et la propagation de son enseignement après sa mort.

Ce travail que le prophète accomplit dure en général quelques dizaines d’années, pas plus. Pourquoi dans le cas de Noé il a fallut 950 années et avec si peu de résultat ?

En fait le Coran parle de 1000 ans moins 50 années, ce qui peut être interprété de la façon suivante : 50 ans serait la durée de la présence physique de Noé, durée dans laquelle il dispensait son enseignement d’une façon personnelle. Alors que 1000 ans (un cycle) serait la durée de vie de la tradition qu’il a initié. Soit une durée de 50 ans de ‘présence physique’ de Noé et une durée de 1000 ans, correspondant à sa ‘présence morale’ entant que pôle d’un cycle de la tradition universelle.

Avec une telle interprétation nous retrouvons l’échelle de temps normale du déroulement de la mission d’un prophète : quelques dizaines d’années d’un travail spirituel direct sur des disciples dont l’effet se prolonge et se transmet à travers des générations pendant des siècles.

A partir de là il est possible de comprendre qu’il s’agit, dans le texte coranique de Noé, de la formation spirituelle d’une élite (les gens soulevés dans le bateau.) pour conserver, développer et propager l’enseignement traditionnel à travers les générations.

Dans le document Les révélations coraniques, Benrochd (Page 111-117)