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CHAPITRE 3 : INCLUSION DES ÉLÈVES AYANT UN TSA EN MILIEU

3. Organisation des services scolaires au secondaire

3.3 La formation des enseignants

Bien qu’il n’existe que peu d’études françaises ou québécoises portant directement sur le point de vue de l’élève avec TSA sur son vécu de l’inclusion, plusieurs travaux récents ont été conduits concernant les perceptions, opinions et attitudes des enseignants de classe ordinaire concernant l’inclusion de ces élèves (Boujut & Cappe,

2016 ; Cappe, Smock, & Boujut, 2016 ; Cappe & al., 2012 ; Ruel, 2014). Les constats faits par les chercheurs apparaissent sensiblement similaires, en France et au Québec. Nous notons notamment :

(1) Le manque de formation des enseignants en classe ordinaire participe à une inadaptation de l’environnement, laquelle peut s’avérer préjudiciable à l’élève mais également à l’enseignant. Du fait d’un manque de soutien, d’une incompréhension et d’un manque de temps, celui-ci peut développer des attitudes négatives envers l’élève (Boujut & Cappe, 2016) ;

(2) Le manque de formation des enseignants influence leur vécu concernant l’inclusion. Le manque de connaissances contribuant à adopter des stratégies de coping dysfonctionnelles, telles que celles centrées sur l’émotion (Boujut & Cappe, 2016 ; Denis & Goussé, 2013) ;

(3) L’expérience de l’enseignant auprès d’élèves avec TSA favorise les attitudes positives envers ces derniers, comparativement aux enseignants n’ayant aucune expérience (Cappe, Smock, & Boujut, 2015) ;

(4) Les enseignants ressentent de la frustration et du stress face à leur sentiment d’incapacité à répondre aux besoins éducatifs de l’élève avec TSA et à atteindre les objectifs pédagogiques (Baghdadli, Rattaz, & Ledésert, 2011 ; Denis & Goussé, 2013). De plus, les enseignants éprouvent également de la culpabilité en raison du temps accordé au jeune ayant un TSA et des difficultés à gérer la classe en parallèle (Bélanger, 2006 ; Cappe & al., 2015) ;

(5) La formation des enseignants concernant les particularités liées au TSA doit donc se faire dès la formation initiale, afin de favoriser le meilleur ajustement de l’enseignant face à l’inclusion. Cet ajustement favorise à son tour l’inclusion sociale et les apprentissages des élèves présentant un TSA (Boujut & Cappe, 2016).

Enfin, une meilleure coordination entre les différents acteurs de l’inclusion est régulièrement citée comme un facilitateur à l’inclusion des jeunes avec TSA, tant pour les familles que pour le personnel scolaire (Komitès, 2013 ; Ruel, 2014).

PROBLÉMATIQUE

Ces trois chapitres ont permis de dresser un état des lieux de l’inclusion des adolescents ayant un TSA, de ses débuts à aujourd’hui, tant à l’international qu’en contexte francophone. Cet état de l’art a mis en évidence une forte augmentation du nombre de diagnostics posés, ayant conduit à un accroissement du nombre d’adolescents présentant un TSA dans le milieu scolaire ordinaire, notamment au secondaire (Blanc, 2011 ; Leach & Duffy, 2009 ; Poirier & Cappe, 2016 ; Tobias, 2009). Malgré cela, très peu de recherches ont cherché à donner la parole directement aux élèves TSA concernant leur vécu scolaire (Humphrey & Lewis, 2008a ; McLaughlin & Rafferty, 2014). Celles qui s’y sont intéressées, majoritairement anglophones et réalisées auprès de petits échantillons (N<10), ont mis en évidence un paradoxe délicat : l’inclusion scolaire des jeunes avec TSA apparaît particulièrement stressante... tout en étant considérée comme bénéfique, sinon nécessaire pour leur permettre l’acquisition de compétences sociales au milieu de leurs pairs ordinaires (Barnard, Prior, & Potter, 2000 ; Leach & Duffy, 2009 ; Osborne & Reed, 2011 ; Saggers, 2015). Ce constat impose une réflexion approfondie et urgente, justement soulignée par Tobias (2009) : face à ces élèves de plus en plus nombreux en milieu ordinaire, il convient de se demander si les écoles répondent correctement aux besoins de cette population et quelles sont les stratégies qu’elles ont mises en place pour faciliter le bien-vécu au secondaire.

Cette préoccupation est d’autant plus nécessaire que plusieurs études ont mis en évidence des performances scolaires moindres chez les jeunes avec TSA (comparativement à leurs pairs typiques) malgré un niveau de fonctionnement intellectuel similaire (Poirier & Cappe, 2016). De plus, ce constat perdure pour les études supérieures, conduisant à de plus faibles taux de diplômés (Howlin, Goode, Hutton, & Rutter, 2004 ; Mitchell & Beresford, 2014).

Malgré ces observations, de plus en plus d’auteurs déplorent une recherche majoritairement dominée par la perspective non-autiste (MacLeod, Lewis, &

Robertson, 2013) qui étudie la réussite de l’inclusion dans ses aspects mesurables uniquement (i.e. la performance académique) au détriment des aspects sociaux ou cognitifs (Hill, 2014).

La France et le Québec, mus par cette dynamique internationale d’inclusion scolaire, connaissent également une augmentation significative du nombre d’élèves ayant un TSA dans les établissements secondaires (Godeau, Sentenac, Pacoricona Alfaro, & Ehlinger, 2015 ; Le Laidier & Prouchandy, 2012 ; Poirier & Cappe, 2016). À ce jour pourtant, les données francophones concernant le point de vue de l’élève font cruellement défaut (Godeau & al., 2015), même si plusieurs auteures québécoises ont récemment réalisé leur travail doctoral autour des transitions, tant primaire - secondaire (Leroux-Boudreault, 2017) que vers la vie adulte (Arsenault, 2014). Partageant des liens historiques forts, la France et le Québec n’en demeurent pas moins différents concernant leurs politiques d’inclusion et leur organisation des services scolaires et de santé. La formation et le statut de l’aide humaine (AVS en France vs TES au Québec), ses modalités d’intervention auprès de l’adolescent, l’élaboration des plans d’intervention ou encore la possibilité de choisir l’établissement scolaire en fonction des services accessibles constituent autant de différences qui ne sont pas sans répercussion pour les jeunes et les parents. Ainsi, recueillir le témoignage des jeunes et de leurs parents, issus de deux contextes culturels, apparaît pertinent pour :

(1) évaluer l’impact de ces différences politiques et culturelles sur le bien-vécu de l’inclusion ;

(2) questionner l’efficacité des moyens mis en place au sein de chaque pays ;

(3) proposer des pistes de réflexion concernant la transférabilité de certaines stratégies efficaces dans l’un ou l’autre des deux pays.

De plus, si nous pouvons nous réjouir de l’augmentation du nombre d’élèves avec TSA évoluant désormais en milieu ordinaire, plusieurs études et rapports français récents invitent toutefois à analyser ces résultats avec précaution, « notamment en termes de cursus et d’accès à l’emploi » (Godeau & al., 2015 ; Ebersold, 2010, 2012 ; OCDE, 2010). Godeau et al. (2015) ont mené une large enquête concernant les perceptions de la vie et du bien-être au collège chez 7023 élèves français tout- venants. Leurs résultats mettent en évidence que les jeunes collégiens ayant une maladie ou un handicap, perçus comme une « différence » par leurs camarades ordinaires, sont plus à risque d’être intimidés ou rejetés. Comparativement à leurs pairs typiques, ils présentent également une moins bonne satisfaction concernant leur vie, une santé perçue plus négative et un taux de redoublement plus important. Ce dernier aspect reflète notamment « les difficultés rencontrées par le système scolaire « ordinaire » à s’adapter aux besoins particuliers de certains élèves » (Champaloux & Young, 2015, cité par Godeau & al., 2015).

En outre, le rapport Komitès (2013) dresse un état des lieux réaliste de la situation de l’inclusion scolaire en France et formule des préconisations concernant la professionnalisation des accompagnants de vie scolaire. Il met au jour que, malgré une rapide progression, les jeunes en situation de handicap ne représentent en 2012 qu’une très faible part des lycéens (0,60%) quand bien même la loi les reconnaît comme des lycéens de plein droit. Le constat est similaire concernant l’université, où un fort abandon est observé en 1ère année, comparativement à l’ensemble de la

population étudiante. Enfin, le rapport pointe les écueils d’un suivi de la performance du système éducatif principalement basé sur la progression du nombre d’enfants scolarisés, sans prise en compte suffisante des « niveaux auxquels ces élèves arrivent, en termes de diplômes, d’acquisition par rapport au socle commun de connaissances ou encore par rapport à leur propre projet. » (Komitès, 2013, p.21).

Ainsi, dans un but de société inclusive et face à ces constats, la prise en compte du point de vue des élèves francophones ayant un TSA concernant leur inclusion scolaire apparaît plus que jamais comme une nécessité. Nous avons donc choisi de donner la

parole à des élèves français et québécois ayant déjà expérimenté deux ou trois années de vie scolaire au secondaire, afin de recueillir leurs témoignages mais aussi leurs conseils pour faciliter le bien vécu de l’inclusion des jeunes TSA qui entreront prochainement au secondaire.

La fin du collège représente une période charnière, où les choix d’orientation conditionnent en grande partie la suite du cursus scolaire et professionnel des adolescents. Pour les jeunes avec TSA, cette période est particulièrement critique et les choix d’orientation ne sont pas toujours faits en fonction de leurs compétences et intérêts (Cappe, Wolf, Bobbé, & Adrien, 2012; Grimm, Assouline, & Piero, 2015). Afin d’obtenir un portrait plus précis de la situation de ces adolescents, tous les participants français rencontrés lors de ce travail étaient donc scolarisés en 4e ou 3e.

Leurs homologues québécois, d’âge similaire, étaient scolarisés en secondaire 2 ou 3. L’annexe B présente l’organisation des études spécifique à chacun des deux systèmes éducatifs. Enfin, en raison de leur rôle essentiel dans l’inclusion de leur enfant en milieu ordinaire (Cappe & Boujut, 2016 ; Dann, 2011 ; Fortuna, 2014 ; Mitchell & Beresford, 2014), les parents de ces adolescents ont également participé à cette étude, comme le détaillera la partie méthodologique.

Nous souhaitons que le recueil de leurs témoignages et de leur expertise puisse aboutir à la création d’un guide de recommandations et de formation à l’attention des principaux acteurs de l’inclusion des élèves ayant un TSA : familles, professionnels intervenant auprès des TSA mais également enseignants. Ce transfert des connaissances entre chercheurs et milieu scolaire est indispensable pour soutenir les enseignants, les (in-)former aux particularités propres aux TSA et faciliter ainsi une inclusion bien vécue par tous (Humphrey & Lewis, 2008a ; Jindal-Snape & al., 2006).

Notre question de recherche est donc la suivante :

Quelles sont les perceptions et expériences de ces adolescents avec TSA, reconnus en tant qu’experts, concernant leur inclusion au secondaire en milieu

PARTIE 2 : CADRE CONCEPTUEL ET OBJECTIFS DE