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L’Assemblée nationale décrète… un retour aux sources des années 1770 ?

Sages-femmes en Révolution

A. L’héritage et ses figures

3. L’Assemblée nationale décrète… un retour aux sources des années 1770 ?

Sous l‘Ancien Régime, plusieurs tentatives de coordination des cours d‘accouchement provinciaux par le Contrôleur général des Finances ont marqué une première prise de conscience de la nécessité d‘organiser d‘en haut la formation des sages-femmes46. Encouragements à la publication de manuels, envois d‘ouvrages par dizaines dans chaque intendance, les initiatives sont à la mesure du pouvoir centralisateur limité du gouvernement monarchique. Imposer de Paris un modèle applicable dans toutes les provinces est matériellement impossible et n‘entre sans doute pas dans les intentions de la royauté. Au mieux est-il envisageable de proposer un type de fonctionnement local à reprendre et adapter, comme le fait Necker en 1780 lorsqu‘il transmet le plan choisi par l‘intendant du Cluzel dans la généralité de Tours47. Seule action d‘envergure nationale assumée par le gouvernement : le défraiement d‘Angélique du Coudray et de sa nièce, Marguerite Coutanceau, dans la suite logique du brevet de 175948. Ces pensions sont d‘ailleurs les premières visées lorsque l‘Assemblée nationale met à son ordre du jour en septembre 1790 l‘instruction des sages-femmes. La décision de confier aux départements le soin de financer cet

45 Motion d‘ordre de Jean-François Baraillon, lors de la séance du 14 nivôse an V du Conseil des Cinq-Cents, dans Arthur Marais de Beauchamp, Enquêtes et documents relatifs…, op. cit., p. 223-224.

46 Jacques Gélis, La sage-femme ou le médecin…, op. cit., p. 91-92 et 100.

47 Ibid., p. 131 ; Mémoire instructif pour l’inspecteur et les chirurgiens démonstrateurs établis en différents lieux de la Généralité de

Tours pour l’instruction des femmes de campagnes dans l’art des accouchements, cf. Louis Dubreuil-Chambardel, L’enseignement des sages-femmes en Touraine, Paris, Honoré Champion, 1911, p. 56.

48 Angélique du Coudray, quatre ans après son installation à Thiers et le début de son activité comme démonstratrice, reçoit en octobre 1759 un brevet royal l‘autorisant à enseigner l‘art des accouchements dans l‘ensemble du royaume,

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enseignement remet en cause le maintien des pensions annuelles à ces deux femmes et la question est rapidement tranchée :

M. Lebrun49, rapporteur, […]. L‘article de 5 500 livres ne peut être regardé désormais que comme un traitement particulier ; et c‘est au comité des pensions d‘en proposer à l‘Assemblée, ou la conservation, ou la suppression, ou la réduction. En conséquence nous vous proposons le renvoi au comité des pensions. (Cette proposition est adoptée.)

M. Camus50 présente des observations relativement à Mmes de Coudray et du Coutenceau ; l‘Assemblée nationale décrète que la dame du Coudray sera renvoyée au comité des pensions sur les demandes qu‘elle pourra y présenter ; qu‘à l‘égard de la dame de Coutenceau, son traitement lui sera continué par provision, à la charge pour elle de continuer ses instructions, aussi par provision […]51.

Les problèmes pécuniaires réglés, les députés chargent les comités de Constitution et de Mendicité de « présenter à l‘Assemblée un plan pour l‘instruction des sages-femmes dans les départements »52. Cette demande constitue le point de départ de tout le travail législatif effectué sous la Révolution et le Consulat ; elle pose l‘enseignement obstétrical à destination des sages-femmes en compétence relevant pour son organisation de fond du corps législatif.

Si l‘expression officielle de ce choix est nouvelle, l‘idée en revanche plonge ses racines dans les décennies précédentes. On la trouve de façon générale dans l‘implication évoquée plus haut du Contrôleur général des Finances, et de façon plus précise dans un projet de règlement de cours d‘accouchement remis à ce dernier au début des années 1770. Ce document véritablement exceptionnel, resté inédit à ce jour, mérite d‘être présenté en détail.

1771 ou 1772, Valenciennes, hôtel de l‘intendance du Hainaut. Louis Gabriel Taboureau des Réaux53, intendant depuis 1764, rédige un Règlement à l’effet d’instruire les sages-femmes des provinces qui ont la témérité d’exercer l’art des accouchemens sans le connoître et à l’effet d’en former successivement dans les écoles établies dans cette vue, à l’effet pareillement de subvenir aux dépenses en faveur de l’instruction des

49 Charles François Lebrun (Saint-Sauveur-Lendelin (Manche), 1739 – Saint-Mesme (Yvelines), 1824), député à l‘Assemblée constituante.

50 Armand-Gaston Camus (Paris, 1740 – Montmorency, 1804), fils d‘un procureur au Parlement de Paris, avocat, il est élu député du Tiers par la ville de Paris. Président de l‘Assemblée constituante en octobre-novembre 1789, il fait voter l‘année suivante la Constitution civile du clergé. À partir du mois d‘août 1789 et jusqu‘à sa mort, il exerce les fonctions d‘archiviste national et de bibliothécaire du corps législatif, et se trouve à l‘origine de la création des Archives nationales.

51 Émile Laurent, Jérôme Mavidal, Archives parlementaires de 1787 à 1860…, t. 18, op. cit., p. 560.

52 Le comité de Constitution est créé le 3 juillet 1789 pour organiser le travail sur la nouvelle constitution. Pendant la Constituante, il s‘occupe simultanément de la mise en place des nouvelles institutions administratives du territoire et des questions de législation. Le comité de Mendicité est créé pour assurer la répartition des sommes recueillies pour les indigents après l‘hiver 1789. Il étudie les questions relatives au paupérisme, à la bienfaisance et aux secours sous toutes leurs formes. Il est réuni sous la Législative au comité de Salubrité pour former le comité des Secours publics. À cette date, l‘enseignement de la médecine, qui faisait partie des attributions du comité de Salubrité, passe au comité d‘Instruction publique.

53 Louis Gabriel Taboureau des Réaux (Paris, 1718 – Paris, 1782), après avoir été président du Grand conseil, il reçoit une commission d‘intendant pour la généralité de Hainaut, et reste en poste à Valenciennes jusqu‘en 1775. À cette date, il devient conseiller d‘État semestre puis Contrôleur général des Finances entre 1776 et 1777 (démissionnaire), cf. Michel Antoine, Le gouvernement et l’administration sous Louis XV, dictionnaire biographique, Paris, Éditions du CNRS,

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femmes ignorantes et des femmes qui désireroient apprendre l’art des accouchemens54. Le titre est ambitieux, le texte pareillement. Il prend la suite d‘un Mémoire sur la conservation des enfans envoyé au même moment ou peu auparavant à l‘abbé Terray55, Contrôleur général des Finances, classé avec notre Règlement dans un dossier intitulé Ce qui s’est passé en Haynaut pour l’instruction des sages-femmes et la conservation des enfans. Projet de règlement à cet égard.

Au premier abord, rien ne semble différencier ce projet de règlement de nombre d‘autres qui arrivent dans les années 1770 et 1780 dans les dossiers du Contrôle général. On peut même affirmer qu‘à l‘époque de sa rédaction, le texte de Taboureau des Réaux bénéficie moins que d‘autres de la diffusion exemplaire que réserve cette administration à des projets comme celui de l‘intendant tourangeau du Cluzel. Comme l‘ensemble des archives du Contrôle général, il change de mains au début de la Révolution avant l‘organisation d‘un ministère de l‘Intérieur au mois d‘octobre 1791. Étant donné l‘objet du texte et son actuel classement au sein de la sous-série F15, Hospices et secours, des Archives nationales, il est probable que le dossier sur la formation des sages-femmes dans le Hainaut ait rejoint au cours de l‘année 1790 les fonds du comité de Salubrité56 devenu comité des Secours publics sous la Législative après sa fusion avec le comité de Mendicité57. Sa proximité immédiate au sein de la liasse avec le rapport en date du 12 février 1791 d‘une commission du conseil municipal de la ville de Paris, recommandant d‘adresser au comité de Mendicité le mémoire pour l‘établissement d‘un « séminaire de médecine pour l‘enseignement théorique et pratique de l‘art des accouchements, des maladies des femmes et de la conservation des enfants » peut laisser supposer que les deux documents ont fourni, chacun à sa manière, de la matière aux réflexions du comité en charge de plancher sur l‘instruction des sages-femmes58.

Le Règlement de Taboureau des Réaux détonne dans le paysage général des projets ou règlements de cours d‘accouchement. Conçu comme un document de travail, il n‘est ni signé, ni

54 Arch. nat. F15/1861, Documents divers sur des institutions de bienfaisance, des cours d‘art médical et vétérinaire, sur la mendicité, les incendies, grêles et inondations dans les départements, 1790-1793. Voir Annexe 10.

55 Joseph Marie Terray (Boën, Loire, 1715 – Paris, 1778), contrôleur général des finances (1771-1774).

56 Le comité de Salubrité de la Constituante est créé le 12 septembre 1790. Il reçoit la charge de s‘occuper de l‘enseignement et de l‘art de guérir, des écoles, hôpitaux et maisons de santé sous le rapport de la salubrité publique. Au moment de la réunion avec le comité de Mendicité, les attributions concernant l‘enseignement de la médecine passe au comité d‘Instruction publique. Sa création est le résultat de la volonté du docteur Guillotin, professeur d‘anatomie à la faculté de médecine de Paris et député du Tiers. Le comité de Salubrité, tout d‘abord dénommé comité de Santé, compte 17 membres médecins et 17 membres non médecins, cf. Jacques Léonard, Les médecins de

l’Ouest…, op. cit., p. 211-212 mais aussi Henry Ingrand, Le Comité de salubrité de l’Assemblée nationale constituante (1790-1791), un essai de réforme de l’enseignement médical, des services d’hygiène et de protection de la santé publique, Paris, M. Vigné,

1934, in-8°, 174 p.

57 Introduction par Denis Devos de la sous-série F15, Hospices et secours, dans l‘État général des fonds, tome II, 1978.

58 Un reclassement thématique postérieur qui expliquerait le rapprochement des deux documents est à écarter car « on n‘a pas cherché, au moment de la constitution des articles, à imposer à ces documents de classement méthodique », R. Anchel et H. Jassemin, Introduction à la sous-série F15, Hospices et Secours, dans l‘État sommaire des

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daté, à l‘instar du Mémoire sur la conservation des enfans. Les deux textes sont cependant de la même main et leur contenu permet à coup sûr d‘en déterminer l‘origine : les bureaux de l‘intendance du Hainaut, et plus certainement encore celui de Louis-Gabriel Taboureau des Réaux lui-même, puisque le Mémoire consacre un long passage aux péripéties de son organisation des cours pour les sages-femmes à Valenciennes. Alors que les cours sont d‘abord confiés à un chirurgien anatomiste désargenté, le sieur Duchesne, la mort prématurée de ce dernier incite l‘intendant à se tourner vers le chirurgien Raulin, démonstrateur déjà remarqué par le gouvernement royal. Raulin a publié en 1768 à Paris son ouvrage intitulé De la conservation des enfans, ou les moyens de les fortifier, de les préserver et guérir des maladies59, et ses Instructions succintes sur les accouchemens en faveur des sages-femmes de province ont été composées en 1770 « sur ordre du ministère »60. Dans la foulée de son expérience valenciennoise, Taboureau des Réaux propose donc d‘élargir ce modèle de cours d‘accouchement à l‘ensemble du royaume et soumet au Contrôleur général des Finances un Règlement en 32 articles embrassant toutes les facettes de la formation des sages-femmes et de l‘exercice de leur métier. Plusieurs axes essentiels structurent ce plan : la mise en place d‘un statut professionnel et social spécifique de la sage-femme, l‘encadrement exigeant de la formation et de son contrôle, la surveillance nationale de l‘ensemble du système établi, le tout fonctionnant en étroite imbrication.

Le point de départ est un état des lieux à faire établir par généralité (art. 1)61. L‘enquête prévue comporte un relevé nominatif des accoucheuses, par paroisse, de leur niveau de compétence, de leur reconnaissance officielle (réception par une communauté de chirurgiens), ainsi qu‘un bref tableau démographique et social du lieu où elles exercent. Les intendants ont la charge de faire remonter les résultats de cette enquête au Contrôle général et au secrétaire d‘État « ayant le département de la province »62 (art. 2). On trouve ici le schéma de l‘enquête lancée par Calonne63 en 1786, avec la même dissociation de la réception et de la compétence, trait fondamental du projet de Taboureau des Réaux64. L‘attention portée au cadre d‘exercice dans le Règlement (nombre d‘habitants, aisance de la paroisse) montre d‘ailleurs une sensibilité à la notion d‘encadrement obstétrical de la population ainsi qu‘à l‘équilibre à trouver entre l‘assistance charitable due par la sage-femme aux indigentes et la rémunération nécessaire à sa subsistance. La

59 Raulin, De la conservation des enfans, ou les moyens de les fortifier, de les préserver et guérir des maladies, etc., Paris, 1768, 2 vol. in-8°. L‘ouvrage est republié et augmenté en 1779 puisqu‘il compte à ce moment-là trois volumes.

60 Raulin, Instructions succintes sur les accouchemens en faveur des sages-femmes de province, faites sur ordre du ministère, 2e édition revue et augmentée par l‘auteur, Paris, Vincent, 1770, in-12, VIII-256 p.

61 Pour le texte complet du Règlement, voir Annexe 10.

62 Il s‘agit du secrétaire d‘État à la Maison du Roi, Louis Phélypeaux, marquis de la Vrillière et comte de Saint-Florentin, au moment de la rédaction du projet.

63 Charles Alexandre de Calonne (Douai, 1734 – Paris, 1802), contrôleur général des finances (1783-1787).

64 Les cinq critères de l‘enquête de 1786 sont le lieu du domicile des sages-femmes, leur nom et âge, l‘école où elles ont été reçues et la manière dont elles exercent leur état, cf. Jacques Gélis, « L‘enquête de 1786 sur les sages-femmes du royaume », art. cité, p. 299-343.

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présence d‘une attestation des magistrats, curé et notables de la communauté d‘origine affirmant le besoin d‘une sage-femme dans la définition de l‘agrément de l‘aspirante sage-femme (art. 15) justifie la formation par le besoin sanitaire local et impose à sa détentrice l‘obligation d‘accorder gratuitement ses services aux femmes pauvres.

L‘enquête préalable sur l‘état des sages-femmes dans le royaume constitue le premier pas vers une surveillance pérenne et nationale de ce corps professionnel. À cet effet, l‘intendant propose la mise en place d‘un enregistrement systématique des lettres de réception des sages-femmes, à conserver dans les archives du département de la Maison du Roi « pour y avoir recours dans l‘occasion selon les circonstances » (art. 19). L‘objet est donc de disposer en permanence d‘un registre tenu à jour de toutes les sages-femmes autorisées à exercer, instrument de règlement définitif des conflits pouvant s‘élever sur la légitimité de telle ou telle accoucheuse. L‘échelon provincial reçoit la mission de transmettre toutes les informations nécessaires à l‘échelon national, désormais pourvu du pouvoir ultime de décision dans ce domaine, puisque détenteur unique de la copie de tous les documents faisant foi. À compétence spécifique, instance spécifique. Taboureau des Réaux prévoit la création d‘un « bureau à la tête duquel seroit M. le lieutenant de police de la ville de Paris, ou tel autre conseiller d‘État qu‘on jugeroit à propos de choisir pour avoir la correspondance générale » (art. 2). Ce bureau, placé sous l‘autorité (et sans doute dans les locaux) du secrétariat d‘État à la Maison du Roi, comporte donc une direction administrative et politique, lieutenant de police de Paris ou conseiller d‘État, et une direction spécialisée en la personne d‘un « inspecteur des écoles gratuites d‘accouchement » (art. 12). La correspondance concernant l‘instruction des sages-femmes doit être centralisée et adressée au bureau compétent ou au secrétaire d‘État si le bureau n‘est pas encore organisé. Les réponses faites par l‘inspecteur ne le sont jamais à titre personnel mais au titre du bureau et après consultation de la direction administrative et politique (art. 14). Bien plus qu‘un rôle de surveillance ou qu‘une possibilité de recours, le Règlement de l‘intendant du Hainaut accorde au secrétaire d‘État en charge de ce domaine une double capacité de sanction des sages-femmes récalcitrantes par privation d‘une partie des privilèges concédés au métier (art. 27), et de reconnaissance de leurs services par maintien de ces privilèges au-delà de la fin d‘exercice de la profession (art. 24).

La référence nationale est donc clairement affirmée. Elle repose sur un ensemble de caractéristiques qui ont vocation à former la base du statut de la sage-femme à compter de l‘exécution de ce que l‘auteur définit comme un « projet de règlement de grande police ». L‘instruction dans l‘art des accouchements constitue le principe essentiel. Elle devient obligatoire pour exercer (art. 3) et doit impérativement correspondre à la définition qui en est donnée dans le Règlement, c'est-à-dire « deux cours au moins pendant deux mois de chacune des deux années

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consécutives les plus prochaines » (art. 16). Le projet instaure une première dichotomie à l‘intérieur de la profession en distinguant assez logiquement les sages-femmes non reçues et les « aspirantes », dont on attend néanmoins qu‘elles sachent lire et écrire, des sages-femmes reçues (art. 15). Il met en place pour le premier groupe un cursus particulier qui implique, pour accéder au cours d‘accouchement, l‘obtention d‘un agrément de l‘intendant à partir de certificats remis par la communauté d‘origine (ou celle dans laquelle la future sage-femme souhaite s‘installer). Ces documents sont délivrés par les autorités politiques (juges), morales (curés) et sociales (notables) de la paroisse et comportent la justification du besoin d‘une accoucheuse ainsi qu‘un certificat de bonne vie et mœurs. Le diplôme obtenu à l‘issue des cours n‘est d‘ailleurs valable que pour « le lieu où elle aura été agréée », liant dès le début l‘aspirante à un ressort particulier d‘exercice (art. 16). La possession de l‘agrément donne à l‘aspirante sage-femme le titre officiel « d‘apprentie dans l‘art des accouchemens ». Ce titre n‘est pas qu‘une simple dénomination : c‘est la première étape de l‘intégration au corps des sages-femmes et son port est conditionné à l‘approbation initiale de l‘intendant. L‘apprentie se présente au bout des deux cours pour être reçue par la communauté de chirurgiens de la ville où se déroule le cours, sur avis du démonstrateur. Une série de clauses règle les conditions de subsistance des aspirantes indigentes en imputant leur entretien à la communauté qui les a agréées ou, à défaut, aux fonds de l‘intendance (art. 17). Les conditions de présentation devant le corps des chirurgiens prévoient de même pour les indigentes la gratuité des frais de réception (art. 16).

Le statut d‘apprentie ne concerne cependant pas que les élèves sages-femmes. Il s‘étend aussi à une catégorie de sages-femmes « adjointes ». Les sages-femmes reçues disposent du droit de s‘attacher une aide qui obtient l‘autorisation de porter le titre d‘apprentie, après avoir suivi, à ses frais et avec l‘accord de sa communauté de résidence, un seul cours d‘accouchement (art. 21). Cette adjointe n‘a pas d‘obligation de poursuivre sa formation. Elle peut se contenter de ce statut qui lui permet d‘exercer « sous la conduite des sages-femmes reçues par la communauté ou paroisse de leur établissement », et d‘être payée de ses services lorsque ses clientes en ont les moyens, mais lui impose d‘accepter d‘accoucher et de soigner des femmes pauvres « sous peine d‘interdiction » et ne lui accorde pas le bénéfice des prérogatives inhérentes au statut supérieur de sage-femme. La poursuite longue et continue de cette activité et la bonne renommée de l‘apprentie lui ouvrent la possibilité de porter le titre – dans ce cas purement honorifique – de sage-femme. Néanmoins, seul le suivi d‘un second cours d‘accouchement (la clause de consécutivité disparaît dans ce cas), l‘obtention de lettres de maîtrise et l‘agrément final – et non plus initial – de l‘intendant en font une sage-femme à part entière, susceptible de succéder à sa « tutrice » (art. 22).

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L‘une des originalités du Règlement à l’effet d’instruire les sages-femmes des provinces réside dans la défiance qu‘il exprime à l‘égard des formations et des réceptions antérieures à l‘ordre du projet. Le texte envisage deux cas de figures qui ont vocation à assurer la transition entre la situation actuelle et celle appelée à devenir la norme : les sages-femmes rurales reçues et les sages-femmes reçues dans des villes « privilégiées », c'est-à-dire où se trouvent un parlement, une université avec faculté de médecine ou un collège de chirurgie (art. 25). Les sages-femmes de la campagne capables de prouver leur réception et une formation anciennes sont a priori dispensées du suivi des cours, mais elles ont l‘obligation d‘en fournir des preuves écrites et de se soumettre gratuitement à un examen devant « le lieutenant du premier chirurgien du Roy, le prévost et le