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Partie 2 Etude de cas : enseignement/apprentissage du chinois en SIC à Shanghai vu par les acteurs 47

2.   La Section Internationale Chinois au LFS 38

Après avoir abordé au chapitre précédent la création de la SIC au sein de l’Education nationale française, intéressons-nous à présent au mode de fonctionnement de cette section dans le contexte de cet établissement français en République Populaire de Chine.

2.1. Une section ouverte à tous, la quête de l’épanouissement personnel

Le Responsable du LFS que nous avons rencontré est en charge du secondaire sur le campus de Qingpu. Il nous a fait part des effectifs suivants en SIC pour l’année 2016- 2017 : dix élèves en terminale, toutes filières confondues, douze élèves en première ainsi qu’en seconde, dix-neuf collégiens en 3ème, dix en 4ème, quatorze en 5ème et seize en 6ème. Au-delà des chiffres, la volonté exprimée par l’établissement demeure d’ouvrir la SIC à tous, et de considérer que la section est destinée tant à un public d’apprenants sinophones que d’enfants non sinophones. Toutefois, le Proviseur-adjoint nous a fait remarquer qu’au LFS la SIC est malgré tout composée d’une majorité d’enfants franco-chinois ou d’origine chinoise. Si au niveau de l’entrée en SIC dès la moyenne section de maternelle aucune sélection n’est effectuée, un diagnostic linguistique sera réalisé pour toute inscription en cours de scolarité. Ce test de langue est réalisé par la coordinatrice de l’enseignement du chinois, et vise à connaître le niveau réel de l’enfant. Quel que soit ce niveau, la politique de l’établissement consiste à respecter avant tout le choix de la famille, et un accompagnement personnalisé peut être mis en place pour une intégration progressive de la SIC au cours de l’année. Monsieur le Proviseur-adjoint insiste pendant nos échanges sur l’importance de l’épanouissement personnel de l’élève : il est d’après lui essentiel que l’élève choisisse la filière lui convenant le mieux personnellement.

Observons que cette approche du LFS est conforme aux directives de l’AEFE, qui prône le principe selon lequel « tous (les élèves) ont vocation à recevoir une éducation bilingue et

biculturelle, à réaliser le métissage heureux de deux langues et de deux cultures, auxquelles ils appartiennent par naissance ou par choix ».16

L’ouverture à divers profils d’apprenants appliquée au LFS correspond par ailleurs aux directives de l’Education nationale française :

« Les sections internationales scolarisent ensemble des enfants de familles étrangères installées en France, des enfants binationaux, des enfants français ayant effectué une partie de leur scolarité dans un pays où est parlée la langue de la section ou, plus généralement, attestant d'un niveau suffisant dans cette langue »17

Toutefois, les tests de langue - préalables à une inscription à partir d’un certain niveau scolaire - laissent entrevoir la prise en compte de connaissances « déjà-là », et nous permettent d’anticiper les éventuelles difficultés rencontrées dans ces sections par des élèves n’ayant pas ou peu l’occasion d’utiliser la langue de la section en-dehors de l’école. Nous rejoignons ici une conception des SI18 suggérant qu’elles « sont réservées à des élèves déjà bilingues » (Hélot dans Hélot et Erfurt, 2016 : 371). Notre enquête auprès de jeunes collégiens nous permettra de présenter plus en détails les profils variés d’apprenants en SIC au sein du LFS.

2.2. Le fonctionnement didactique de la SIC au LFS

L’objectif fixé par le LFS en SIC est clairement défini sur son site internet19 à la rubrique « pédagogie » : approfondir un haut niveau de langue chinoise tant à l’oral qu’à l’écrit, approfondir la connaissance de la culture et de la littérature chinoises à travers un enseignement dispensé par des enseignants chinois ou issus du système éducatif chinois, et approfondir les connaissances de la culture du pays de la section, désigné par l’AEFE comme le « pays-hôte ». Ce parcours scolaire est décrit comme profondément plurilingue par l’équipe pédagogique du LFS, et s’appuie sur un taux horaire significatif d’enseignement en chinois : ainsi, comme nous l’avons précédemment évoqué, les collégiens bénéficient de cinq heures de cours de langue et littérature chinoises par semaine, de deux heures d’enseignement des mathématiques en chinois, et d’une heure d’enseignement des arts plastiques en langue chinoise. Le chinois a le statut de LV1 (langue vivante 1), l’anglais devient LV2 (langue vivante 2) et les élèves peuvent choisir

16www.aefe.fr, « Pour une éducation plurilingue : la politique des langues de l’AEFE », 09/07/2015 : 9 17http://eduscol.education.fr/cid45721/de-nition-objectif.html : Modalités d’admission des élèves en section

internationale

18 Sections Internationales 19 www.lyceeshanghai.com

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entre l’espagnol et l’allemand en LV3 (langue vivante 3) dès la classe de 5è, suite à la dernière réforme de l’Education nationale. Les élèves de SIC ont la possibilité de préparer l’option internationale du DNB en 3ème, et de poursuivre en OIBC en première et terminale. Cette description de la répartition horaire des cours de SIC suggère une approche essentiellement monolingue de ces enseignements, les langues étant enseignées de manière distincte, malgré, nous y reviendrons, des incursions de la part des élèves ou des enseignants dans l’une ou l’autre langue pendant les cours. La brochure descriptive du LFS ne mentionne pas spécialement de projets interculturels ou interdisciplinaires, mais notre rencontre avec des acteurs-clefs de l’équipe pédagogique nous permettra de présenter certains projets répondant à ces caractéristiques.

Un entretien avec le Proviseur-adjoint du LFS nous a par ailleurs confirmé le respect des textes officiels en termes de programmes éducatifs, avec toutefois un niveau d’enseignement en langue plus poussé, justifié par le niveau élevé des connaissances « déjà-là » d’un grand nombre d’apprenants. Cette remarque nous encourage à nous interroger sur les éventuelles difficultés rencontrées par des apprenants franco-français, qui n’évoluent pas dans un contexte familial plurilingue ou biculturel.

Conformément aux textes officiels, l’enseignement de la langue par le contenu de la discipline s’appuie au collège sur les mathématiques et les arts plastiques et suscite, comme nous le verrons, des réactions intéressantes de la part des élèves. Le choix des mathématiques en SIC, alors que l’histoire-géographie a été choisie en Section Orientale, nous conduit également à nous interroger sur l’origine de ce choix : quoi qu’il en soit, notons que les programmes et contenus pédagogiques enseignés en SIC sont discutés et définis conjointement par des instances françaises et chinoises. Les textes officiels insistent par ailleurs sur l’intérêt linguistique des cours de mathématiques en chinois. Ces cours ont pour objectif de compléter les enseignements reçus en cours de mathématiques en français, en insistant davantage sur la résolution de problèmes, et en abordant les différents champs lexicaux spécifiques au contenu du cours. Il est d’autre part attendu des enseignants de mathématiques en chinois de sensibiliser les élèves à la dimension culturelle des mathématiques, et de porter à leur connaissance les grandes étapes de l’histoire des mathématiques en Chine et dans le monde20.

Le cours d’arts plastiques en chinois est conforme au programme prévu pour cet enseignement en français, son autre but étant d’insister sur le développement des compétences d’expression orale des élèves.

Enfin, le principe de mixité des sections au sein des classes, préconisé par les directives officielles, est pleinement appliqué au LFS, de l’école primaire au lycée. Ainsi, au collège, les élèves de 6ème SIC, au nombre de seize, sont répartis dans quatre classes distinctes. S’ils sont regroupés pour suivre l’enseignement des arts plastiques en chinois, ils bénéficient d’un enseignement de langue et littérature chinoises et de mathématiques en chinois en demi-groupes, des conditions optimales pour l’acquisition des connaissances, qui permettent au professeur de mieux connaître le profil de chacun de ses élèves. Précisons que nous avons choisi d’axer notre enquête sur l’un de ces demi-groupes en particulier.

La mixité des filières dans une même classe présente l’intérêt, mis en avant par la Direction du LFS, de faciliter le passage d’une section à une autre en cours d’année, sans nécessairement sortir l’élève de sa classe. Cette mixité vise également à éviter de cloisonner les élèves au sein d’une section et d’un même groupe de camarades tout au long de leur scolarité. La mixité des filières leur permet de côtoyer un plus grand nombre d’élèves de l’établissement, et favorise leur capacité d’ouverture aux autres.

2.3. Les particularités d’une SIC proposée en Chine

Nous l’avons constaté, le LFS se conforme aux textes officiels de l’Education nationale française en matière de fonctionnement didactique de la SIC. Toutefois, nous ne pouvons ignorer qu’une implantation à Shanghai suppose quelques spécificités ; ces particularités nous semblent d’ailleurs en partie liées aux caractéristiques du public d’apprenants.

Ainsi, comme nous l’a fait remarquer le Proviseur-adjoint du LFS, le « déjà-là » des apprenants en SIC est dans certains cas particulièrement avancé, conduisant l’équipe pédagogique à élever le niveau d’enseignement proposé.

D’autre part, une exposition quotidienne à la langue chinoise représente un avantage indéniable pour accompagner les progrès des élèves, et assurer une fixation durable des apprentissages. Malgré tout, dans le cas d’enfants issus de familles expatriées, le risque d’un cloisonnement au sein de la communauté francophone de Shanghai n’est pas négligeable, et peut conduire à limiter les possibilités de contact avec la population locale.

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Les infrastructures de Shanghai, l’organisation des logements en résidences fermées et hautement surveillées, contribuent à renforcer encore davantage l’impression de « ghettos pour enfants issus de milieux favorisés » (Hélot dans Hélot et Erfurt, 2016 : 427). Les frais de scolarité, particulièrement élevés pour une inscription en établissement d’enseignement français de l’étranger, participent également à ce sentiment, malgré la possibilité pour certains parents de demander une bourse scolaire. En ce sens, il nous semble justifié de remettre en question le principe d’accessibilité à tous des filières proposées au LFS, et notamment la SIC, pour laquelle l’établissement applique des frais de scolarité supplémentaires. La catégorie socio-professionnelle à laquelle appartiennent, dans l’ensemble, les parents d’élèves du LFS, nous conduit par ailleurs à raviver nos interrogations quant au caractère élitiste et prestigieux non seulement des sections internationales, mais plus généralement d’une scolarisation en établissement français de l’étranger.

Terminons en évoquant une autre caractéristique du public d’apprenants en SIC, et plus particulièrement des élèves d’origine chinoise. En effet, lors de notre rencontre, le Responsable du LFS a insisté sur la pression culturelle imposée par certains parents d’origine chinoise à leurs enfants, reproduisant parfois leur propre expérience d’un système éducatif chinois hautement compétitif. Les élèves de SIC présentent ainsi la particularité, d’après Monsieur le Proviseur-adjoint, d’être en majorité scolairement très disciplinés et brillants dans toutes les matières. La Direction est régulièrement amenée à rencontrer certains parents, d’origine chinoise, qui souhaiteraient un niveau de chinois en SIC équivalent à celui proposé dans une école chinoise.