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Sages-femmes en Révolution

2. Le fonctionnement des cours

La période révolutionnaire ne porte que médiocrement son nom pour ce qui relève du fonctionnement des cours d‘accouchement. Pendant la décennie qui sépare le début de la Révolution de la loi de l‘an XI, l‘enseignement obstétrical à destination des sages-femmes reste,

189 Ibid., p. 263, « Celui [le traitement] d‘un professeur d‘accouchement ne pourra excéder le cinquième du traitement fixe d‘un professeur de l‘école centrale établie dans le même département » ; p. 287, « Il aura, dans chaque département et dans la commune où sont placées les écoles centrales, un professeur particulier d‘accouchements ».

190 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, L 965, lettre des administrateurs du département d‘Ille-et-Vilaine aux municipalités, 14 germinal an VII.

191 Arch. nat., F17/2457, dossier Ariège, Mémoire sur la nécessité de l’établissement de cours d’accouchemens et sur le mode

d’instruction de cet art, le plus avantageux au public, présenté au Ministre de l’Intérieur par le citoyen Pilhès, médecin, ex-professeur d’accouchemens de la ci-devant province de Foix, nivôse an XI. Le décret régissant le fonctionnement des écoles centrales a subi un certain nombre de modifications lors du vote de la loi du 3 brumaire an IV après un rapport présenté à la Convention par Daunou, mais le professeur d‘accouchement n‘a pas été réintégré au nombre des professeurs des écoles centrales, cf. James Guillaume (éditeur), Procès-verbaux du Comité d’instruction publique…, op. cit., t. 6, p. 794-795.

192 Ibid., projet de loi en treize articles.

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dans les formes, relativement fidèle à ce que l‘Ancien Régime avait mis au point194. Les variations, dans l‘ensemble mineures, paraissent le résultat de l‘expérience accumulée au cours du quart de siècle précédent.

a) Durée et fréquence des cours

La brièveté des leçons est une caractéristique récurrente de la formation des sages-femmes avant 1789. Six semaines souvent, huit semaines lorsqu‘intendants, États ou assemblées provinciales se montrent généreux ou lorsque les démonstrateurs réussissent à plaider la cause d‘un cours plus long195, le temps d‘apprentissage est chichement compté aux futures accoucheuses. Jacques Gélis dit la rareté des cours d‘une durée supérieure : trois mois en Haute-Guyenne, six mois à Mâcon et Arras196. Sur ce point, la Révolution correspond à une légère évolution. Les cours d‘accouchement d‘une durée inférieure à deux mois sont désormais exceptionnels. Le cas de la Côte-d‘Or avec son mois de formation détient la palme de la rapidité pédagogique, à peine compensée par la répétition bi-annuelle du cours197. Le Doubs poursuit l‘habitude antérieure en proposant deux mois d‘enseignement annuels, mais la durée qui revient désormais très fréquemment dans les projets est celle d‘un trimestre : Sarthe (1791)198, Ille-et-Vilaine (1792)199, Isère (1793)200, le Puy-de-Dôme (an III)201. Dans l‘Aube, où les cours d‘accouchement ne réussissent pas à se mettre en place malgré des projets répétés, l‘arrêté pris par l‘administration départementale en 1793 prévoit un cours de deux années avec trois mois de cours annuels, soit six mois de formation au total202. Le doublement du cours, pratique de plus en plus fréquente sous l‘Ancien Régime mais qui ne constituait pas une obligation, fait ainsi son entrée dans le champ réglementaire local, en adéquation avec les vœux de la Société Royale de

194 Cf. Jacques Gélis, La sage-femme ou le médecin…, op. cit., p. 130-154.

195 Il peut arriver que les démonstrateurs complètent d‘eux-mêmes gratuitement la durée du cours comme le fait le chirurgien Mangin à partir de 1788 : « En novembre 1788, Messieurs de l‘administration provinciale après un examen scrupuleux et les choses les plus obligeantes sur mon zèle, ma charité, mes succès, arrêtèrent dans leur sagesse que pour me dédommager de mes soins, de mes peines, il me seroit annuellement donné une gratification de 150 livres (que j‘ai reçu) pour un cours de six semaines, gratification qu‘il auroient certainnement porté à la somme de 200 livres s‘ils eussent été instruit que le cours est de deux mois ; il ne peut être de moindre durée », dans Arch. dép. Marne, 1 L 1248, mémoire du professeur des cours d‘accouchement, novembre 1791.

196 Jacques Gélis, La sage-femme ou le médecin…, op. cit., p. 136.

197 Arch. dép. Côte-d‘Or, L 542, arrêté de maintien du cours d‘accouchement de Dijon, 19 novembre 1790 : « 1° Les deux cours publics et gratuits d‘accouchement, qui avoient lieu chaque année sous la précédente administration, seront provisoirement continués pour l‘année 1791 et commenceront à Dijon les 1er may et 1er novembre. 2° Les deux cours seront faits, et remplis à la forme prescrite par les art. 3, 4, 5 et 6 de la délibération des cy-devant élus, du 29 décembre 1783 [art. 3, il durera un mois entier, Arch. dép. Côte-d‘Or, C 3692] » ; arrêté du 18 ventôse an VII : « II. Ce cours sera ouvert deux fois par an, les 1er brumaire et 1er floréal suivant […]. III. La durée de chaque cours sera de trois décades ».

198 Arch. dép. Sarthe, L 32, arrêté de l‘assemblée administrative du département de la Sarthe, 10 décembre 1791.

199 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, L 965, lettre de l‘assemblée départementale d‘Ille-et-Vilaine aux administrations de districts du département, 16 mai 1792.

200 Arch. dép. Isère, L 532, arrêté du conseil général du département de l‘Isère, 20 janvier 1793.

201 Arch. dép. Puy-de-Dôme, L 2207, arrêté de l‘administration départementale du Puy-de-Dôme, 14 frimaire an III.

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Médecine en 1790. Dans les faits et lorsque l‘indemnité les défraie suffisamment de leurs dépenses, les élèves reviennent sans difficulté poursuivre les cours d‘une année sur l‘autre. L‘exemple du Gers qui propose à ses accoucheuses une session de deux mois au printemps (avril-mai) et une seconde à l‘automne (octobre-novembre) montre que certaines femmes font bien plus que doubler leur cours. En novembre 1793, Barthélémie Lannelongue du district de Mirande et Josèphe Soulés du district d‘Auch entament leur cinquième session de formation. À l‘issue de ce cours qui s‘achève en avril 1794 après six mois d‘enseignement ininterrompu, ces deux jeunes femmes ont suivi les démonstrations pendant 14 mois répartis entre le printemps 1791 et le printemps 1794. Ces exemples ne sont en rien isolés puisque sur les 16 élèves gersoises du semestre 1793-1794, près de la moitié ont fait au minimum deux cours avant celui-ci203.

Les cours semestriels sont rares. Dans les Côtes-du-Nord, l‘arrêté du 28 juillet 1792 qui établit les attributions du chirurgien Bonnieu fixe cette durée pour le cours qui doit se tenir à Saint-Brieuc204.

[…] c‘est pourquoi je propose six mois d‘études, parce qu‘il est, sinon impossible, du moins très difficile, d‘acquérir en trois mois, les connoissances les plus nécessaires de l‘art des accouchemens. Je dirai mesme que si dans tous les états, le demi scavoir rend presque toujours entreprenant, et fait commettre des fautes, c‘est surtout dans l‘art d‘aider au moment souvent périlleux où elles vont devenir mères, que cette hardiesse de l‘ignorance est la plus funeste et la plus à craindre. Pour éviter ce malheur […] il serait donc à désirer que les commençans suivissent mes leçons pendant six mois consécutifs […]205

Unique mais porteur d‘inspirations ultérieures, le cours de Mâcon est fondé en 1782 par une délibération des États pour une durée d‘une année au total, répartie en deux semestres d‘internat. Il se poursuit jusqu‘en l‘an III avant d‘être interrompu, faute de fonds206. De manière plus surprenante peut-être, Paris est à la traîne du strict point de vue de la durée des cours. Le temps de formation à l‘Office des Accouchées est de trois mois207, et à partir de l‘an V, le cours d‘accouchement organisé pour les sages-femmes à l‘École de santé de Paris ne dépasse pas deux mois, alors que celui réservé aux étudiants en médecine est de quatre mois208. La qualité de la

203 Arch. dép. Gers, L 280, registre des élèves sages-femmes admises au cours gratuit et public des accouchements à Auch.

204 Arch. dép. Côtes-d‘Armor, 1 L 594, lettre des administrateurs départementaux des Côtes-du-Nord aux administrateurs du district de Broons, 17 frimaire an II.

205 Ibid., lettre du sieur Bonnieu aux administrateurs départementaux des Côtes-du-Nord, 23 juillet 1792.

206 Arch. dép. Saône-et-Loire, C 525, Délibération de la chambre d‘administration des États particuliers du Pays, Bailliage et Comté de Mâconnois, portant établissement d‘un cours gratuit d‘accouchemens et suites, du 7 janvier 1782 : « Art. III. Le cours d‘étude durera douze mois, en deux tems différens. Le premier sera de six mois complets et commencera le premier Novembre, pour finir le 31 avril suivant, jour auquel les Élèves seront renvoyées dans leurs Paroisses, pour vaquer aux travaux de la campagne, d‘où elles se rendront à Mâcon, au plus tard, le dernier jour du mois d‘Octobre qui suivra, pour commencer, le lendemain, le second cours d‘instructions, qui sera continué jusqu‘au 31 Avril d‘après » ; N 82, procès-verbal des délibérations du conseil général de Saône-et-Loire, an VIII.

207 Scarlett Beauvalet-Boutouyrie, Naître à l’hôpital…, op. cit., p. 27.

208 Arch. dép. Marne, 1 L 1248, lettre circulaire du directeur de l‘École de santé aux administrations centrales des départements de son ressort : « […] un pareil cours de deux mois sera ouvert au 1er thermidor prochain, immédiatement après le cours ordinaire des élèves de l‘École ; époque à laquelle il est fixé chaque année par les

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formation – et surtout de la formation clinique – ainsi que la sélection des élèves opérée par la maîtresse sage-femme à l‘Office des Accouchées compense cependant en grande partie la brièveté des cours. À l‘École de santé, les aspirantes se caractérisent généralement par un niveau d‘instruction primaire supérieur. Les élèves sages-femmes de ces deux institutions sont de ce fait plus instruites et plus attachées à la réussite de leur apprentissage que la plupart de leurs collègues provinciales, car elles constituent une infime élite par rapport à l‘ensemble des femmes formées dans le pays.

b) Recrutement et rémunération des démonstrateurs

Deux situations se rencontrent. Là où les cours n‘ont pas cessé entre l‘Ancien Régime et la Révolution, les professeurs nommés par les intendants et les assemblées provinciales sont restés en place. Énaux à Dijon, Nedey à Besançon, Chevreul à Angers, tout comme Robin à Reims et Mangin à Châlons, auréolés de leur expérience et de leurs réussites antérieures, ont conservé la confiance des administrateurs révolutionnaires et poursuivent leur enseignement, généralement avec un traitement identique. Seule différence, même si elle se révèle difficile à apprécier précisément : la perte des privilèges associés au statut de démonstrateur de l‘art des accouchements209. Exemptions fiscales, exemption du logement des gens de guerre, autant d‘avantages accordés en compensation de rémunérations souvent faibles, ou à tout le moins insuffisantes pour permettre à ce personnel enseignant de vivre de sa charge, disparaissent lors de la nuit du 4 août. Ne reste plus que le traitement fixé par les administrations départementales et qui est extrêmement variable d‘un lieu à l‘autre. La définition des attributions du démonstrateur entre évidemment en ligne de compte et la perspective d‘un cours annuel de deux ou trois mois comparée à celle d‘un enseignement continu et ambulant de district en district tout au long de l‘année aboutit à des montants très différents qui évoluent au fil de la période pour s‘adapter au « surhaussement des denrées ». En décembre 1791, le département de la Sarthe décide d‘accorder 500 livres à son professeur210. Moins généreuse, l‘Aube ne prévoyait l‘année précédente qu‘un traitement de 400 livres pour une durée d‘enseignement équivalente211. À l‘inverse, la Bretagne se montre d‘une grande libéralité. Que ce soit en Ille-et-Vilaine où le citoyen Brione reçoit en 1791 et 1792 un traitement annuel de 1 000 livres212, et où son collègue, Mahé, en perçoit le double213,

réglemens. Celui que je vous annonce aujourd‘hui doit avoir lieu pour remplacer le cours que l‘École n‘a pu ouvrir l‘an dernier au moment fixé par la loi » ; Arthur Marais de Beauchamp, Recueil des lois et règlements…, tome 1, op. cit., p. 43.

209 Jacques Gélis, La sage-femme ou le médecin…, op. cit., p. 127-128.

210 Arch. dép. Sarthe, arrêté de l‘administration départementale de la Sarthe, 10 décembre 1791.

211 Arch. dép. Aube, 5 M 32, arrêté de l‘administration départementale de l‘Aube, 8 février 1793.

212 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, L 965, lettre pour le paiement des appointements du sieur Brione, 23 mars 1793.

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ou dans des Côtes-du-Nord où le chirurgien Bonnieu est rémunéré 1 500 livres par an214, les honoraires paraissent calculés en fonction d‘un dévouement exclusif du démonstrateur à sa tâche. S‘il ne lui est en aucune manière interdit de pratiquer plus largement son art, les administrations de ces départements attendent néanmoins du professeur de l‘art des accouchements qu‘il consacre le principal de son temps à la formation de ses élèves. François Mahé demande d‘ailleurs en septembre 1792 quelques jours de congés pour régler ses affaires pendantes avant de pouvoir donner tout son temps à ses cours :

Je n‘aurois pas différé si long-tems à réclamer vos ordres à cet effet, si je n‘avois attendu de votre justice un congé qui me devient nécessaire pour mettre ordre à mes affaires domestiques, avant que de m‘éloigner davantage de mon domicile ; vu que mon intention est de ne pas mettre un jour d‘interruption entre mes futures leçons.

Un homme qui jouissait à Broons215 d‘une confiance non interrompue depuis dix ans, a nécessairement des comptes à terminer avec différens particuliers : ce qui est d‘autant plus pressant que bien des gens de mauvaise foi, pouvoient très bien me payer de prescription ; et il seroit bien disgratieux pour moi, avec la bonne volonté que j‘ai de servir ma patrie ; d‘unir aux sacrifices que je fais de mes propres intérêts, la perte de sommes assez considérables qui me sont dues dans le lieu de mes anciens exercices216.

Les obligations inhérentes à la fonction de professeur de l‘art des accouchements, ou selon une terminologie abrégée, professeur d‘accouchement (le titre remplace progressivement celui de démonstrateur), relèvent de ce que l‘on n‘appelle pas encore le service public. Lorsque la charge pédagogique occupe le médecin ou le chirurgien à plein temps, son assimilation à un fonctionnaire est évidente, comme le souligne Jean-Marie Vincent, successeur du chirurgien Bonnieu dans les Côtes-du-Nord, dans sa demande d‘augmentation en l‘an III217. Mais même quand la durée des cours est plus limitée dans le temps, la conscience d‘œuvrer pour le bien commun et de mériter à ce titre la reconnaissance pécuniaire de l‘État est présente sous la plume des démonstrateurs :

Pourquoi ne jouirons nous pas de même du bienfait de la loi ? Quoique nous ne soyons ni fonctionnaires publics, ni commis salariés par la Nation, ne remplissons-nous pas des fonctions aussi utiles que sacrées ?218

Plus remarquable encore, l‘intégration dans la fonction publique peut à l‘occasion s‘élargir aux élèves sages-femmes. Le statut de l‘apprentie accoucheuse ne connaît pas sous la Révolution d‘évolution décisive. Dans la continuité de l‘époque précédente, la participation des administrations départementales à l‘entretien des femmes qui viennent suivre les cours

214 Arch. dép. Côtes-d‘Armor, 1 L 594, arrêté de l‘administration départementale des Côtes-du-Nord, 9 fructidor an II.

215 Broons, dép. Côtes-d‘Armor, arr. Dinan, ch.-l. cant.

216 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, L 965, lettre du sieur Mahé aux administrateurs du département d‘Ille-et-Vilaine, 20 septembre 1792.

217 Arch. dép. Côtes-d‘Armor, 1 L 594, lettre du sieur Vincent, démonstrateur à Saint-Brieuc, aux administrateurs du département des Côtes-du-Nord, 3e jour complémentaire de l‘an III.

218 Arch. dép. Marne, 1 L 1248, lettre des chirurgiens Robin et Mangin aux administrateurs du département de la Marne, 28 floréal an III.

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d‘accouchement prend progressivement le pas sur celle des paroisses. La partition des rôles est désormais quasiment acquise : la commune certifie l‘indigence de la candidate et le département la défraie sur cette déclaration219. De là à considérer que l‘élève sage-femme est fonctionnaire public, le pas n‘est franchi qu‘une fois mais ce cas précis en dit long sur les attentes sociales dont les futures sages-femmes sont l‘objet. Au mois de ventôse an III, les élèves du cours d‘accouchement de Châlons adressent à l‘administration centrale de la Marne une pétition pour réclamer la révision de leur indemnité. La flambée des prix est ininterrompue depuis des mois et la valeur des sommes votées par le département pour l‘entretien de ces femmes se réduit à peau de chagrin. Les administrateurs ne balancent pas pour accorder l‘augmentation souhaitée ; voici la manière dont ils la justifient :

Vu aussi l‘avis du district de Chalons qui estime, vu le surhaussement des denrées, qu‘il y a lieu d‘accorder trois livres par jour à chacune des élèves qui se rendra à Chalons pour y suivre le cours d‘accouchement.

Vu la loi du 4 pluviôse qui détermine le mode des indemnités à accorder aux fonctionnaires publics, les administrations civiles et aux employés,

Le directoire du département de la Marne ; considérant que ceux des citoyens dont les traitements sont au-dessous de la 10e classe, doivent recevoir en indemnité une somme égale à leur traitement actuel, que ces dispositions quoi que non nommément dispositives aux élèves des cours d‘accouchements peuvent néanmoins leur être appliquées de manière que d‘après les principes qui se trouvent consignés dans la loi surénoncée, l‘indemnité de ces élèves qui les années précédentes étoient fixée à 15 s. doit être fixée à trente220.

Tentative maladroite pour fonder en droit civil la décision du département ou conviction que le futur personnel obstétrical des campagnes est quoi qu‘il arrive au service de la patrie, dans les deux cas, le lien établi entre fonctionnariat et place d‘élève sage-femme relaie des souhaits plus anciens. Que ce soit dans le projet valenciennois de 1771 ou au titre X, Secours à domicile, du projet présenté par Guillotin à l‘Assemblée nationale en 1791221, la vocation publique de la sage-femme a déjà sa généalogie. En envisageant, pour des raisons certes conjoncturelles, un statut d‘élève fonctionnaire, le département de la Marne inaugure une définition nouvelle et riche d‘avenir de la sage-femme en formation. Sur le moment, l‘innovation fait d‘ailleurs grincer des dents le chirurgien Mangin, professeur du cours, pour qui l‘intégration au sein du fonctionnariat devrait se faire à son profit avant même d‘être imaginée pour ses élèves222 :

D‘après l‘énoncé cy-contre du département [arrêté du 26 ventôse ci-dessus], je crois pouvoir vous observer que ces administrateurs ont mal saisis (sic) la loi du 4 pluviôse, qui ne me paroit, et à beaucoup d‘autres nullement applicable aux élèves du cours d‘accouchement, ni à ce qu‘on leur donne à titre de subsistance, elles ne sont rien, elles n‘ont ni qualités, ni caracthère public, encor

219 Jacques Gélis, La sage-femme ou le médecin…, op. cit., p. 150.

220 Arch. dép. Marne, arrêté du directoire du département de la Marne, 26 ventôse an III.

221 « Art. 13 : Les sages-femmes approuvées par l‘agence du département, domiciliées dans chaque canton, seront payées sur les fonds publics des soins qu‘elles auront donnés aux femmes enceintes inscrites sur la liste des pauvres. Elles recevront une somme déterminée pour chaque accouchement », dans Émile Laurent, Jérôme Mavidal, Archives

parlementaires de 1787 à 1860…, op. cit., t. 30, Annexes, p. 40.

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moins des appointemens annuels ; ce sont de pauvres femmes de campagne à qui l‘on accorde très petitement de quoi subsister les deux mois que dure le cours dans une ville où les commestibles sont hors de prix […]223.

c) La voie du concours

L‘affirmation d‘un « caracthère public » se double enfin d‘une manière nouvelle de recruter les démonstrateurs pour les cours d‘accouchements : le concours. Comme la plupart des évolutions de cette période, il est impossible d‘en faire une loi générale et les administrateurs départementaux n‘ont recours à cette méthode que dans des circonstances bien précises : en cas d‘interruption temporaire des cours et donc de vacance du poste de professeur. Le concours