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Introduction de la première partie

II- Le Capital humain

Dans son ouvrage Human Capital, A Theoretical and EmpiricalAnalysis (Le Capital

humain, une analyse théorique et empirique), G. Becker (1964), définit le capital

humain comme « l'ensemble des capacités productives qu'un individu acquiert par

accumulation de connaissances générales ou spécifiques, de savoir-faire, etc. ».

Pour comprendre cela, G. Becker en 1985 propose un exemple : « supposons que les hommes et les femmes aient des caractéristiques productives identiques mais que la discrimination réduise de 10 % systématiquement le salaire des femmes. Étant donné l’avantage de la spécialisation dans le ménage, cette discrimination pure va inciter à un partage des rôles dans le ménage en défaveur des femmes. Ces dernières vont se spécialiser dans le travail domestique. En moyenne, le salaire des femmes sera donc inférieur aux hommes de beaucoup plus que 10 %. Imaginons que les femmes gagnent en moyenne 60 % du salaire moyen des hommes. Une décomposition entre effets des caractéristiques individuelles et discrimination donnerait 75 % de l’écart en effet

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structure et 25 % en pure discrimination. Pour autant dans cet exemple, la

discrimination explique la totalité de l’écart »50.

Dans le contexte du rendement du capital humain et l’investissement dans l’éducation comme déterminant du salaire, entre travailler et se former, G. Becker développe sa

théorie du capital humain qui s’intéresse à la connaissance accumulée, et identifie

toutefois des différences dans l'intérêt qu'ont les individus à investir ou non dans leur formation. Le renforcement et la croissance du niveau d’éducation et les connaissances ainsi que les compétences qu’elle permet de diffuser augmente la productivité qui conduit à un salaire élevé.

Le salaire mesure la productivité qui est déterminée par un ensemble de variables du capital humain (expérience professionnelle, capacités, formation,…). Dans ce sens, à productivité identique salaire égal. Or, les comportements discriminatoires mènent à une différence des salaires entre les groupes sociaux, ce qui donne à productivité égale, salaire inégal.

Pour A. Smith, le capital humain est l'ensemble des capacités intellectuelles et

professionnelles propres à assurer à l'individu des revenus dans le futur et une certaine productivité.

Selon G. Becker, il distingue le capital humain à travers les activités qui influencent les

revenus monétaires futurs et qui sont désignées par l'expression d'investissement en capital humain.

Son approche du capital humain est définie comme un stock de connaissances, de ressources productives, de savoir-faire qui seront développés par des investissements (l’éducation, la formation professionnelle que Becker rend comme un investissement normal). C’est un choix personnel de l’individu de prendre soin de son capital.

50G. Becker, (1985), « Human Capital, Effort, and the Sexual Division of Labor », Journal of Labor Economics, vol.3.

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Il distingue deux sortes de formation, la formation générale (general human capital) et la formation spécifique (firm-specific capital).

La formation générale (fournie par l’Etat ou l’individu) acquise dans le système

éducatif, augmente la productivité de l'agent dans toute entreprise puisqu'elle reste attachée au travailleur qui peut la faire valoir sur l'ensemble du marché du travail

(G. Becker), et que l’entreprise ne tient pas à financer, renforce les compétences de

l’individu.

La formation spécifique (formation professionnelle) augmente à l'inverse la

productivité du travailleur dans l'entreprise qui l'a formé mais peu ou pas en dehors de celle-ci et que l’entreprise a intérêt à financer, (G. Becker).

Cependant, cela reste un avantage beaucoup plus pour les hommes que pour les femmes. Les employeurs font profiter les hommes des formations professionnelles, car ils ont plus d’expériences et ils sont plus disponibles, d’où leur revenu est plus élevé que celui des femmes.

Si certaines femmes choisissent des emplois moins qualifiants (S.W. Polachek, 1981) et moins rémunérants, d’autres ayant un capital humain identique à celui des hommes, perçoivent des salaires et des rémunérations inférieurs par rapport à ceux des hommes. En l’absence du caractère collectif du processus de stock et d’accumulation d’expérience, mais dont l’éducation constitue un bien collectif, l’individu prend soin

de son capital et de son intérêt personnel au sein de l’entreprise.

Pour D. Moussel et C. Obin « le capital humain peut être défini comme la somme des savoirs (savoir faire et savoir être) et des connaissances que l'individu collecte tout au long de sa vie. Dès lors que cet individu devient le salarié d'une entreprise, il en

devient un actif »51.

51D. Moussel, et C. Oubin, (2007), « Richesses du capital humain : Quels défis pour les entreprises », Projet collectif Tribune Sciences Po de l'économie de l'immatériel.

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A l’inverse de la théorie du capital humain, pour C. Colin, (1999)52, l’écart entre les

hommes et les femmes est important en s’appuyant beaucoup plus sur les rendements différenciés des diplômes valorisés dans l’entreprise et non pas sur le stock du capital humain.

Le fondement des théories du capital humain et du signal, dont les contributions sont développées essentiellement avec J. Mincer (1958, 1962), T. Schultz (1960, 1961) et G. Becker (1962, 1964) trouve leur explication dans les compétences individuelles qui durent le long de la vie. Ce qui nécessite plus de temps et d’investissement.

D’autres théories ont été développées comme extension du capital humain, l’hypothèse de filtrage (screening), de K. Arrow (1973) et celle de signal (signaling), développée par M. Spence (1973 et 1974) propose que le niveau de l’éducation permette aux employeurs d’identifier les individus.

J. Mincer (1975) propose de régresser le logarithme du salaire sur l’éducation et sur

un ensemble de variables qui ont un impact sur la détermination des salaires. Le coefficient associé à la variable mesurant l'éducation est alors interprété comme le taux de rendement privé de l'éducation.

Pour sa part, l’hypothèse d’atrophie complète cette analyse, l’individu ou la femme peut choisir d’une part, un investissement minimal puisque ce dernier sera interrompu au cours de sa carrière professionnelle, et d’autre part, un emploi moins qualifiant et moins rémunérateur, pour lequel cette discontinuité dans l’activité n’affecte pas beaucoup le salaire.

Par ailleurs, la spécialisation des femmes et des hommes dans l’une des sphères domestique ou professionnelle détermine le statut et le rôle de chacun dans chaque sphère.

52 C. Colin (1999), « Carrières et salaires : une comparaison hommes / femmes », in Majnoni D’intignano Béatrice, « Egalité entre femmes et hommes : aspects économiques », Conseil d’analyse économique, La Documentation Française.

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G. Becker et J. Mincer « vont investir la famille comme une entreprise, en considérant le ménage comme unité de décision et de consommation centrale. Ils appliquent alors un modèle de spécialisation des rôles entre tâches domestiques et professionnelles : la spécialisation ou la préférence des uns (les hommes) est liée à leur plus forte productivité sur le marché du travail, tandis que les autres (les femmes) valorisent leur spécialisation domestique. Le modèle initial repose sur le rôle central du père de famille, « le dictateur altruiste » qui recherche l’optimisation maximale de l’ensemble du ménage. Plus récemment, des travaux de modélisations économiques portant sur la prise de décision dans la famille remettent en partie en cause ce principe du modèle unitaire du ménage et visent à analyser la division du travail des conjoints, la répartition des revenus et de la pauvreté. Le ménage apparaît alors comme un lieu de partage du pouvoir, de négociation ou de conflit, auquel on applique des modèles de

jeux coopératifs ou non coopératifs au sein des couples. La position des femmes (en termes de capital humain, de revenu indépendant) jouera sur leur pouvoir au sein

du couple (part du revenu qui lui sera réservée) et finalement sur leur décision de

rester en couple ou de divorcer... (C. Sofer, 1999)53 »54.

L’interaction de la sphère domestique et de la sphère productive joue « un rôle important dans la discrimination sexuelle par ses effets sur les choix des femmes

elles-mêmes et sur les comportements des employeurs »55.

En final, le capital humain touche à la stratégie générale de l’entreprise et sa valorisation peut être abordée à travers les différentes disciplines : les ressources humaines, le management, la communication…

Les services porteurs de la gestion et de la valorisation du capital humain, par exemple au sein de l’organisation du ministère de l’intérieur, sont les ressources humaines et le management dont les modes de fonctionnement dépendent des orientations et des politiques générales du département.

53 C. Sofer (1999), « Modélisation économique de la prise de décision dans la famille» in « Egalité entre femmes et hommes : aspects économique »s, sous la direction de B. Majnoni d’Intignano, Conseil d’Analyse Economique, La Documentation Française, Paris.

54R. Silvera (2001), « Genre et économie : des rendez-vous manqués », Travail, genre et sociétés, 2001/2 N° 6, p. 123-143. DOI : 10.3917/tgs.006.0123, p. 126.

55Revue de l’OFCE 90, (2004), Yves de Curraize, Réjane Hugounenq, « Inégalités de salaires entre femmes et

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Section 3: De l’ « Approche par les capacités » au développement humain vers