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CHAPITRE 1 : TROUBLES DU SPECTRE DE L’AUTISME

2. Définitions et situation actuelle

2.1 Critères diagnostiques actuels

Malgré l’hétérogénéité de la population concernée, tous les individus ayant un TSA partagent un noyau commun d’altérations de fonctionnement, répartis selon le DSM-5 au sein de la dyade autistique suivante :

(2) Un caractère restreint et répétitif des comportements, champs d’intérêt et activités. Pour qu’un diagnostic de TSA puisse être posé, les symptômes :

- doivent être présents dès les étapes précoces du développement (généralement avant trois ans), même s’ils ne sont pas pleinement manifestes du fait de stratégies apprises ou de demandes sociales n’excédant pas les capacités limitées de l’individu ;

- occasionnent un retentissement cliniquement significatif en termes de fonctionnement actuel social et dans un ou plusieurs domaines importants : scolaire ou professionnel, familial, de loisirs, etc.

- ne sont pas mieux expliqués par un handicap intellectuel ou un retard global de développement.

Enfin, pour chacun des deux critères de la dyade autistique, un niveau de sévérité est spécifié, en fonction de l’importance des déficits concernés. Il varie de 1 « nécessitant de l’aide » à 3 « nécessitant une aide très importante ». Ainsi, dans cette nouvelle classification, la compréhension des points communs à l’ensemble du spectre est améliorée et l’hétérogénéité des profils cognitifs d’un bout à l’autre du continuum, clairement mise en évidence. La diversité des manifestations comportementales et des trajectoires développementales qui caractérise les TSA apparaît plus distinctivement (Fountain, Winter, & Bearman, 2012). Toutefois, dans les années à venir, l’un des défis pour les chercheurs et cliniciens sera de trouver des outils pour penser cette hétérogénéité et permettre aux individus concernés d’être accompagnés au plus proche de leurs besoins, tenant compte de leurs limitations mais aussi de leurs forces. En effet, nous le verrons au cours de ce travail, les individus ayant des TSA peuvent très bien s’accommoder de leurs particularités et en faire un atout considérable pour leur vie personnelle et professionnelle.

2.1.1 Des déficits persistants dans la communication sociale et les interactions sociales

L’altération de la communication et des interactions sociales se manifeste généralement par trois aspects : une difficulté de la réciprocité sociale ou émotionnelle, un déficit des comportements de communication non verbaux lors des interactions sociales et des difficultés pour initier, maintenir et comprendre les relations sociales (APA, 2013). En raison de l’hétérogénéité importante des tableaux cliniques, ces déficits peuvent être plus ou moins marqués et se manifester très différemment selon les individus.

L’altération de la réciprocité sociale ou émotionnelle se traduit majoritairement par une démarche sociale atypique ou inadaptée, générant des difficultés ou incapacités à entrer en relation ou à maintenir une conversation avec autrui, par manque d’intérêt, d’émotion ou de compréhension des subtilités sociales.

Les comportements de communication non verbaux, classiquement utilisés pour entrer en contact avec les autres, sont fréquemment altérés. Les signaux non verbaux sont souvent pauvres ou inappropriés, voire totalement absents (Duval & Forget, 2005). Bien souvent, le contact oculaire est absent ou furtif, et le regard n’est généralement pas coordonné avec les autres signaux sociaux (Trottier, Srivastava, & Walker, 1999). La compréhension du langage corporel et de la gestuelle de l’interlocuteur est également perturbée, voire absente. Les mimiques sociales des individus ayant un TSA sont appauvries ou exagérées et peuvent sembler peu adaptées au contexte. Leur expression gestuelle, souvent appauvrie, est rarement utilisée dans un but social, de partage d’intérêt ou de demande d’aide.

Enfin, la difficulté à établir et à entretenir des relations, notamment avec les pairs, se traduit par certaines incapacités à adapter son comportement à différents contextes sociaux, une difficulté à généraliser des comportements et attitudes, une absence d’aisance sociale ou encore un manque d’intérêt pour autrui (Brewster et Coleyshaw,

2011). Un déficit de la cognition sociale est présent, pouvant compliquer le partage d’émotions et l’initiative sociale (Gallese, 2006).

Toutes ces particularités dans les interactions sociales peuvent conduire les jeunes à un isolement ou à un rejet, soit par manque de recherche de contact avec les pairs, soit par leur difficulté à se faire accepter et à comprendre les enjeux sociaux au sein d’un groupe. Lorsque l’intérêt social se développe, chez les enfants ou les adolescents, les façons d’entrer en communication sont généralement maladroites et finissent par agacer l’interlocuteur, lassé d’un échange quasi unilatéral. Il n’est pas rare que les interactions sociales avec les adultes soient meilleures, ces derniers s’adaptant davantage à l’enfant et lui facilitant ainsi la situation.

2.1.2 Un caractère restreint et répétitif des comportements, champs d’intérêt et activités

Les comportements et intérêts sont restreints, répétitifs et stéréotypés. Cela peut se traduire au niveau des mouvements, comme dans le cas du flapping (battement stéréotypé des mains) ou de balancements répétés, ou du langage (avec la présence d’écholalie). Une adhésion plus ou moins inflexible aux routines, aux règles ou à des comportements ritualisés ainsi qu’une résistance aux changements sont souvent observées. Les changements étant sources d’angoisse, ces comportements ont souvent une fonction de réassurance et d’apaisement. Les individus avec TSA présentent également des intérêts très marqués pour certains objets ou domaines de connaissances qui se distinguent par leur intensité et le temps consacré à s’adonner à cette passion.

Le DSM-5 reconnaît plus explicitement que des particularités dans le traitement de l’information font partie intégrante des TSA (Courchesne et al., 2016). Les hypo- et hypersensorialités font également désormais partie des critères recherchés pour la pose d’un diagnostic de TSA. En effet, les personnes ayant un TSA manifestent généralement une ou plusieurs particularités sensorielles, telle qu’une hyperréactivité à certains bruits, des réactions aversives face au contact avec certaines matières (p.

ex : laine, sable, etc.) ou encore une insensibilité à la douleur ou à la température. Enfin, certains stimuli sensoriels peuvent être particulièrement plaisants, amenant la personne à les rechercher pour se stimuler ou se rassurer (p. ex : mouvements des mains devant les yeux, attirance pour certaines couleurs ou odeurs, etc.) (Wing, Gould, & Gillberg, 2011). En contexte scolaire, les bavardages en classe, le chahut de la cafétéria ou les échos dans le gymnase peuvent représenter une source de stress, voire de détresse, importante pour certains enfants et adolescents (Leroux-Boudreault, 2017).

Notons toutefois que certaines de ces rigidités peuvent également être des atouts sur lesquelles la personne va s’appuyer pour s’épanouir, créer, progresser ou s’autonomiser. Ainsi...

La sensibilité aux détails peut permettre de produire des œuvres originales ;

La capacité accrue à se concentrer sur ses centres d’intérêts peut conduire à l’expertise professionnelle et la reconnaissance par les pairs ;

Le perfectionnisme peut être un atout en contexte scolaire et professionnel, pour des tâches exigeant logique, rigueur ou minutie (Attwood & Gray, 1999).