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Section 1 : les rapports sexués dans les collectivités locales

III- Les collectivités territoriales entre les capacités, la discrimination et le capital humain

La notion de l’expérience suppose que les élues locales doivent développer leurs compétences et leurs capacités. L’expérience pose comme enjeu la compétence, le savoir, le savoir- faire et le savoir- agir. Dans ce sens, le dispositif de la formation et de l’apprentissage (J. Vincens, 2001) permet d’améliorer l’efficacité des élues locales dans la gestion de la chose locale et dans le développement territorial.

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Le dispositif de la formation au ministère de l’intérieur a pour objectif de faire bénéficier aux femmes et aux hommes la possibilité de renforcer leurs stocks de connaissances pour les aider à choisir leurs actions et à être responsables de leurs choix.

La formation est un investissement lourd, mais avantageux si le rendement des élues locales est positive dans la responsabilité individuelle et la responsabilité collective et leur impact sur le développement territorial.

Comme élément de stock du capital humain, l’expérience aussi représente un investissement volontaire individuel et un investissement inscrit dans l’agenda de la stratégie générale du ministère.

Cependant, l’ancienneté dans les collectivités territoriales revient par excellence aux hommes. Face à ce contexte favorable à la virilité masculine, les femmes n’ont pas assez d’expérience dans la vie politique, ni dans la gestion locale. Dans ce sens, elles sont confrontées à la résistance et à la domination masculine. Leur acceptation dans le monde des hommes suppose la confirmation, les luttes, la valorisation et la reconnaissance de leur travail, or cela nécessite de la patience. Car la majorité des femmes finissent par se résigner ou à s’éclipser de la vie publique pour se consacrer pleinement à leur vie domestique.

Il s’agit ici de permettre aux femmes d’accéder aux capacités et aux opportunités pour accroitre leurs compétences et de renforcer leur expérience.

Dans ce cas, le corpus du capital humain propose la formation spécifique et la formation générale, comme avancées par G. Becker qui soulève l’hypothèse de la reconnaissance de l’expérience précédente (les formations académiques, le niveau d’étude, les professions,…) des femmes élues dans la vie publique, en général pour être valorisée au sein des collectivités territoriales qui peuvent légitimer leur expérience spécifique.

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Par ailleurs, cet investissement est alternatif, selon la théorie du signal

(A. M. Spence 1973)116, car l’expérience générale à elle seule ne peut suffire, mais doit

alterner avec d’autres critères et caractéristiques individuels (le sexe, l’âge, les qualités, les compétences, les capacités, le charisme,…). En se basant sur ses signaux, les femmes seront évaluées selon leur expérience générale, spécifique, qui peut évoluer et changer, ainsi que selon leurs caractéristiques individuelles, notamment suivant leur trait biologique ; le sexe qui ne peut pas être changé.

Rendre les femmes capables et libres des choix d’être, de faire, et d’agir, les placent devant des obstacles énormes dans les collectivités territoriales, dans leurs accès aux ressources, et pour avoir une responsabilité effective et opérationnelle.

Il est important de noter que les opportunités différent d’une élue locale des communes urbaines à celle des communes rurales, (par exemple une élue locale de Casablanca et

une autre de la commue rurale d’ouled Aissa à Taroudant117), et aussi des communes

riches et des communes rurales parfois pauvres. Elles ne possèdent pas les mêmes opportunités, les mêmes ressources et les mêmes libertés, et elles ne disposent pas des mêmes contraintes et des mêmes difficultés.

La suggestion propose que les développeurs et les chercheurs traitent chaque cas à part et ne généralisent pas les théories et les approches sur toutes les collectivités territoriales et sur toutes les femmes. La spécificité de chaque espace lui confère son autonomie et le diffère des autres.

De même, les trajectoires individuelles des femmes sont différentes des unes aux autres. Face à ces facteurs de différenciations, les élues locales ne disposent pas des mêmes expériences, ni des mêmes parcours politiques, ni des mêmes interventions… L’approche par les capabilités nous propose d’évaluer les situations des élues des collectivités territoriales (individuelle, sociale et environnementale) pour choisir leurs fonctionnements à partir de leurs droits et prérogatives, comme stipulés par la charte

116 A. M. Spence,(1973), « Job Market Signaling, Quarterly Journal of Economics », vol.87.

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communale, par les opportunités disponibles et les ressources auxquelles elles peuvent accéder et susceptibles d’affecter leur choix et leur liberté.

Face à ce contexte, la gouvernance locale offre un éventail de principes ; l’égalité, la participation, l’équité, la responsabilisation, la transparence, le contrôle sur lesquels les femmes élues doivent miser et mesurer leur implication dans le développement territorial, tout en prenant en considération la dimension de l’égalité dans les rapports sociaux de sexe.

C’est dans ce sens que l’approche par les capabilités propose de viser l’égalité réelle de chances, un partage « juste » entre la responsabilité individuelle et la responsabilité collective.

Dotées de la formation et du renforcement de leurs compétences, les élues des collectivités territoriales deviennent responsables de leurs choix, de leurs ressources, de leurs opportunités et de leur mise en œuvre.

L’approche des capabilités d’A. Sen combinée à celle du capital humain de G. Becker nous permet de mesurer la situation des femmes élues dans les collectivités territoriales par rapport à celles des hommes.

Cependant, l’accompagnement des collectivités territoriales par le ministère de tutelle reste insuffisant, face aux nouvelles exigences économiques et les mutations rapides d’une part et d’autre part face à un paysage flou et complexe où interviennent les différents acteurs locaux (les partis politiques, la société civile, les associations locales, les ONG, les partenaires étrangers, les citoyens…).

Pour rendre les élues locales capables de valoriser leur expérience et leur capital humain, le ministère mise principalement sur la formation et la met dans le cœur de son agenda stratégique tout en accompagnant les collectivités territoriales dans leurs projets locaux.

De manière générale, les données précédentes et les travaux réalisés sur la place et les situations des femmes élues locales nous ont permis de résumer les premières conclusions qui consistent à favoriser un traitement égal entre les élu(e)s des

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collectivités locales, de mettre en œuvre les conditions de l’égalité entre les rapports sociaux de sexe et de lutter contre l’exclusion et les inégalités d’accès aux ressources et aux opportunités.

Par conséquent, cela reste conditionné par la motivation et la volonté des élues des collectivités territoriales et par la promotion de leur bien-être qui ne peut être réalisé que par l’accès aux services de base (l’éducation, la santé…), et par l’accès au pouvoir.

IV- Les femmes élues des collectivités territoriales entre le leadership