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d’une bi-fibre.

I. Les structures lamellaires alumine/zircone.

1. Le modèle de Kelly.

C’est Kelly qui propose ce type de microstructure [KEL 96] basée sur la constatation suivante : le glissement des grains les uns par rapport aux autres devant impérativement être accommodé par une diffusion de matière en volume ou aux joints de grains, il suffit pour minimiser les déformations en fluage, de ralentir les mécanismes d’accommodation par diffusion (modèle de fluage diffusion) qui ont lieu par émission et absorption de lacunes aux joints de grains et par transport d’atomes (échangés entre les différentes faces d’un grain). Une contrainte normale à un joint de grain favorise l’émission

de lacunes à ce joint donc si la géométrie est telle que tous les joints de grains sont parallèles ou très proches de la direction de traction alors, les effets de joints sont fortement réduits [VER, 70].

D’autre part, une augmentation de la longueur des chemins à parcourir limite le transport d’atomes entre deux faces d’un grain donc une structure à grains allongés est favorable. La microstructure requise est représentée à la Figure D-I-1. Toutefois, les matériaux devant travailler à des températures élevées par rapport à leur point de fusion, les barrières au mouvement des dislocations (modèle de fluage dislocation) doivent être athermiques, c’est à dire qu’elles ne doivent pas pouvoir être franchies grâce aux fluctuations de température.

L’utilisation de deux matériaux alternés ayant des constantes élastiques et/ou des paramètres de maille différents ainsi qu’un contrôle de la largueur des lamelles de chaque phase permet d’éviter la multiplication des dislocations intra-granulaires par création de sources de Franck et Read et le passage d’une phase à l’autre. Indépendamment de la résistance au fluage, cette microstructure doit aussi permettre d’obtenir de bonnes ténacités à température ambiante, par déflection des fissures.

Figure D-I-1 Structure lamellaire proposée par Kelly [KEL, 96].

2. La déflexion des fissures.

On se limitera aux systèmes alumine /zircone multicouches obtenus par coulage en bande et aux matériaux eutectiques alumine/zircone (Y2O3) obtenus par solidification dirigée.

2.1. Déflection des fissures par une interface faible (CMC).

Une fissure rencontrant une interface entre deux matériaux dans un système de structure lamellaire, peut la traverser et continuer à se propager dans le matériau de seconde phase ou être déviée le long de l’interface.

Une fissure déviée de son plan de propagation initial n’est plus soumise à la contrainte maximale et sa force d’extension est diminuée [OEC, 96]. Différents paramètres influent sur le comportement futur de la fissure (pénétration dans la deuxième phase (B) ou déflection). Ce sont par exemple, les énergies de fracture relatives de la phase pénétrée B et de l’interface, les constantes élastiques relatives des deux phases, les contraintes résiduelles introduites par les différences entre les coefficients de dilatation

Chapitre D: Les matériaux co-extrudés

D-5 paramètres est résumée Figure D-I-2 où

A B B A E E E E − − − − + − = α et 2 1E

E−= ν [EVA, 89]. Pour un angle donné, l’aire sous la courbe correspondante, définit les conditions pour lesquelles, il y a bifurcation de la fissure à l’interface. Dans le cas de l’alumine/zircone, α vaut ±0.3 (νAl2O3=0.2-0.25, νZrO2=0.3).

Figure D-I-2 Valeur limite du rapport des énergies de rupture de l’interface et de celle de la phase B en dessous de laquelle la fissure est déviée le long de l’interface, en fonction du coefficient α et pour

différentes orientations de la fissure par rapport à l’interface [EVA, 89].

Si l’interface est soumise à des forces internes de compression créées par exemple, par des différences de coefficients de dilatation thermique entre les deux phases, la valeur maximale du rapport des énergies de rupture de l’interface et de la phase B pour laquelle il y a déflection de la fissure le long de l’interface augmente [HE, 94]. En l’absence de contraintes internes de traction, quels que soient EA et

EB et quel que soit l’angle d’attaque, il y a déflection dès que l’énergie de fracture de l’interface est

inférieure au quart de l’énergie de fracture en volume de la phase B.

A ce stade, il est important de rappeler que l’évolution des fissures dans ce type de matériau est étudiée de deux manières : i) par indentation ou ii) par flexion (3-points). Même si la première méthode est très commode pour étudier les comportements des fissures particulièrement aux interfaces, il ne faut pas oublier que les résultats obtenus sont dominés par les effets de bords et de surface. L’avantage de la seconde méthode est qu’elle fournit une information sur le comportement des fissures dans la masse.

2.2. Déflexion des fissures par l’existence de contraintes internes (Multi-couches).

La réalisation par des techniques de coulage en bande, simples et peu onéreuses (par rapport à l’infiltration d’une préforme fibreuse), de structures composées alternativement de couches de deux phases de coefficients de dilatation thermique différents, permet également d’augmenter la ténacité du matériau. Lors de l’étape de densification du matériau (frittage), des contraintes internes de signes opposés se développent dans chacune des phases, permettant ainsi la bifurcation des fissures malgré l’existence de fortes énergies de rupture interfaciales et ce quel que soit le sens de propagation de la

A

fissure, parallèlement ou perpendiculairement à l’interface [MAR, 91]. Les mécanismes de renforcement dans ces matériaux sont donc distincts de ceux intervenant dans les CMC pour lesquels la déviation des fissures est assurée par des interfaces fibres/matrice faibles et pour lesquels, les contraintes de rupture transversales sont faibles. Notons aussi qu’un composite formé de couches de même composition voit lui-aussi ses propriétés améliorées dans des proportions bien moindres [CHA, 88].

L’espacement des couches joue un rôle non négligeable pour le comportement de la fissure [PRA, 95]. On peut aussi optimiser la bifurcation des fissures par un contrôle de la largueur des phases, de leur linéarité, de leur porosité, de la chimie des interfaces et aussi d’ajouts d’inclusion dans une des phases agissant comme des déviateurs de fissures. Obtenir de tels matériaux n’est pas si simple car beaucoup de défauts peuvent être introduits lors du frittage pour les mêmes raisons. De plus, les contraintes résiduelles peuvent être dues à une échelle microscopique, à un renforcement par transformation de phase de la zircone dans le cas de matériaux multicouches alumine/zircone, et à l’échelle macroscopique, à un effet d’interface [CHA, 97].

L’étude par Cai [CAI, 97] de composites symétriques (nombre impair de couches) ou antisymétriques (nombre pair) Al2O3/ZrO2,frittés sans charge appliquée et obtenus par coulage en bande, montrent que

des défauts comme des chemins de fissures dans les couches de zircone, des fissures d’effet de bord parallèles aux couches (dans l’alumine), du délaminage dans les couches d’alumine et du décollement entre les couches d’alumine et de zircone, peuvent être attribués à la fois aux taux de frittage et aux vitesses de chauffage et de refroidissement.

Figure D-I-3 Photographies optiques de la section transverse de multicouches symétriques Al2O3/ZrO2 de composition a)100/100, b) 100/90%en poids de ZrO2+10% en poids d’Al2O3 et c) 100/80% en poids de

ZrO2+20% en poids d’Al2O3 [CAI, 97].

En réalité, ces fissures sont formées au début de la densification du composite et sont accentuées pendant le frittage ou agissent comme des défauts pré-existants pour les fissures dues aux disparités des dilatations thermiques [GRE, 99]. On peut éviter la formation de ces fissures, en adaptant les coefficients de dilatation thermique mais aussi en réduisant ou en diminuant les vitesses de frittage et de refroidissement ou en ajoutant de l’alumine dans les couches de zircone pour les multi-couches Al2O3/ZrO2 (Figure D-I-3). En effet, la zircone a un taux de frittage plus élevé que l’alumine, ce qui a

Chapitre D: Les matériaux co-extrudés

D-7 taux mais modifie aussi le coefficient de dilatation thermique de cette couche et permet de contrôler la taille des grains dans certains cas (cf. chapitre A). Marshall a lui aussi mis en évidence l’avantage d’utiliser des compositions mixtes (Al2O3/Ce-ZrO2, [MAR, 91]) pour réduire les sources de contraintes

résiduelles et éviter la formation de fissures pendant le processus de fabrication, conduisant toutefois à une augmentation de la ténacité (jusqu’à x3).

Le signe et l’amplitude de ces contraintes résiduelles, peuvent être adaptés en jouant sur les compositions mais aussi sur la largeur des couches. Il est possible d’avoir de fortes contraintes en compression dans des couches fines de la phase A alors que les forces de tension sont faibles dans les couches épaisses de la phase B. La propagation des fissures en mode I est entravée par les contraintes de compression. La propagation en mode I et III peut avoir lieu, conduisant à la bifurcation à l’interface et à une augmentation de la surface de rupture. Toute cette théorie est basée sur le fait que pour un composite pour lequel chaque couche a des dimension grandes par rapport à son épaisseur, il n’y a pas de contrainte normale à la surface des feuillets et les contraintes dans le plan sont égales. Les couches contraintes, le sont de telle façon que les forces soient équilibrées dans le matériau c’est à dire : .d 0

iσi i=

avec di l’épaisseur de la ième couche. On comprend aisément qu’en fonction du

nombre de couches (2n+1), de leur épaisseur relative et du fait qu’elles soient régulièrement alternées ou non, les contraintes dans chaque couche seront différentes.

Par exemple, pour des couches régulièrement alternées et de même épaisseur on trouve :

A

/

.

E

.

E

.

n

1 2 1.2 1

=

∆ε

σ

et

σ

2

=−(n+1).E

1

.E

2

.∆ε

1.2

/A

avec

A=(n+1).(1−υ

2

).E

1

+n.(1−υ

2

).E

2, νi le

coefficient de poisson du matériau i et ∆ε1.21−ε22 la différence de dilatation thermique entre la température à laquelle le composite est non contraint et celle à laquelle les contraintes sont considérées [CHA, 95]. On retrouve bien le fait qu’une couche est en tension et l’autre en compression.

Pour des matériaux fragiles, très sensibles aux fissures sous tension, il est préférable d’avoir une épaisseur des couches en tension assez élevée afin d’éviter des ruptures catastrophiques car les contraintes de compression augmentent de pair avec le ratio d2/d1 (couches régulièrement alternées et

d’épaisseurs différentes) tandis que celles de tension décroissent. 2.3. Dans les matériaux eutectiques

Les matériaux eutectiques obtenus par solidification dirigée constituent une classe de composites in- situ avec de très fines microstructures et une excellente adhésion aux interfaces. Cette faible dimension des phases combinée à l’absence de joints de grains dans la direction transverse, limite la présence de défauts et augmente sensiblement les propriétés mécaniques. De plus, les phases en présence dans l’eutectique, sont thermodynamiquement compatibles jusqu’à des températures proches de la température de l’eutectique. Le système Al2O3-ZrO2(Y2O3) est un des systèmes les plus

température ambiante, on atteint des contraintes de 1 à 1.5GPa [PAS, 01]. D’après le diagramme de phase du système Al2O3-ZrO2, établi par Jerebtsov sous atmosphère inerte [JER, 00], l’eutectique se

situe à 1866°C pour 40% en poids de zircone. La phase zircone est stabilisée sous sa forme cubique ou quadratique. La microstructure se compose de colonies (Figure D-I-4), consistant en un fin réseau des deux phases en interpénétration. La microstructure et les relations d’orientation entre les deux phases dépendent à la fois de la composition utilisée et/ou de la vitesse de croissance. Par exemple, sans ajout d’yttrium, la structure est lamellaire et au fur et à mesure que la quantité d’yttrium ou que la vitesse de croissance augmentent, la structure évolue vers des fibrilles facettées biphasées (Figure D-I-4, a). La phase alumine à l’intérieur d’une même colonie est continue.

Figure D-I-4 Microstructure en colonie des eutectiques Al2O3/ZrO2 [SAY, 00] a) Section, b)Région ordonnées et c)Région désordonnée.

Les relations d’orientation obtenues aux interfaces diffèrent de celles obtenues par Mazerolles (cf. Chapitre A) pour des eutectiques contenant beaucoup moins d’yttrium [SAY, 00]:

{-2 1 1 0}//{1 0 0} pour les interfaces planes [0 0 0 1]//<0 1 1> selon l’axe de croissance.

Ces interfaces hétérophases de faibles énergies, établies pendant la solidification dirigée, produisent en fait de fortes et stables adhésions aux interfaces.

Dans ce composite fortement anisotrope, les deux phases sont soumises à des contraintes résiduelles [DIC, 99]. Toutefois, l’origine des bonnes valeurs de contraintes à la rupture obtenues pour ce type de matériau est attribué à sa microstructure fine et à sa forte dureté [ORE, 00]. L’analyse des faciès de rupture montre que la rupture démarre à partir de fissures longitudinales formées pendant la solidification. Ces fissures apparaissent aux joints des colonies et semblent être associées à des dé- cohésions des interfaces ZrO2/Al2O3. C’est aux contraintes induites lors du refroidissement du

matériau qu’est attribué ce comportement. Les plus longues fissures se développent et croissent dans les colonies où les grains de zircone sont les plus gros. Bien que certains auteurs ne trouvent pas

Chapitre D: Les matériaux co-extrudés

D-9 en première approximation, la taille des fibrilles de colonies peut être considérée comme un paramètre contrôlant la contrainte à la rupture [ORE, 00] surtout pour de petites tailles de colonies.

Quel que soit le matériau étudié, il faut trouver un compromis entre ténacité à l’ambiante et résistance au fluage.