• Aucun résultat trouvé

Partie 2 Etude de cas : enseignement/apprentissage du chinois en SIC à Shanghai vu par les acteurs 47

1.   Le choix d’échanges spontanés en focus groups 61

Afin de proposer à ces jeunes collégiens un mode de rencontre adapté à leur âge, et susceptible d’offrir les conditions favorables à un échange naturel et spontané, nous avons rapidement opté pour l’organisation de focus groups (ou groupes focalisés). Après une présentation de nos jeunes enquêtés, nous reviendrons sur les modalités de l’organisation matérielle de ces rencontres, avant de porter un regard critique sur leur déroulement.

1.1. Des enquêtés aux profils très variés

Notre choix ne s’est pas arrêté par hasard sur ce petit groupe d’élèves de 6ème en SIC. Nous connaissons bien l’une des jeunes filles, et c’est grâce à elle que notre attention s’est portée sur ces trois filles et ces quatre garçons : nos discussions nous ont en effet permis de réaliser à quel point ce petit groupe était représentatif de l’hétérogénéité du public d’apprenants en SIC. Afin d’être en mesure de les présenter de manière précise, nous leur avons remis, en préambule aux entretiens, un questionnaire quantitatif écrit (Annexe 7, p.137), relatif à leur vie à Shanghai, à leur scolarité au LFS et à leur profil familial. Précisons qu’ils sont tous les six âgés de onze ans au moment de l’entretien.

Parmi les filles, J. a un profil métissé, elle est franco-chinoise et a fait son entrée au LFS en petite section de maternelle, avant d’intégrer la SIC en grande section. Elle parle un peu chinois avec son père, mais le français est la langue la plus couramment parlée en famille, et avec son frère et sa mère.

S. est également arrivée à Shanghai pour son entrée en maternelle, et a opté pour la SIC dès la moyenne section. Son père est d’origine marocaine et sa mère d’origine coréenne ; ces deux parents plurilingues ont choisi le français comme langue commune à la famille, langue que S. utilise également exclusivement avec ses deux sœurs.

Enfin, Lo. est née à Shanghai de parents belges néerlandophones, elle a effectué toute sa scolarité au LFS, en-dehors de quelques années de primaire suivies dans une école chinoise

62

privée. Dès son retour au LFS en CM1, elle a été inscrite en SIC. Avec ses parents plurilingues, ainsi qu’avec sa sœur, elle parle exclusivement néerlandais.

Les trois filles ont indiqué rentrer en Europe (France ou Belgique) une fois par an, l’été, pour rendre visite à leur famille.

Parmi les garçons, T. et Lu. présentent un profil biculturel franco-chinois. Tous deux ont un père d’origine française et une mère d’origine chinoise ; T. est né à Shanghai et est entré au LFS en classe de CP, pour intégrer la SIC en CM1. Lu. a quant à lui vécu à Pékin avant de s’installer à Shanghai avec sa famille, il a intégré le LFS et la SIC en CE1. Pour ces deux garçons, les parents semblent avoir instauré le principe de « un parent, une langue », sur le modèle de Ronjat (Déprez, 2013 : 60), puisqu’ils indiquent parler français avec leur père et chinois avec leur mère. La langue utilisée avec la fratrie est exclusivement le français dans le cas de Lu., c’est un mélange de français et de chinois chez T. Chacun d’eux rentre en France une à deux fois par an, pour les grandes vacances et Noël.

A. est le seul enquêté à présenter un profil familial mono-culturel. Ses deux parents sont d’origine française, mais parlent aussi anglais et un peu chinois. A. habite à Shanghai depuis plus de huit ans, il a intégré le LFS et la SIC en classe de CE2. La langue de la maison est exclusivement le français et il rentre en France à l’occasion des grandes vacances.

O. a passé toute son enfance à Shanghai. De père danois et de mère française, le plurilinguisme est au cœur de la vie de la famille. O. a intégré le LFS et la SIC en classe de CE1, il parle français et un peu danois avec son père, français avec sa mère et son frère. Après cette brève présentation, essayons d’apporter quelques précisions relatives à l’organisation de nos deux focus groups : l’un nous a permis de réunir les filles, l’autre les quatre garçons.

1.2. Planification et déroulement des rencontres : le défi shanghaien

Cette méthode de recueil de données présente l’intérêt de pouvoir regrouper plusieurs enquêtés au cours d’un même entretien, en leur proposant un thème de discussion/réflexion. Chacun est invité à intervenir au gré de son inspiration, ou en réaction aux interventions des autres enquêtés. Cette méthode nous a semblé particulièrement adaptée à ce public, et présentait l’intérêt de pouvoir initier une discussion de manière moins formelle et figée qu’un entretien semi-directif, tout en permettant aux enquêtés de confronter leurs idées. Afin que la liberté d’expression au sein des focus groups ne soit pas

entravée par des considérations liées à leur entrée dans l’adolescence, nous avons préféré rencontrer séparément filles et garçons. Dans le cadre de ces deux entretiens par focus

group, nous avons cumulé les rôles d’animatrice et d’observatrice, veillant, avec l’accord

des enquêtés et de leurs parents, à enregistrer les séances dans un but de transcription des données. Nous avons fait en sorte, en transcrivant leurs propos, de leur garantir l’anonymat.

D’un point de vue matériel, la planification des focus groups s’est déroulée par prise de contact avec les parents, que nous ne saurions suffisamment remercier pour leur compréhension et leur coopération teintées d’enthousiasme, ainsi que pour la confiance accordée dans le cadre de ce projet. Compte tenu des distances importantes qui séparent les domiciles des différents collégiens, la logistique à Shanghai ne constitue pas un simple détail.

Rendez-vous a été pris avec les filles un dimanche après-midi, chez J., donnant aux trois copines l’occasion de clôturer l’entretien par un goûter et quelques jeux. Par l’intermédiaire de la maman de l’un des garçons, nous avons eu la chance d’entrer en contact avec les parents des autres garçons, et appris avec surprise qu’ils étaient particulièrement soudés et complices. Rendez-vous a été pris chez A., un samedi après- midi, l’entretien fut une incursion dans le programme prévu avec ses copains pour fêter son anniversaire !

Du côté des filles comme du côté des garçons, les conditions idéales étaient donc réunies pour laisser libre cours à la parole de chacun(e), dans une atmosphère conviviale et détendue.

En nous appuyant sur les thèmes prévus à notre guide d’entretien28, nous avons tenté, en notre qualité d’animatrice du focus group, d’encourager les enquêtés à partager avec nous leur expérience d’élèves de 6ème en SIC. Leur jeune âge explique peut-être en partie pourquoi nous avons dû à de nombreuses reprises relancer la réflexion et la conversation.

1.3. Regard critique méthodologique

Rencontrer les élèves de 6ème SIC fut une expérience très enrichissante, qui nous a permis de quitter le point de vue de parent pour nous positionner du côté des apprenants. Filles et garçons ont été très coopératifs et se sont pris au jeu du focus group avec le plus

64

grand sérieux, en veillant à apporter pour chacun des thèmes abordés un maximum d’informations et d’éléments. Leur enthousiasme a d’ailleurs parfois rendu la transcription de leurs échanges délicate, les chevauchements compliquant l’identification de l’auteur de certains tours de parole. Nous avons malgré tout veillé à transcrire avec la plus grande rigueur chacune des interventions des enquêtés.

Les transcriptions des deux entretiens29 mettent en évidence nos interventions trop fréquentes d’animatrice, et nous regrettons de ne pas être parvenue à rester en retrait. Avec les filles, la réserve apparente des enquêtées a nécessité de nombreuses relances, prenant parfois la forme de réponses induites. Nous déplorons également la récurrence de questions fermées ; les réponses apportées par les enquêtées ont parfois pu être orientées ou influencées par nos interventions, réduisant ainsi l’éventail des données recueillies. L’objet de l’entretien et de notre démarche n’a peut-être pas été bien compris, il aurait convenu de développer davantage la partie introductive du focus group et la consigne. Malgré un certain manque de spontanéité dans les échanges, les enquêtées nous ont livré de nombreux éléments très intéressants sur leur expérience d’apprenantes en SIC, abordant les méthodes d’enseignement, leur relation avec les enseignantes chinoises ou encore le comportement des garçons de leur groupe SIC. Finalement, un focus group mixte aurait peut-être permis une confrontation plus animée des points de vue des élèves !

Nous retenons de l’entretien réalisé avec les garçons le souvenir de leur attitude très coopérative et très active ; à plusieurs reprises ils ont pris la parole sans avoir besoin d’y être invités, et l’interaction s’est mise en place de manière plus spontanée qu’avec les filles. Plus surpris par ma démarche, les questions abordées pendant l’exposition de la consigne leur ont peut-être permis de mieux comprendre mon objectif et l’objet de nos échanges.

Enfin, précisons que nos rencontres avec les enquêtés se sont déroulées en milieu d’année scolaire, début décembre avec les filles, mi-janvier avec les garçons, de manière à nous assurer qu’ils aient suffisamment de recul par-rapport à leur entrée en 6ème SIC, et acquis suffisamment d’expérience en tant que collégiens pour garantir la richesse de ce recueil de données. Afin d’organiser la sélection des données, nécessaire à notre travail de réflexion, nous avons élaboré une analyse thématique pour chacun des focus groups. L’analyse des

propos des filles30 et celle des discussions des garçons31 ont inspiré la structure de ce projet.