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PARTIE 2 : CADRE CONCEPTUEL ET OBJECTIFS DE RECHERCHE

1. LA PSYCHOLOGIE COMMUNAUTAIRE

1.3 Concepts-clés en psychologie communautaire

1.3.3 Le modèle écologique

1.3.3.1 Justification du modèle écologique pour l’étude de l’inclusion des élèves avec TSA

Le modèle écologique, aussi appelé modèle écosystémique, fut développé par le psychologue américain d’origine russe, Urie Bronfenbrenner (1979) afin d’appréhender le développement de l’être humain en relation avec les différents systèmes interconnectés dans lesquels il évolue. L’individu ne peut donc être considéré de façon isolée et son intégration, non constante, dans les différents environnements qu’il fréquente, doit être prise en compte afin de repérer les ressources, compétences ou défis qu’il rencontre au cours de son parcours et selon les contextes (Pelchat et Lefebvre, 2005, cité par Cappe et Boujut, 2017). Pour Bronfenbrenner, le développement de l’individu, qu’il soit positif (adaptation et ajustement) ou négatif (mésadaptation), dépend de la perception et du traitement qu’il fait de son environnement, ainsi que des événements et interactions qui s’y produisent (Houde, 2014). Cette approche amène le chercheur à ne pas considérer d’emblée un environnement donné comme une réalité objective mais à le considérer selon la perspective des différents acteurs. Les systèmes étant interreliés, il convient également d’appréhender une situation en prenant en compte les différents contextes impliqués. Ce modèle apparaît donc particulièrement approprié pour la présente recherche puisqu’il permet d’aborder l’inclusion selon le point de vue de l’adolescent et de ses parents et en tenant compte de la complexité des mécanismes d’influence en jeu dans l’inclusion scolaire au niveau des cinq systèmes détaillés ci-après. En effet, la complexité de l’environnement de vie des individus est prise en considération dans le modèle écosystémique et permet d’éviter l’écueil d’une conception réductrice du sujet à une problématique isolée (Hebron et Bond, 2017). Saïs (2009) rappelle qu’un

individu « peut ainsi connaître des difficultés d’adaptation dans certains environnements et développer des compétences remarquables dans d’autres » (p.11). Ces écarts de développement apparaissent particulièrement importants à investiguer dans le cas des individus présentant un trouble du spectre de l’autisme, notamment à l’adolescence où l’environnement scolaire peut se révéler anxiogène et générer pression et anxiété, du fait de la complexification des relations avec les pairs et des attentes sociales (Fortuna, 2014 ; Humphrey et Lewis, 2008a).

1.3.3.2 Interrelations entre les systèmes du modèle écologique

L’ontosystème. Dans le modèle écologique, l’ontosystème caractérise l’individu lui-

même, dans ses diverses caractéristiques innées ou acquises, c'est-à-dire ses compétences, forces ou déficits (Cappe et Boujut, 2017). Parmi les variables prises en compte dans la présente recherche, les caractéristiques propres aux individus ayant un TSA sont considérées afin d’étudier leur influence sur le vécu de l’inclusion.

Le microsystème. Ce sous-système constitue l’entité communautaire la plus proche

de l’individu et se construit autour de la personne en développement. Il correspond aux environnements physiques dans lesquels l’individu évolue et aux interactions qui s’y déroulent. Dans le cas des adolescents présentant un TSA, il s’agit principalement des environnements familiaux et scolaires ainsi que des services dont ils bénéficient. Cappe et Boujut (2017) rappellent que les caractéristiques d’un de ces environnements proximaux vont influencer la façon dont les autres systèmes vont s’adapter aux spécificités de l’enfant.

Le mésosystème. Le mésosystème caractérise l’interaction des différents

microsystèmes (Saïas, 2009). Plus spécifiquement, les jeunes ayant des besoins spécifiques tels que les TSA sont en contact avec divers milieux qui peuvent partager et confronter les points de vue sur les meilleures stratégies pour répondre aux besoins du jeune. Une bonne communication des informations visant à proposer des solutions d’accompagnement complémentaires et adaptées apparaît donc essentielle (Pelchat et

Lefebvre, 2005), de même que la reconnaissance de l’expertise de chacun et l’établissement d’un partenariat des différents acteurs gravitant autour du jeune.

L’exosystème. Ce sous-système rassemble les structures sociales et de décision

auxquelles l’usager ne contribue pas directement (Pelchat et Lefebvre, 2005), tel l’environnement culturel, politique ou communautaire. À la différence des sous- systèmes précédents, la personne n’y a pas une participation active. Dans le cadre de l’inclusion des élèves présentant un TSA, les politiques gouvernementales sur le handicap et l’autisme sont inclues dans ce système : elles influencent l’avenir et le parcours scolaire de l’enfant ayant un TSA. La politique d’inclusion de l’établissement, apparaissant comme une dimension clé pour les parents et les jeunes (Hebron et Bond, 2017 ; Starr et Foy, 2012 ; Tobias, 2009) s’intègre également dans ce système. Notons qu’il existe parfois des décalages importants entre ces politiques, créant des tensions entre les divers systèmes. Cela peut par exemple se produire lorsqu’une école promeut une éthique très inclusive malgré des mesures institutionnelles peu favorables à l’octroi de ressources (humaines, logistique) à destination des élèves ayant des besoins particuliers. Le cas contraire peut également survenir, lorsque des établissements ne mettent pas de ressources suffisantes à disposition des élèves avec TSA malgré des recommandations gouvernementales claires. Dans ce second cas, les familles se retrouvent généralement dans une position délicate, à devoir insister auprès de l’école pour que les mesures de soutien auxquelles l’adolescent a droit soient respectées. Le jeune, enfin, pâtit également de la situation, n’ayant pas accès aux services scolaires qui lui sont dus et évoluant dans des environnements conflictuels ou en tension. Cet exemple permet ainsi d’illustrer comment l’existence d’un dysfonctionnement au sein de l’exosystème (ici, le décalage entre politiques gouvernementale et locale) se répercute sur tous les sous- systèmes : mésosystème (conflit entre l’école et la famille), microsystème (tensions et inquiétudes au sein de la sphère familiale) et ontosystème (conséquences pour le jeune lui-même).

Le macrosystème. Le macrosystème englobe les strates inférieures précitées et

constitue l’ensemble des valeurs, normes et croyances culturelles dans lequel la personne se développe. Ce système a une influence sur tous les autres et est, selon Pelchat et Lefebvre (2005), celui dont la stabilité est la plus compliquée à changer. C’est en effet au sein de ce système que la prise de conscience et la reconnaissance de la diversité vont être questionnées : le décalage entre les politiques d’inclusion – gouvernementales ou locales – et le ressenti des parents concernant l’accueil de leur enfant au sein des établissements scolaires ordinaires varie fortement selon les écoles (Hebron et Bond, 2017). Les différences culturelles entre la France et le Québec – tant au niveau sociétal qu’organisationnel – prennent place dans le macrosystème et leurs impacts sur le vécu de l’inclusion scolaire par les participants seront discutés.

Le chronosystème. Enfin, le chronosystème correspond à la trajectoire de vie d’un

individu et aux diverses transitions rencontrées. Selon Cappe et Boujut (2017), « l’individu au cours de son développement passe par différents stades qui exigent à chaque fois des restructurations internes et externes afin de maintenir sa continuité tout en favorisant sa croissance psychosociale. ». La période du secondaire, pour les individus ayant un TSA, constitue une transition décisive que ce modèle permet d’étudier dans sa complexité. Les bouleversements propres à l’adolescence (changements hormonaux, relationnels, comportementaux) sont également pris en compte au sein du chronosystème.

Trois principes soutiennent le modèle écologique proposé par Bronfenbrenner, sur la base de ces cinq sous-systèmes et du chronosystème : (1) le développement des individus et des communautés est le produit des interactions avec les environnements ; (2) l’individu et ses différents environnements interagissent de manière continuelle et bidirectionnelle et (3) le produit de cette adaptation mutuelle – du sujet et de ses environnements – est un équilibre, défini par le bien-être (Saïas, 2009a). Ce dernier aspect constitue un des enjeux majeurs de notre travail : comprendre le vécu de l’inclusion, du point de vue du jeune, afin de permettre aux

adolescents avec TSA qui entreront prochainement au secondaire le meilleur épanouissement socioscolaire possible et la réalisation de leur plein potentiel.

Dans un récent article, Cappe et Boujut (2016) soulignent la pertinence de ce modèle pour l’étude de l’inclusion scolaire des jeunes à besoins particuliers, une fois définies l’ensemble des variables en jeu au sein de chacun des systèmes. Elles présentent un schéma du modèle écosystémique adapté à l’étude de l’élève ayant un TSA (cf. figure 5 ci-dessous). Selon les auteurs, ce modèle est « le seul à permettre d’englober la totalité des facteurs qui interviennent, et ce à différents niveaux et différents moments » (p. 399, 2016). Elles concluent leur article en soulignant l’importance de mener des travaux sur les défis de l’inclusion scolaire de ces élèves, douze ans après la promulgation de la loi du 11 février 2005, en vue de « favoriser l’épanouissement à l’école et les apprentissages des enfants ayant un TSA, ainsi qu’à plus long terme leur avenir scolaire et professionnel » (Cappe, Smock, & Boujut, 2015, cité par Cappe et Boujut, 2016).

Source : Cappe, É., & Boujut, É. (2016). L’approche écosystémique pour une meilleure compréhension des défis de l’inclusion scolaire des élèves ayant un trouble du spectre de l’autisme. Approche Neuropsychologique des Apprentissages chez l’enfant, 143, 391-401.

Figure 5. Adaptation du modèle écosystémique à l’élève ayant un TSA.