• Aucun résultat trouvé

Le mot “Mémoire”: “the ‘clue’, the ball of string of redemption” la pelote de fil de la rédemption

VERBODE POLITIEKE ORGANISASIE/BANNED POLITICAL ORGANISATION (organisation politique interdite); NOODTOESTAND/STATE OF EMERGENCY (état d’urgence);

5.3 Le mot “Mémoire”: “the ‘clue’, the ball of string of redemption” la pelote de fil de la rédemption

Le mot “mémoire” est un lexème prononcé avec beaucoup de naturel633, mais son sens change avec chaque auteur et à chaque utilisation. La mémoire, n’est ce pas l’endroit où “la vie imaginaire ou intellectuelle” peut avoir lieu ? Devrait-il y avoir autant de sens possibles qu’il y a de vies intellectuelles634 ? Le fonctionnement de la mémoire étant complexe, le chercheur s’exprime par métaphores : on parle ainsi souvent de mémoires “artificielles”. Philippe Dagen, dans son introduction au catalogue De Mémoires, décrit la mémoire comme un labyrinthe635. Dagen évoque le caractère lacunaire636 de la mémoire en parlant de l’expérience vécue par les touristes lors de la visite des “lieux de mémoire” et les met parallèle avec les mémoires “communes, prédéterminées et lacunaires” des machines, ces “mémoires qui s’inscrivent en programmes, en codes, en logiciels, en stockages d’informations....” et qui s’organisent en réseaux cartographiques. Ces mémoires artificielles sont enfin reproductibles et inaltérables, mais elles ne sont qu’un amas de data et non des mémoires vivantes, malgré toutes les protestations des utopistes de l’âge électronique. Dagen construit son analyse des “mémoires” à partir des écrits de Benjamin qui prend comme exemples Henri Bergson637, Marcel Proust et Paul Valéry.

633 La relative popularité de ce mot dans les milieux d’art contemporain lors des dernières décennies du XXème siècle (je pense à plusieurs expositions entre autres La Ville, Le Jardin, la Memoire organisé par l’Académie de France à Rome, en 1999; Le colloque de l’ AICA de1997 est tenue sous le titre Les arts

visuels, le web et la fiction, l'exposition de 2003, De Memoires au Fresnoy) vient après les diverses

déclarations de la “fin de l’histoire”, où l’historien d’art pensait pouvoir faire de la “New Art History” qui prétendait avoir fait rupture avec le poids des savoirs transmis par les générations précédentes, une tendance qui revendique l’absence de mémoire, après un esprit de révolte des années 60 contre l’histoire officielle, ce même esprit “redécouvre” la mémoire. La mémoire est un terme prometteur car il semble plus intime, plus individualiste que “l’histoire” – trop lié à des idées de canonisation, d’institutionnalisation. 634 Dans un texte écrit par Philippe Dagen mettant en valeur une continuité de pensée entre Herni Bergson et Walter Benjamin il peut être question de “fonder l’individualité irréductible et la complexité

indescriptible de chaque mémoire dans la notion de liberté” (catalogue d'exposition De Mémoires, 2003, p.11).

635 De Mémoires, le Fresnoy, 2003, p.29. 636

La visite touristique des lieux de mémoire “...l’activité touristique universellement répandue dans le monde occidental opère selon ces rites”... “Le temps de l’histoire [...] se contracte autour de quelques dates jugées décisives”... “Des durées vides, que l’on ne sait plus comment raconter, comment caractériser” - “La mémoire que construit la sacralisation de tels lieux est donc tout à la fois commune, prédéterminée et lacunaire”... “des points de concentration séparés par des no man’s lands” (pp.6-7, 8).

637

Benjamin dans “A propos de quelques motifs baudelairiens” se réfère à Matière et mémoire de Bergson, nous reviendrons sur l’extrait que Dagen choisit dans un texte de 1937 où Benjamin cherche à préciser ce

Dans le texte de Benjamin se trouve la formule “expérience authentique”, qui est une expérience “à la fois individuelle et méditée”, et fondée sur la différence entre “mémoire volontaire” et “mémoire involontaire” et qui s’inscrit dans “l’histoire que Benjamin est lui-même en train d’écrire, celle de la disparition de l’aura”638. Les textes de Proust et de Valéry apparaissent dans ce contexte comme des “tentatives de résistance [....] pour maintenir, pour préserver cette qualité de l’expérience”, qui s’inscrit en faux contre “l’expérience commune”, où les individus ne forment plus qu’une masse. C’est ici qu’intervient la nécessité de “fonder sur l’individualité irréductible et la complexité indescriptible de chaque mémoire la notion de liberté”. La liberté individuelle est ici “un concept lui-même en voie de disparition”. Bergson dans Matière et Mémoire “prend beaucoup de soin combien chaque opération d’une mémoire met en jeu des facteurs particuliers....ce serait l’inventaire infaisable des opérations mémorielles....”. Dagen décrit le processus par lequel la “mémoire volontaire”, bombardée par le “spectacle de l’information” à “l’âge de l’information en ‘temps réel’”, a tendance à être davantage une “‘mémoire obligatoire’ tant qu’il est clair que nul ne saurait se tenir à l’écart de l’afflux des données (vraies ou fausses, la question est secondaire) et qu’il faut les connaître. Ainsi peut-on tenir pour assuré que, dans la société occidentale actuelle, tous les citoyens d’une nation ont, à peu près, les mêmes images en tête, les mêmes connaissances en mémoire...”639. Le processus de l’accumulation des “chocs” successifs de l’industrie de l’information aboutit à un état proche de l’amnésie chez le consommateur640, qui doit “combattre l’émiettement” en refusant de se fondre dans un ordre général. Le seul moyen de s’opposer serait de mettre en acte une “mémoire créative”, qui serait une “mémoire qui

qu’il entend par expérience authentique à l’aide de Bergson: “Bergson tend, grâce à la catégorie de la mémoire, à restaurer le concept d’une expérience authentique. Cette expérience authentique existe en fonction de la tradition et s’oppose ainsi aux modes habituels d’expérience propres à l’époque de la grande industrie. Proust a défini la mémoire bergsonienne comme une mémoire involontaire; en son nom, il avait essayé de reconstruire la forme de la narration. Le rival de cette dernière s’appelle, à l’époque de la grande industrie, l’information. Elle développe, par moyen des chocs, une mémoire qui, par Proust, a été opposée à la mémoire bergsonienne sous le nom de mémoire volontaire. Il est permis de considérer, conformement à Freud, la mémoire volontaire comme étroitement liée à une conscience perpétuellement aux aguets. Plus la conscience sera obligée à parer aux chocs, plus se développera la mémoire volontaire, et plus périclitera la mémoire involontaire...” Dagen (2003, p.10) cite Benjamin, “A propos de quelques motifs baudelairiens” publié dans Ecrits français, Paris, 2003, p.316-7.

638 Benjamin: “A propos de quelques motifs baudelairiens”, Voir Dagen, 2003. p.10. 639 Dagen, 2003. p.14.

640 Le cheminement de Dagen rappelle en tout point de vue Marshall McLuhan qui évoque le Finnegans

Wake de James Joyce pour exemplifier l’apathie de l’homme de la Gutenberg Galaxie, et oppose l’artiste

relie, [....] qui opère par associations mouvantes”: “il est une mémoire ordonnée, qui relève de l’archive, et une mémoire désordonnée, qui relève de la création - qui est la condition nécessaire de toute création”641.

Cette même idée de la mémoire comme “principe actif de création” est le sujet d’une communication de Paul Ardenne au colloque de l’AICA de 1997; “L’Art Contemporain comme ‘différentiel’ de mémoires”642 – Dans cette communication Ardenne propose qu’“il va de soi que l’art d’aujourd’hui, en tant qu’il s’approprie le monde, représente un ‘stock de réalité préservée, ce qui de la réalité n’a pas été, ou pas encore été, oublié’”643. Comme Dagen, Paul Ardenne interroge les multiples utilisations du mot “mémoire” (Ardenne tentera même une taxinomie en trois catégories644 des approches des artistes contemporains) et finit par montrer les parallèles inquiétants entre les significations et processus que nous avons pris l’habitude d’associer à cette faculté. Les deux historiens d’art remarquent la possibilité d’employer ce mot tout à fait autrement, qui peut signifier un lieu de création ou un “principe actif de création”, mais concluent sur le manque d’intérêt des théoriciens pour cet aspect de la faculté mnémonique645. Dagen: “Quant aux historiens de l’art, ils sont nombreux à préférer étudier la réception des œuvres, leur commerce ou leurs commentateurs - manières de considérer que l’œuvre existe déjà (pourquoi et comment?) et qu’il suffit d’examiner ce qui se passe après son apparition. Ces travaux peuvent être pertinents, mais, même pertinents, ils se situent en aval de l’art, là où les difficultés peuvent se résoudre par la

641 Dagen, 2003, p.19.

642 Sa contribution s’inscrit dans le questionnement “La mémoire à l’heure des sciences cognitives et de l’information généralisée” pp.29-32.

643 Paul Ardenne 1997, p.29, je reviens ailleurs dans ce texte (KG Partie III) sur l’interrogation des

pratiques artistiques de l’ordre de la “mise en perspective” qui est selon Ardenne “une des premières tâches de l’artiste contemporain”. - qui est “une mise en histoire même de l’histoire de l’art à l’échelle individuelle de l’artiste” p.30.

644 Paul Ardenne, 1997, p.31, voir également KG Partie I au sujet de la “mémoire longue” des Actionnistes Viénnois selon Ardenne.

645

Suite à l’observation de Dagen je voudrais ajouter qu’il s’agit dans le cas de la plupart des artistes choisis pour mon étude sur la mémoire et la création, de ceux qui ont été longtemps approchés avec beaucoup d’hésitations par les théoriciens de l’art, qui eux mettent l’accent sur les œuvres et refusent de prendre au sérieux la réflexion de la part des artistes autour de leur rôle de créateur. Beaucoup d’entre eux, et ceci est vrai de façon accentuée pour Robert Filliou et pour Boshoff, ont été portés à l’attention du public en première ligne par les artistes de la génération suivante qui puisaient leur inspiration dans le champ créatif ouvert.

compilation, le catalogage et les statistiques”646. Il doit en venir à la conclusion que la création, comme la mémoire, est une suite continue d’évènements inséparables et inobservables647.... et il annonce pour l’exposition qu’il a mise en place l’entrée dans un labyrinthe. Le labyrinthe est ce dispositif, que Boshoff qualifie “d’aveugle”, et pour lequel il a prévu une pelote de fil, “un clew”, comme guide tangible. Si on constate une absence de fondement théorique sur ce terrain de la création par la mémoire, réinterrogeons donc ceux qui pratiquent ce type de mémoire, et qui utilisent leur mémoire comme matière malléable, et lieu de création, c’est-à-dire les artistes.

Pour pouvoir rendre le mot “mémoire” utile en relation avec le travail d’un artiste contemporain, le chercheur devrait tenter de définir la signification exacte de celle-ci pour le travail de l’artiste en question. Pour le travail MNEMOSYNE Boshoff avait établi l’encyclopédie des utilisations du mot “mémoire”. Il ne s’est pas contenté de recenser toutes les utilisations du mot, il semble de plus les avoir toutes transformées en démarche artistique. Le repérage des “cas” de mémoire aigue ou défaillante, ou encore de mémoire corporelle et la mise au jour de l’implication des différents sens du terme “mémoire” dans toutes ces sortes de mémoire se trouvent déjà bien avancés au moment où Boshoff écrit le manuscrit pour le BLIND ALPHABET PROJECT648. On pourrait dire que Boshoff, animé par ses recherches sur la perception et par les récits de la Truth and Reconciliation Commission, entame, entre 1994 et 2000, une recherche tout aussi encyclopédique que celle d’Henri Bergson pour son livre sur la Matière et la Mémoire, ou que Sarkis et Uwe Fleckner pour la publication de l’anthologie de textes, Die Schatzkammern der

646 Dagen, 2003, p.25. 647

“Cette difficulté est commune à la mémoire et à la création qui, toutes deux, ne peuvent être saisies par l’analyse que quand elles suspendent leur dynamisme pour s’arrêter un moment, l’une dans un souvenir ou une sensation, l’autre dans ce que l’on nomme une œuvre” Dagen, 2003, p.27.

648

Déjà en 1994 (donc avant le TRC) la mémoire est omniprésente dans le tapuscrit accopagnant le BLIND ALPHABET PROJECT, elle se présente pourtant moins politisée, plûtot comme une fonction de l’esprit. Elle est clairement liée aux moyens par lesquels l’être humain prend contact avec le monde extérieur: le toucher, l’odorat, BAP, 1994, p.8 - “mnemotaxis” mnémotactisme voir note 622.

p.30/31 - “Abraxas - Akashic records - memory - “writing in the air” imprinted on Akasha - astral light” p.34 - Note 92 Boshoff introduit ici l’idée que la mémoire peut être utilisée pour bouleverser, pour créer des dégâts: “The artist has a penchant for collecting and then memorising the abstruse, specific and exclusive terminology of exact sciences like botany, zoology, medicine, theology, philosophy, linguistics, etc. In this he attempts to create havoc within the confines of well-reserved shibboleths.”

p.35 - “Anoesis and Autopsia” p.88 - “smell of wood, memory”

Mnemosyne. En parlant du travail de Boshoff “toutes” les définitions du mot “mémoire” et tous les bons et mauvais usages de ce mot sont donc pertinents. Depuis 2009, Boshoff a ajouté un aspect de plus à ses activités cérébrales. Ayant endossé le personnage du druide, il regarde vers le futur et pratique la divination. Est-ce que la notion de “mémoire créative” pourrait nous aider à cerner de quoi il s’agit dans le cas d’une pratique artistique?

En français on peut distinguer entre “apprendre” et “mémoriser” ; pour les chiffres on dit qu’on fait un calcul “de mémoire”, c’est-à-dire un calcul “mental”. Cette activité est entièrement créative. On utilise cette expression pour souligner que si on aurait pu faire ce calcul en écrivant, en utilisant un outil de mémoire, en notant des solutions intermédiaires, on a choisi de le faire entièrement “de tête”. Lors de cette démarche surgit un résultat qui auparavant n’existait pas. Cette méthode est considérée comme étant particulièrement difficile. Elle suscite l’admiration, elle aiguise ou entretient nos fonctions cognitives, etc. En allemand on peut exprimer ceci par un seul mot: “Kopfrechnen” calcul de tête. Dans cette langue on distingue deux formes de mémoire “Gedächtnis” et “Erinnerung” mémoire et souvenir649. Alors que le deuxième mot s’applique clairement au passé, le premier peut s’employer tout autant pour le présent que pour l’avenir. Ce qu’on a appris par cœur reste présent à l’esprit, et on dit souvent qu’on peut perdre tous ses biens matériels, mais ce que nous avons appris reste gravé dans notre mémoire. Le souvenir et/ou les connaissances sont intimement liés à notre personne au point que nul ne saurait nous les dérober. L’afrikaans comme l’allemand obligent l’utilisateur de la langue à distinguer la temporalité du mot “geheue” de celle du mot “herinnering”, a contrario de l’anglais et du français où existent les mots “memory” ou “mémoire” qui sont utilisables dans tous les cas. En conclusion de son étude de la lecture que Benjamin fait de Bergson650, Philippe Dagen (2003) choisit de suivre Benjamin en

649 Walter Benjamin écrit un beau texte avec ce titre “Gedächtnis und Erinnerung”, publié entre atures dans le recueil Medienästhetische Schriften.

650 Voir Dagen, 2003, p.11 - Benjamin cherche à parler d’une mémoire “individuelle et méditée: la contemplation rêveuse et la mémoire involontiare. La ‘grande industrie’ - autrement dit la modernité - ne peut s’accomoder de telles pratiques, lentes et singulières. Matière et mémoire et la Recherche du temps

perdu apparaissent ainsi comme des tentatives de résistance conduites, à l'insu même de leurs auteurs

peut-être, pour maintenir, pour préserver cette qualité d'expérience - non seulement de l'expérience artistique, mais toute expérience personnelle”.

identifiant la “mémoire créative” à une condition indispensable de la liberté individuelle. Paul Ardenne (1997) avait parlé d’une notion comparable en utilisant le terme “mémoire comme principe actif de création”651. Parmi les textes choisis par Uwe Fleckner pour le recueil Die Schatzkammern der Mnemosyne se trouve un extrait de Matière et Mémoire, Essai sur la Relation du Corps à l’esprit652 d’Henri Bergson : “Les deux formes de la mémoire” qui procède à la description minutieuse du processus par lequel nous apprenons, et par lequel les éléments s’organisent dans la mémoire :

J’étudie une leçon, et pour l’apprendre par cœur je la lis d’abord en scandant chaque vers; je la répète ensuite un certain nombre de fois. A chaque lecture nouvelle un progrès s’accomplit; les mots se lient de mieux en mieux; ils finissent par s’organiser ensemble. A ce moment précis je sais ma leçon par cœur; on dit qu’elle est devenue souvenir, qu’elle est imprimé dans ma mémoire.

Je cherche maintenant comment la leçon a été apprise, et je me représente les phases par lesquelles j’ai passé tour à tour. Chacune des lectures successives me revient alors à l’esprit avec son individualité propre; je revois avec les circonstances qui l’accompagnaient et qui l’encadrent encore; elle se distingue de celles qui précèdent et de celles qui suivent par la place même qu’elle a occupée dans le temps; bref, chacune de ces lectures repasse devant moi comme un événement déterminé de mon histoire. On dira encore que ces images sont des souvenirs, qu’elles se sont imprimées dans ma mémoire. On emploie les mêmes mots dans les deux cas. S’agit-il bien de la même chose?

Dans un premier temps, Bergson conclut que les deux actions de la fonction

mnémonique sont comme deux mémoires théoriquement indépendantes653, l’une

imaginant et l’autre répètant654. En décrivant avec exactitude le fonctionnement et les relations entre les deux mémoires, il en vient à l’observation qu’elles se contrarient

651 Voir Paul Ardenne, 1997, “L’art contemporain comme ‘differentiel’ de mémoires”, dans les actes du colloque de l’AICA: La mémoire à l’heure des sciences cognitives et de l’informatisation généralisée. 652

J’ai consulté la vingt-troisième édition imprimée en 1928.

653 Bergson, 1928, p.78: “La première enregistrerait, sous forme d’images-souvenirs, tous les événements de notre vie quotidienne à mesure qu’ils se déroulent; elle ne négligerait aucun détail; elle laisserait à chaque fait, à chaque geste, sa place et sa date. Sans arrière-pensée d’utilité ou d’application pratique, elle emmagasinerait le passé par le seul effet d’une nécessité naturelle. Par elle deviendrait possible la reconnaissance intelligente, ou plutôt intellectuelle, d’une perception déjà éprouvée; en elle nous nous réfugierons toutes les fois que nous remontons, pour y chercher une certaine image, la pente de notre vie passée. Mais toute perception se prolonge en action naissante; et à mesure que les images, une fois perçues, se fixent et s’alignent dans cette mémoire, les mouvements qui les continuaient modifient

l’organisme, créent dans le corps des dispositions nouvelles à agir. Ainsi se forme une expérience d’un tout autre ordre et qui se dépose dans le corps, une série de mécanismes tout montés, avec des réactions de plus en plus nombreuses et variées aux excitations extérieures avec des répliques toutes prêtes à un nombre sans cesse croissant d’interpellations possibles”.