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Partie 2 Etude de cas : enseignement/apprentissage du chinois en SIC à Shanghai vu par les acteurs 47

2.   Les « DNL » perçues par les apprenants : intérêt, difficultés et suggestion 76

Nos entretiens avec ces élèves de 6ème en SIC ont débuté par des questions d’ordre assez général sur leurs cours de SIC, qui les ont amenés à nous raconter les cours de langue et de littérature chinoises, mais aussi les cours d’ « enseignements disciplinaires en langue étrangère » (Hélot dans Hélot et Erfurt, 2016 : 373). Les mathématiques et les arts plastiques font l’objet de cet enseignement pour les apprenants de 6ème SIC au LFS.

2.1. Un intérêt nuancé pour le cours d’arts plastiques en chinois

Ce cours a lieu à raison d’une heure par semaine, et est assuré par le professeur de langue et littérature chinoises de notre groupe d’enquêtés. Le choix de cet enseignement a pour objectif de créer des conditions favorables à un usage naturel et spontané de la langue chinoise, à condition toutefois, nous semble-t-il, de s’assurer que les apprenants n’aient pas systématiquement recours au français par souci de facilité.

Les filles expriment dans un premier temps un vif intérêt pour ce cours d’arts en chinois : S. et Lo. le désignent comme leur cours de SIC préféré, alors que J. nuance et déclare plutôt bien aimer le cours de chinois, notamment pour « l’ambiance » (focus filles_J_92). Lo. précise alors en toute franchise et en riant que sa réponse était liée à l’impression de ne pas vraiment travailler en cours d’arts plastiques : « bah comme on travaille pas » (focus filles_Lo_104).

Les garçons développent davantage leurs points de vue sur le contenu de ces cours, et l’intérêt pédagogique de cet enseignement dispensé en langue chinoise. Ils précisent que la langue du cours « en arts plastiques c’est plus chinois » (focus garçons_A_95), peut-être parce que le vocabulaire employé pendant ces cours est « plus facile » (focus garçons_A_99). Lu. poursuit en résumant que d’après lui « en arts plastiques c’est facile si on sait parler chinois et on et on sait bien on sait bien créer des choses » (focus garçons_Lu_106). Les propos des garçons révèlent qu’ils prennent conscience de l’intérêt de cet enseignement en langue cible dans leur parcours de SIC.

Précisons que le cours d’arts plastiques en chinois est le seul cours de SIC commun aux deux groupes de 6ème SIC, avec un total d’environ seize élèves.

2.2. Les difficultés rencontrées en mathématiques en chinois

A propos des mathématiques en chinois, les réflexions des adolescents traduisent des difficultés non seulement linguistiques mais également disciplinaires.

Du côté des filles, la première réaction de S. et J. est de déclarer que « en maths en chinois on apprend la même chose que en maths » (focus filles_S_27), et que « ça change rien en fait c’est.. c’est pareil on fait la même chose que les autres c’est juste que c’est avec une prof chinoise » (focus filles_J_33). Ces remarques des filles montrent leur capacité à passer d’un cours en français à un cours en chinois de manière très naturelle, sans que cela ne semble perturber leur compréhension ou leurs apprentissages disciplinaires.

Ensuite, filles et garçons se rejoignent sur les difficultés à retenir le vocabulaire écrit attendu, indispensable pour être en mesure de lire les consignes des exercices, et de rédiger certaines démonstrations mathématiques. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que chacun parle de vocabulaire sans distinguer clairement l’oral des idéogrammes. Les filles expliquent qu’en introduction à chaque chapitre l’enseignante leur distribue une liste de mots relatifs à la nouvelle leçon ; cette liste doit être apprise et connue, une dictée permet de tester la maîtrise par les élèves de ce vocabulaire nouveau. J. semble un peu réticente à ce genre de méthodes, reconnaît qu’il est nécessaire de bien connaître les mots mais que le recours à une dictée n’est peut-être pas utile, puisque « quand on les revoit dans les exercices ou euh quand on prépare des choses euh à force euh ça commence à rentrer et euh c’est facile » (focus filles_J_215). S. trouve toutefois que certains caractères sont « un peu compliqués » (focus filles_S_211), ce qui contribue selon Lo. à rendre ce cours de mathématiques en chinois le « plus dur dans les trois » cours de SIC (focus filles_Lo_197). Les garçons confirment cette impression de S. et Lo., et Lu. se déclare « pas très fort pour retenir le vocabulaire » (focus garçons_Lu_62). A. partage cet avis, de même que T. pour qui « ils sont un peu difficiles les mots » (focus garçons_T_81), mais tous deux insistent sur le fait qu’ils aiment bien ce cours parce qu’ils aiment les mathématiques. O. rencontre les mêmes difficultés d’apprentissage du vocabulaire que ses camarades, auxquelles s’ajoutent de relatives difficultés liées à la discipline ; il trouve que les devoirs donnés par le professeur de mathématiques en chinois sont plus difficiles que les devoirs de mathématiques en français : « les DM32 et tout c’est un peu plus difficile » (focus garçons_O_83). A. revient également sur ce point, en évoquant « des exercices assez difficiles par-exemple sur les DM » (focus garçons_A_184), qui nécessitent parfois de longues explications (focus garçons_A_187). Les filles voient dans ce cours de mathématiques en chinois l’avantage d’être en petit groupe, ce qui permet à l’enseignante

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de prendre plus de temps pour expliquer les notions compliquées ou mal comprises : « avec cette prof comme on est aussi en plus petit groupe elle va prendre plus de temps pour expliquer » (focus filles_J_77). Nous pouvons déduire de ces réflexions que dans ce cas leurs difficultés sont davantage liées à la discipline elle-même qu’à la langue de son apprentissage ; les explications apportées par l’enseignante en chinois leur permettent de mieux comprendre certaines notions disciplinaires.

Le vocabulaire semble par ailleurs au centre des préoccupations des apprenants, et représente selon eux l’un des objectifs de ce cours. Les difficultés ressenties par les élèves pour retenir les idéogrammes nous rappellent les propos de GX. pendant l’entretien exploratoire : elle comprend que cette liste de mots puisse sembler lourde à retenir pour des élèves de 6ème, mais précise que l’utilisation récurrente de ce même vocabulaire, tout au long des classes supérieures, contribuera à son apprentissage sur le long terme (entretien exploratoire_1_GX_14). C’est également l’idée émise par J. et citée plus haut : « à force euh ça commence à rentrer et euh c’est facile » (focus filles_J_215).

Nous observons que les remarques des adolescents concernant leurs enseignements en chinois correspondent à la définition de l’enseignement bilingue développée par Duverger, puisque « deux langues sont officiellement et structurellement présentes à l’école, parallèlement, pour communiquer et surtout pour apprendre » (2009 : 15).

2.3. La suggestion des garçons : le choix du sport comme DNL en SIC

Les récits des enquêtés concernant les cours de mathématiques en chinois mettent l’accent sur la pratique de l’écrit, sans trop évoquer ce qu’apporte ce cours à leur pratique du chinois oral, avec un professeur qui ne parle pas français.

Les réflexions des collégiens nous prouvent par ailleurs qu’ils élaborent leur propre jugement des enseignements qui leur sont proposés, et vont même jusqu’à envisager des pistes d’amélioration ou d’évolution de leur cursus. En fin d’entretien, A. suggère ainsi spontanément que l’enseignement du sport en SIC devrait leur être proposé en chinois, emportant l’approbation immédiate de T. : « moi j’aurais aimé qu’on aie sport en chinois » (focus garçons_A_340). A. reconnaît que le vocabulaire engagé serait peut-être limité – « y aurait pas beaucoup d’vocabulaire mais.. » (focus garçons_A_344) - mais puisque cette discipline est enseignée en anglais aux élèves inscrits en SIA, il estime que ce serait intéressant pour les SIC.

Alors que les propos des apprenants semblent indiquer que les mathématiques favorisent moins l’expression orale, la suggestion des garçons révèle d’une certaine manière leur recherche de situations plus naturelles et spontanées d’utilisation de la langue chinoise. Enfin, A. justifie sa proposition d’ajouter le sport comme DNL par le fait que les cours de chinois proposent déjà d’aborder un programme très complet, incluant l’histoire et la géographie de la Chine (focus garçons_A_357) ; d’après lui, le cours de sport serait susceptible d’apporter un plus à leur parcours scolaire. En effet, l’enseignement de cette discipline en chinois par un professeur spécialisé pourrait, en leur offrant une exposition supplémentaire à la langue chinoise, contribuer à la diversification du répertoire langagier des apprenants en SIC, et les familiariser avec une approche pédagogique de cette discipline différente de celle du système éducatif français.