• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 4 : Résultats

4.2 Les défis de la réinsertion sociale

4.2.6 Les défis liés à la vie en maison de transition

4.2.6.2 La cohabitation

Des défis en lien avec la cohabitation dans les centres d’hébergement ressortent des entrevues de sept résidents (7/16). Ce défi se divise en deux thèmes : la cohabitation avec 30 hommes et la cohabitation entre délinquants sexuels et typiques. Ces deux dimensions ont également été relevées par les intervenants, ceux-ci n’ayant amené aucun élément nouveau14.

D’abord, la cohabitation avec une trentaine d’autres hommes pouvait être un défi par moment pour certains (7/16). Parmi les explications données à ce sujet, les hommes ont mentionné certains comportements des autres résidents qui s’avèrent des irritants.

Puis là, les gars ici bien là, ça écoute rien que le hockey, fuck les nouvelles. Il y en a qui viennent avec leurs comportements carcéraux puis qui en imposent euh … il y a ça aussi tu sais. (André)

Parmi les autres irritants nommés, il y a la propreté des lieux, les notions d’hygiènes dans la cuisine et le bruit la nuit. Un résident trouvait difficile de vivre avec des personnes malhonnêtes en faisant référence à deux situations de vols et au fait que certains parlent contre les autres. C’est en continuité avec la multitude d’irritants mentionnés que certains trouvaient difficile de partager une chambre avec un autre homme. De plus, cette colocation, tout comme la vie en général dans les maisons de transition, fait en sorte que les résidents ont bien peu d’intimité ou de possibilité de se retrouver seuls, situation qui dérangerait plus particulièrement deux participants.

Tu sais, tu as jamais la paix vraiment nulle part là. Puis ça part comme ça en maison de transition d’ailleurs là, un coloc je trouve ça dur. D’être obligé de dormir avec quelqu’un là. (Félix)

En plus des défis qui s’imposent du fait de vivre avec plusieurs autres hommes, quatre résidents ont évoqué les difficultés de la cohabitation entre des délinquants typiques et des délinquants sexuels. En effet, deux délinquants typiques éprouvaient beaucoup de difficultés à être en contact avec la clientèle délinquante sexuelle. L’un d’eux a comparé son expérience de la transition à celle de détention où il n’était pas mêlé aux délinquants sexuels :

Comparé à ici, j’ai de la misère vraiment. Ouais, j’ai vraiment de la misère ici. Ça vient me chercher. Je pense aller voir une psychologue en plus pour ça. Surtout dû au genre de personnes qu’il y a ici là. Parce que moi, personne ne m’a jamais dit ça quand j’ai appelé ou quoi que ce soit là. Je savais pas que c’était une de leur spécialité, c’est les crimes sexuels ou pédophilie ou tout le kit. (Christian)

Les résidents ne sont effectivement pas au courant du type de clientèle qui est reçu à la maison de transition, mais il arrive que dans des discussions entre résidents, certains parlent de leur délit. De cette façon, des résidents deviennent au fait que les maisons peuvent accueillir des délinquants sexuels sans savoir qui dans la résidence a commis ce type de délit, et c’était d’ailleurs la source de l’inconfort d’un résident pour qui ce défi est la difficulté principale de sa réinsertion sociale.

Puis qu’est-ce que j’ai de la misère avec ça, c’est que je sais pas qui qui l’est. Fait que là ... il y en a un qui me parle, il l’est tu? il l’est tu? il l’est tu? J’ai de la misère, regarde je me cacherai pas, j’ai de la misère à dealer avec ça. […] J’ai pas besoin de sortir puis d’être avec ce genre de personnes-là, ça me fuck dans ma tête là. Ça me fuck vraiment. (Christian)

Pour l’autre résident ayant mentionné ce défi, c’est d’autant plus difficile de côtoyer des individus avec des antécédents de nature sexuelle dû à des traumatismes sexuels vécus dans

l’enfance. Sa principale crainte était qu’il ait une réaction vive et possiblement agressive si un autre résident venait qu’à se confier à lui à ce sujet. En contrepartie, le malaise de certains délinquants typiques à l’égard des résidents ayant un antécédent de nature sexuelle était ressenti par deux individus du sous-groupe de délinquants sexuels. L’un a expliqué qu’il semblait avoir moins d’affinités avec les résidents de la maison de transition qu’avec les codétenus lors de son incarcération et a expliqué ceci du fait d’être mélangé à des délinquants typiques. Pour l’autre homme qui a abordé le sujet, c’est l’idée que comme délinquant sexuel, il est stigmatisé dans toutes les sphères de sa vie, incluant sa vie au sein du centre d’hébergement.

Bien, la vie en communauté là. Ça c’est, c’est un défi aussi là. Parce que … les préjugés, les tout. Ça se fait même avec du monde qui ont d’autres délits ici là. (Émile)

Ainsi, la cohabitation en maison de transition pose un certain nombre de difficultés. En fonction de ce qui a été rapporté par les résidents, on comprend que le défi lié au nombre de personne qui habite dans les centres résidentiels est loin d’être le plus imposant dans leur réinsertion sociale. Il s’agit davantage d’une difficulté secondaire qui ajoute quelques irritants au quotidien. Par contre, la réalité est différente concernant la cohabitation entre délinquants sexuels et délinquants typiques, ce défi étant assez central pour quelques résidents. Cela soulève une forme d’opposition entre chacun de ces sous-groupes. Est-ce que la cohabitation avec des délinquants sexuels est un défi pour les délinquants typiques qui pourrait être évité en dichotomisant ces groupes dans les maisons de transition ? En contrepartie, est-il réellement préférable de garder la clientèle délinquante sexuelle à l’écart, clientèle qui vit déjà beaucoup de difficultés à s’intégrer à la communauté en raison du lourd stigma attaché aux délits sexuels ? La cohabitation ne pourrait-elle pas permettre de sensibiliser à ce type de problématique ?