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CHAPITRE 3 : INCLUSION DES ÉLÈVES AYANT UN TSA EN MILIEU

1. Handicap et société : vers l’inclusion et au-delà ?

1.3 De l’inclusion à la scolarisation capacitante

En France comme au Québec, le terme d’inclusion est entré dans les mœurs et est largement utilisé au niveau politique concernant les lois sur le droit à la scolarité pour tout enfant présentant un handicap. Toutefois, le conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO)6 précise la variabilité des approches conceptuelles entre

les différents pays :

Les pays à approche « essentialiste » (France, Allemagne, Belgique, etc.) considèrent le handicap comme un écart à la norme, une déficience qui doit être compensée, corrigée ou réadaptée. D’autres (Finlande, Islande, Canada, etc.) ont une approche plus « universaliste », en concevant le handicap comme une des figures de la diversité, et considèrent moins la spécificité de la personne que la capacité du système éducatif à être suffisamment accueillant et accessible, quel que soit le profil des élèves [...]. L’approche universaliste est plus marquée dans les pays à système éducatif intégratif et cohésif (pays scandinaves et anglo-saxons), visant une éducation totale des enfants, centrée sur l’autonomie et la prise d’initiative. (CNESCO, 2016, p.4)

Dans un récent rapport, le CNESCO souligne que même au sein des pays qui privilégient la scolarisation en milieu ordinaire des élèves à besoins spécifiques, l’éducation inclusive se résume souvent à « s’intéresser à l’accessibilité en termes d’accès à la fonction d’élève au détriment des facteurs conditionnant la réussite scolaire, la qualité de vie et le devenir » (2016, p.4). Ils déplorent le manque d’intérêt des politiques éducatives nationales pour « l’effet capacitant » des aménagements et des soutiens mis en place au niveau scolaire.

Rodriguez-Diaz (2015) a développé une réflexion autour d’une nouvelle approche conceptuelle, appelée la scolarisation capacitante. Selon l’auteur et ses collègues, la notion d’inclusion scolaire de tous les élèves pose problème, par les modifications radicales qu’elle suppose en termes de représentations quant à la considération de l’élève en situation de handicap. La figure 2 présente les différents dispositifs d’inclusion scolaire les plus fréquemment rencontrés.

Source : Rodriguez-Diaz, J. (2015). « Inclusion scolaire, vrai ou faux-amis ? » Vers une scolarisation capacitante des enfants en situation de handicap. Revue suisse de pédagogie spécialisée, 3, 8-14.

Figure 2. Synthèse des dispositifs d’inclusion scolaire les plus fréquents. Source :

Rodriguez-Diaz (2015, p. 10).

La figure 2 met en évidence que ces dispositifs sont construits sur des modèles oscillant entre inclusion ou séparation, entre deux espaces distincts. La classe ordinaire demeurant l’espace normé, Rodriguez-Diaz souligne que « le processus

d’inclusion gagne à être présenté comme une réduction de distance et une mise à disposition de ressources supplémentaires » (2015, p. 11).

Considérant l’usage du terme anglo-saxon inclusion mal interprété (Armstrong, 2001), plusieurs auteurs (Ebersold & Deltraux, 2003, cité par Rodrguez-Diaz, 2015) soutiennent un renoncement sémantique de ce terme dans le but de favoriser la mise en place effective d’une scolarisation valorisée, non plus pensée comme intégrative ou inclusive mais considérée comme :

[...] une mise en compétence des personnes à travers laquelle les individus trouvent les éléments leur permettant de se penser citoyen, car trop souvent, la scolarisation des élèves en situation de handicap est portée par une vision défectologique, accentuant la séparation entre ordinaire et spécialisé. (Rodriguez-Diaz, 2015, p. 13)

La scolarisation capacitante, qui repose sur les compétences de l’élève, est sous- tendue par deux piliers. Le premier, sociopolitique, est la démocratisation, c'est-à-dire le droit de l’élève d’être à l’école. Le second, éducatif, est le droit pour l’élève d’apprendre. Ce droit aux apprentissages est indispensable pour que le jeune puisse développer les connaissances, les valeurs et les compétences qui lui seront nécessaires à l’âge adulte.

Ainsi, pour ces auteurs, l’abandon de l’inclusion au profit de la scolarisation n’est pas chose aisée mais il est nécessaire. En effet, les mots traduisant notre conception du monde, un tel changement sémantique favoriserait l’initiation d’une relation d’altérité « où l’autre, “non même”, est un semblable différent et non pas un semblable moindre » (Rodriguez-Diaz, 2015, p. 13). Ces propos font fortement écho à ceux de Michelle Dawson, chercheure autiste, qui, dans une vidéo de présentation sur l’autisme, rappelle qu’il n’y a pas une façon optimale d’être humain7.

Pour conclure cet historique concernant l’évolution des représentations sociales du handicap et des modèles conceptuels dans le champ éducatif, nous reprendrons la

définition proposée par Booth et Ainscow (2002) dans leur ouvrage intitulé « Index

pour l’inclusion : développer l’apprentissage et la participation dans les écoles » :

L’inclusion implique le changement. C’est un processus sans fin d’augmentation de l’apprentissage et de la participation pour tous les élèves. C’est un idéal auquel les écoles peuvent aspirer mais qui n’est jamais complètement atteint. Mais l’inclusion se produit dès lors que le processus d’augmentation de la participation est enclenché. Une école inclusive est une école qui est en mouvement.8 (Booth & Ainscow, 2002, p.3)

Cet ouvrage anglophone, librement accessible en ligne, développe une réflexion approfondie concernant l’inclusion et organisée autour de quatre aspects : (1) la définition des concepts clés ; (2) le cadre théorique ; (3) la méthodologie pour étudier l’inclusion et (4) la mise en place du processus inclusif.

Ainsi, tout en reconnaissant la portée du concept de scolarisation capacitante, qui sera certainement amené à se développer au cours des prochaines années, nous utiliserons le terme d’inclusion dans la suite de notre travail, arguant que la scolarisation capacitante n’est pas incompatible avec le cadre inclusif tel que proposé par Booth et Ainscow (2002) ci-dessus.

2. Regards sur l’inclusion en France et au Québec : similarités et différences