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CHAPITRE 4: CADRES THÉORIQUE ET DE PLANIFICATION

4.3 Le cadre de planification de l’Intervention Mapping

Depuis la publication du modèle de planification Precede-Procede (Green & Kreuter, 1999) et d’autres modèles similaires (McKenzie, Smeltzer & Neiger, 2004), le champ de la promotion de la santé a reconnu l’importance de planifier les interventions à partir de théories, de données issues de la littérature scientifique et de données collectées auprès de la clientèle visée (Rootman, et al., 2001). Les étapes identifiées dans ces différents modèles de planification sont comparables : (a) identification d’un problème de santé; (b) identification du(es) comportement(s)

engendrant ce problème de santé; (c) identification des médiateurs ou déterminants de ce(s) comportement(s) de santé; (d) identification des buts, stratégies et méthodes permettant de modifier ces déterminants et traduction dans un programme d’intervention; et (e) implantation et évaluation des interventions. Le cadre de planification de l’IM (Bartholomew, et al., 2006) est aussi structuré autour de ces différentes étapes (voir en Figure 3). Ce cadre présente quatre caractéristiques essentielles : (a) la formulation des problèmes dans une perspective écologique; (b) la participation des acteurs concernés; (c) le recours aux cadres théoriques appropriés en sciences humaines et sociales; (d) le recours aux données scientifiques valides (Bartholomew et al., 2016). Cependant, sa caractéristique principale est de permettre de faciliter la combinaison de l’utilisation de théories, des données issues de la littérature scientifique et des données recueillies auprès de la population cible.

L’IM, développé par Bartholomew et ses collègues en 1998, sert de cadre de planification. Ce cadre comporte six étapes consécutives : (a) l’analyse des besoins; (b) la formulation des objectifs; (c) l’ancrage à des modèles théoriques; (d) l’élaboration du contenu, des activités et du matériel d’intervention; (e) la planification de l’implantation; et (f) la planification de l’évaluation (voir en Figure 3). Chacune de ces étapes regroupe des tâches qu’il faut accomplir pour passer à l’étape suivante (Bartholomew et al., 2016). Les flèches centrales illustrent toutefois le fait que ces étapes sont modulées par un processus itératif, c’est-à-dire qu’il pourrait y avoir un va-et- vient constant entre les différentes étapes pour ajuster certains détails.

Les trois prémisses de ce cadre de planification sont : (a) le comportement d’un individu se situe dans un environnement, (b) la planification d’une intervention est un processus collaboratif, et (c) le développement de l’intervention doit reposer sur des fondements théoriques et des évidences scientifiques (Bartholomew, Parcel, Kok, Gottlieb, & Fernández, 2011).

L’IM a déjà fait ses preuves dans la création de programmes visant les comportements liés à la santé, ainsi que dans la promotion encourageant des adultes à pratiquer régulièrement de l’activité physique en milieu de travail (McEachan, Lawton, Jackson, Conner, & Lunt, 2008), des adolescents et des préscolaires allemands à en pratiquer en milieu scolaire (De Craemer et al., 2014; Meij, 2013). C’est pourquoi nous privilégions l’utilisation de l’IM (Bartholomew et al., 2016) comme cadre de planification de l’intervention proposée dans la présente thèse.

Figure 3. Cadre de l’IM, basé sur une adaptation de Godin et al. (2007)

Étape 1 : analyse des besoins. L’analyse des besoins proposée à l’étape 1 de l’IM repose sur une recension des écrits, dont l’accent est mis sur une compréhension étendue d’un problème de santé, des comportements associés et de ses déterminants chez une population cible. Les problèmes de santé sont habituellement identifiés en fonction de leur ampleur (prévalence et incidence dans une population donnée) ainsi que de la gravité de leurs conséquences sur la qualité de vie des personnes. Cette étape correspond au diagnostic épidémiologique proposé par Green et Kreuter (1999) dans leur modèle precede-proceed. Elle consiste à identifier le problème de santé (et/ou de qualité de vie) et à formuler ses déterminants en termes de comportements ciblés, que ce soit pour modifier le comportement des personnes ou pour modifier le comportement d’une

personne qui a de l’influence sur une variable environnementale. Une fois ces comportements identifiés, il convient d’identifier les facteurs individuels et environnementaux qui expliquent la présence de ce problème de santé chez cette population. Ainsi, ces comportements devenaient les cibles de l’intervention (Bartholomew et al., 2016). Ceux ayant le plus d’influence sur le problème de santé et étant les plus modifiables pourront devenir des cibles d’intervention. Pour conduire cette analyse des besoins, divers moyens de collecte de données pourront être utilisés dont une revue de littérature, des groupes de discussion focalisés, des entrevues individuelles ou encore des questionnaires.

Étape 2 : élaboration de la matrice des objectifs. La deuxième étape du modèle consiste principalement à identifier les objectifs de santé et comportementaux de l’intervention. Par la suite, ces objectifs seront scindés en objectifs de performance, qui indiquent les étapes logiques et les procédures nécessaires à l’individu pour obtenir le résultat escompté du comportement (Bartholomew et al., 2016). La dernière étape consiste à cartographier les objectifs de performance dans un tableau (titres de ligne dans le Tableau 10 au chapitre 6) par rapport aux facteurs qui influent sur l’adoption du comportement ciblé (titres de colonnes dans le Tableau 10 au chapitre 6) identifiés à l’étape 1 afin de développer une matrice des objectifs de changement. Les objectifs de performance servent à clarifier ce qui doit être fait par les individus visés pour atteindre l’objectif comportemental et ultimement l’objectif de santé. À cet effet, des objectifs de changement sont définis afin de clarifier les changements attendus des participants. Pour finir, une fois la matrice complétée, il sera nécessaire d’en valider le contenu auprès de la population cible. En agissant ainsi, le planificateur se base sur cette matrice pour choisir des méthodes et des applications pratiques. C’est l’objet de la prochaine étape.

Étape 3 : choix des méthodes d’intervention et des applications pratiques. Le but de la troisième étape du cadre de planification est d’associer la théorie à la pratique. Plus précisément, elle consiste à choisir les théories, les méthodes d’intervention et les applications pratiques qui en découlent. Une méthode d’intervention consiste en un processus théorique général utilisé pour favoriser le changement d’un déterminant sous-jacent. Une application pratique fait référence à la technique pratique admettant l’application de la méthode d’intervention d’une manière qui

convient à la population ciblée et au contexte dans lequel s’insère l’intervention (Bartholomew et al., 2016). Conformément aux recommandations de Bartholomew et al. (2016), le choix des méthodes d’intervention et des applications pratiques est influencé par une revue de la littérature et la consultation de la population visée. Cette revue permet d’identifier les méthodes d’intervention et les applications pratiques ayant un meilleur potentiel pour agir sur les déterminants d’un comportement donné pour une population spécifique. À cet effet, deux taxonomies proposant des méthodes d’intervention ont été élaborées, l’une par Kok et al. (2016) et l’autre par Michie et al. (2013). L’utilisation de ces taxonomies permet notamment de décrire avec plus de précision le contenu de l’intervention élaborée et ainsi de synthétiser et comparer les résultats obtenus par différentes études.

Étape 4 : séquences et contenu de l’intervention. La quatrième étape consiste à opérationnaliser les méthodes d’intervention et les applications pratiques. Plus précisément, elle vise à identifier la séquence et le contenu des activités proposées. De manière optimale, cette étape s’effectue en collaboration avec des personnes clés (e.g., le personnel de l’école) afin de s’assurer de leur réceptivité et de l’acceptation des activités qui seront organisées dans le milieu d’intervention (e.g., à l’école). C’est à cette étape que l’on spécifie, par exemple, le contenu des messages à transmettre (longueur, niveau de langage), le support utilisé pour diffuser les messages (papier, site web, réseau social, présentation en classe, etc.), le choix du messager (pair significatif, enseignant, etc.) ainsi que le nombre, la séquence et la durée des expositions auxquelles seront soumis les élèves durant l’intervention. Les activités élaborées doivent tenir compte des applications pratiques, des méthodes d’intervention et de leurs paramètres d’efficacité pour assurer l’atteinte des objectifs de changement, des objectifs de performance et des objectifs comportementaux afin, ultimement, de contribuer à l’atteinte des résultats de santé.

Étape 5 : planification de l’implantation et de l’adoption du programme. Par implantation et adoption, nous entendons le transfert au niveau opérationnel d’une intervention (Patton, 1987; Tornatzky & Johnson, 1985) et son intégration dans un contexte organisationnel donné (Champagne & Denis, 1990). Les résultats de l’intervention seront déterminés non seulement par le potentiel d’efficacité propre de l’intervention, mais aussi par le degré

d’implantation et d’adoption de l’intervention dans le milieu. Le degré d’implantation renvoie ordinairement à la fidélité (Bartholomew et al., 2016). Elle mesure jusqu’à quel point l’intervention a été implantée conformément à ce qui avait été initialement planifié. Il s’agit d’une mesure d’adhérence au contenu, à la fréquence, à la durée et à la couverture (dose) (Hasson, 2010). Le degré d’adoption renvoie le plus souvent à l’acceptabilité et à la faisabilité perçue (Rogers, 2010).

À cette étape, un plan d’implantation et d’adoption de l’intervention est élaboré. Il décrit les tâches à accomplir pour promouvoir l’adoption et l’implantation du projet auprès des utilisateurs potentiels (Bartholomew et al., 2016) en vue d’adopter et d’implanter les activités identifiées à l’étape précédente de l’étude. Plus spécifiquement, ce plan décrira : (a) les responsabilités des partenaires, (b) la façon d’impliquer des partenaires, (c) les actions posées, (d) le temps alloué ou les périodes de temps, (e) les moyens mis à disposition pour y parvenir et (f) les moyens de communication.

Étape 6 : planification de l’évaluation des effets et d’implantation. Pour cette dernière étape, il s’agit de développer un plan pour évaluer tant la qualité de l’implantation du programme que son efficacité pour obtenir des changements aux niveaux psychosocial, comportemental ou de santé. En promotion de la santé, l’évaluation consiste à porter un jugement de valeur sur une intervention ou une démarche (Contandriopoulos, Champagne, Denis, & Pineault, 2000). Ce jugement peut avoir plusieurs finalités : vérifier le degré d’implantation des activités prévues ou la pertinence des méthodes retenues. On parlera alors d’évaluation des processus. On pourra aussi tenter de vérifier l’atteinte des objectifs ou l’impact du programme sur les changements souhaités. Il s’agira alors d’évaluation des effets (Bartholomew et al., 2016; Contandriopoulos et al., 2000). Des méthodes d’évaluation qualitatives et quantitatives sont possibles, tant qu’elles sont adaptées aux objectifs du programme et du contexte de mise en œuvre. La Figure 4 présente le modèle logique d’évaluation proposé par Bartholomew et al. (2016). Ce modèle fait référence directement à la logique du programme, c’est-à-dire aux différentes étapes proposées pour sa planification.

Figure 4. Modèle logique d’évaluation proposé par le cadre d’IM. Source : tiré de Gagnon, Côté, et Godin (2012).

CHAPITRE 5: ÉTUDE 1 . IDENTIFICATION DES DÉTERMINANTS

PSYCHOSOCIAUX DE LA PRATIQUE D’ACTIVITÉS PHYSIQUES À L’ÉCOLE CHEZ LES ENFANTS DU LIBAN : UNE APPLICATION DE LA THÉORIE DU

COMPORTEMENT PLANIFIÉ

Considérant l’absence de données disponibles sur les déterminants psychosociaux de la pratique d’activités physiques à l’école chez les enfants au Liban, une première étude de terrain a été réalisée. Cette étude a permis de repérer les facteurs psychosociaux les plus influents de la pratique d’au moins 30 minutes par jour d’APMV à l’école. Ces informations ont guidé le développement de l’intervention (voir l’étude 2 au chapitre 6) et son évaluation (voir l’étude 3 au chapitre 7). Les prochaines sections présentent des éléments méthodologiques liés au développement et la validation du questionnaire utilisé pour l’étude 1 ainsi que les résultats de cette étude sous forme d’article.

5.1 Aspects méthodologiques liés au développement et à la validation du questionnaire