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CHAPITRE 4 : Résultats

4.2 Les défis de la réinsertion sociale

4.2.2 Les défis de nature structurelle

4.2.2.4 Le logement

Tel qu’il a été abordé brièvement dans le défi concernant l’argent, le logement s’avère une préoccupation pour certains résidents notamment parce que cela implique des coûts. Se loger est un défi qui a été relevé par six résidents (6/16), presque tous du sous-groupe de délinquance typique (4/6), de la clientèle fédérale (4/6) et majoritairement célibataire (4/6). Ce défi a la particularité d’être dans une perspective à plus long terme puisque les résidents rencontrés étaient tous logés auprès de l’organisme partenaire au moment des entretiens. C’est donc en ayant en tête leur sortie, imminente pour certains, qu’ils ont abordé ces préoccupations. Ce défi se comprend en deux étapes ; d’abord, trouver un logement et ensuite viennent les difficultés en lien avec le fait de partir en appartement. Quelques résidents de la clientèle fédérale (3) ont parlé du programme d’appartements supervisés de l’organisme en lien avec les ressources pour surmonter ce défi. Finalement, peu d’intervenants ont fait référence à cette thématique dans leur discours sur les défis vécus par leur clientèle. Outre la problématique liée aux paiements pour un logement, seuls les points de vue de deux intervenants permettent d’ajouter du contenu en lien avec une spécificité de la clientèle délinquante sexuelle.

Dans un premier temps, comme soulevé plusieurs fois dans la littérature sur les besoins à la sortie de détention (Brown, 2004; Brown et al., 2007; Cnaan et al., 2008; Duffee et Duffee, 1981; Göbbels et al., 2014; Griffiths et al., 2007; Helfgott, 1997; LaVigne et al., 2008; Nhan et al., 2017), le défi pour quatre résidents est de déterminer où ils se logeront à la sortie des centres d’hébergement. L’itinérance est d’ailleurs associée à la récidive (Lutze et al., 2014; Petersilia,

2003). À la suite de leur détention, les participants n’ont plus de logement et peuvent choisir de retourner habiter chez leurs parents bien que cette perspective leur apparaisse déprimante ou bien d’aller en appartement. De ceux qui ont choisi l’appartement, l’un a expliqué les réticences qu’il a d’aller en colocation en raison des vérifications que cela exige et au dévoilement de ses antécédents.

S’il faut que je screen le colocataire éventuel puis que ce soit ... Ça va mal aussi ça se chercher un coloc. « Hey by the way, je sors de prison, un supermaximum Rivière-des-Prairies, une peine de 18 mois » (André)

En plus de trouver un appartement, trois résidents de la résidence fédérale ont souligné des difficultés sous-jacentes au fait de partir en appartement. D’abord, pour un homme ayant eu une très longue peine, il s’agit d’acheter tout le nécessaire pour meubler et outiller un logement.

Là, j’en ai un peu, de l’argent de ramassé, mais … moi ça me prend tout là, à partir du couteau là, jusqu’au frigidaire là, tu sais. Faut que je … Faut tout que je rachète, j’ai plus rien rien rien. Ils sont venus vider la maison 4 jours après … le délit là, tu sais. (Julien)

Pour un autre résident, aussi institutionnalisé une bonne partie de sa vie adulte, c’est la perspective de développer une routine, de faire des lunchs et d’apprendre à faire un budget qui l’angoisse. Un autre résident a aussi mentionné en lien avec ce sujet que le fait d’être en maison de transition est aidant de sorte qu’il découvre ses habitudes alimentaires par exemple. De cette façon, il connaîtra ses besoins et sera en mesure de faire l’épicerie à sa sortie.

Le programme d’appartements supervisés offert par l’organisme semble pouvoir répondre à ces problématiques. Les résidents semblent rassurés de savoir qu’ils auront des appartements meublés leur laissant ainsi le temps de pouvoir acheter le nécessaire en perspective de leur sortie dans un appartement régulier. Aussi, ils apprécient l’idée d’avoir une personne- ressource pour assurer un suivi hebdomadaire. Par contre, ce programme est offert uniquement à la clientèle fédérale, les résidents sous mesures provinciales n’y ont donc pas accès.

Quant à l’opinion des intervenants par rapport au défi de se loger, ceux-ci ont mis beaucoup l’accent sur les difficultés supplémentaires que cela implique pour les délinquants sexuels, perspective absente du discours des résidents, mais présente dans la littérature (Brown

et al., 2007). Selon ces intervenants, les délinquants sexuels rencontrent davantage de barrières pour l’emplacement physique du logement et pour la colocation en raison de leurs conditions.

Tu sais, si tu as une cour partagée puis moi, je fais une visite dans l’appartement que toi, tu souhaites habiter, je vois que c’est une cour partagée, je vois que c’est un immeuble très familial, je vois déjà que des enfants sont en train de jouer. Bien probablement que … on va pas t’autoriser à déménager là-dedans. Tu sais, si c’est juste à côté d’un parc, juste devant une garderie, bien encore une fois tu sais. […] Parce que tu sais, ça aurait été 600 par mois en collocation, 300 chaque, ça aurait été plus facile de trouver. Mais il avait des interdits au niveau de la présence d’ordinateur sur place. Alors déjà de base, il allait visiter un appartement avec un coloc « tu as- tu un ordinateur parce que moi je suis un délinquant sexuel puis je pourrai pas ». Alors déjà, ça fonctionnait pas. Alors, il fallait qu’il soit tout seul. (Salomé)

Ainsi, se loger est un défi de la réinsertion sociale dans une perspective à long terme pour la clientèle des centres d’hébergement notamment en ce qui a trait à la recherche du logement et aussi en lien avec ce qu’il faut comme équipement ou comme compétences pour y habiter. Ce défi touche davantage la clientèle fédérale et le programme d’appartements supervisés offert par l’organisme partenaire semble un programme adapté pour répondre à cette problématique.

Pour conclure sur les défis de nature structurelle, force est de constater que l’argent et l’emploi font partie des préoccupations principales pendant la transition des individus rencontrés, point de vue aussi partagé par les intervenants. Des difficultés particulières attachées aux antécédents de nature sexuelle rendent l’expérience de ce sous-groupe plus difficile notamment en ce qui concerne l’emploi et les études. Les délinquants typiques semblent, quant à eux, plus particulièrement touchés par les défis liés au logement. Pour les distinctions entre les clientèles des différents régimes, on constate que la clientèle provinciale est davantage touchée par les défis en lien avec l’argent, ce qui peut s’expliquer du fait que la courte durée de leur peine et de leur transition les pousse à agir plus rapidement. En contrepartie, la clientèle fédérale est surreprésentée dans le défi concernant le logement. L’hypothèse quant à ce constat est qu’étant donné les peines plus longues pour cette clientèle, il y a plus de chances effectivement que ces individus n’aient pu conserver leur logement ou qu’ils aient des apprentissages à faire suite à leur institutionnalisation. Plusieurs ressources externes ont été mentionnées et permettent de répondre aux besoins des ex-détenus. Certains services et

programmes sont réellement aidants pour pallier ces défis, mais des problématiques restent sans solutions concrètes, notamment en ce qui a trait aux multiples considérations supplémentaires pour la clientèle en délinquance sexuelle. L’intervention en lien avec cette catégorie de défi repose donc sur une symbiose des interventions entre les organismes externes et le suivi effectué dans les maisons de transition.