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CHAPITRE 8: DISCUSSION GÉNÉRALE

8.2 Forces et limites des études réalisées dans le cadre de la thèse

Étude des déterminants psychosociaux de l’APMV. Le principal point fort de l’étude portant sur les déterminants psychosociaux de l’APMV est son aspect novateur. En effet, quoique cette méthodologie de recherche ait été appliquée souvent par le passé pour comprendre la

pratique d’activités physiques chez les jeunes, cette étude serait la première à étudier spécifiquement les déterminants psychosociaux de la pratique d’activités physiques à l’école et à être conduite dans un milieu arabe. En effet, les études précédentes se sont concentrées sur les déterminants de la pratique d’activités physiques de loisir et seulement chez des jeunes occidentaux âgés de 9 à 12 ans (Martin et al., 2007; Rhodes et al., 2006; Trost, Saunders, et al., 2002; L. Wang & Wang, 2015). Les autres points forts de l’étude sont les suivants : (a) le pourcentage de variance expliquée de l’intention et du comportement est élevé (respectivement 66,0 % et 42,1 %), ce qui illustre la qualité de la démarche méthodologique appliquée et la performance de l’étude pour identifier les déterminants de l’APMV des jeunes; (b) l’échantillon était d’une taille suffisante pour assurer la puissance statistique et était représentatif de la population des jeunes de cet âge du Liban en termes de niveaux d’activités physiques des enfants et de proportion d’enfants dans chaque classe d’IMC (i.e., poids normal, en embonpoint et obèse); (c) les instruments et méthodes utilisés pour la mesure des variables comportementales, psychosociales et anthropométriques ont été validés et présentent de bonnes qualités psychométriques; (d) cette étude a permis l’avancement des connaissances quant au rôle significatif de l’identité personnelle dans la prédiction de l’intention et de la pratique d’APMV et quant à l’influence directe du genre dans la pratique d’APMV (les filles étant significativement moins actives que les garçons); et enfin (e) cette étude a permis d’identifier les déterminants et les croyances à cibler dans les interventions futures auprès des jeunes.

Certaines limites peuvent également être observées. Tout d’abord, le fait d’utiliser seulement une méthode déclarative (i.e., un questionnaire) pour mesurer la pratique physique des participants est une limite de cette étude. Le niveau de maturation et de développement du fonctionnement cognitif des jeunes peut affecter leur capacité à penser abstraitement et à se rappeler de façon détaillée leurs activités en vue de répondre à un questionnaire autorapporté (Ainsworth et al., 2012). Cependant, les jeunes ont un modèle d’activités physiques plus sporadique et variable que les adultes, ce qui limite la qualité des mesures prises par des méthodes objectives (e.g., accéléromètre) (R. Bailey et al., 1995; Ward et al., 2007). La combinaison de méthodes de mesure objective (e.g., l’accéléromètre) et subjective (e.g., le questionnaire) est recommandée pour la mesure de l’APMV chez les jeunes (Brown et al., 2013), mais il demeure que le recours à des mesures objectives est très coûteux tant pour l’achat et la

passation. Dans ce contexte, le PAQ-C qui est un questionnaire qui a démontré son efficacité pour évaluer spécifiquement l’APMV des jeunes a été privilégié. La seconde limite concerne le manque de correspondance entre la mesure des variables psychosociales (pratiquer au moins 30 minutes par jour d’APMV à l’école) et la mesure du comportement à l’aide du PAQ-C qui mesurait spécifiquement le niveau d’activités physiques des enfants sur une semaine de sept jours. Il est possible que cet écart ait pu diminuer la performance de la prédiction comportementale (Ajzen, 1991). Enfin, malgré le respect de l’anonymat, de la confidentialité et une attention dans l’élaboration du questionnaire pour minimiser le biais de désirabilité sociale, il est possible que les jeunes aient surévalué leur engagement aux activités physiques pour une réponse socialement acceptable (Guinhouya et al., 2009; Klesges et al., 2004).

Étude visant le développement de l’intervention. L’étude du développement de l’intervention présente au moins six principaux points forts. Premièrement, cette étude était la première à démontrer l’utilisation de l’IM afin d’élaborer un programme de promotion de l’activité physique à l’école chez les jeunes dans un contexte arabe. Seulement une étude similaire avait été conduite par le passé en milieu scolaire auprès d’enfants néerlandais (Meij, 2013). Deuxièmement, l’utilisation de l’IM a permis de développer une intervention d’une manière systématique, fondée sur des données probantes, des théories (Gourlan et al., 2016; Prestwich et al., 2014) et sur des données empiriques collectées auprès de la clientèle visée notamment dans le cadre de l’étude 1 (Ajzen, 1991). Troisièmement, cette étude a permis une description claire et détaillée des activités et du matériel du programme, y compris des méthodes théoriques et des applications pratiques. Ces informations sont particulièrement utiles pour faciliter les réplications des études et les synthèses de résultats dans les revues systématiques afin d’identifier les composantes des interventions les plus efficaces (Abraham & Michie, 2008). Cela a été rendu possible notamment par l’utilisation des taxonomies de Kok et al. (2016) et de Michie et al. (2013) décrivant les méthodes théoriques et les applications pratiques qui y sont associées (Kok et al., 2016; Michie et al., 2013). Quatrièmement, cette étude présente l’originalité de s’être inscrite dans une perspective de réduction des inégalités d’accès à l’activité physique, notamment auprès des enfants présentant les niveaux d’IMC les plus élevés et pour les filles. Seulement deux études scientifiques ayant évalué des programmes de promotion de l’activité physique ont clairement adopté une posture similaire de réduction des inégalités de genre (Hankonen et al.,

2016; Vander Ploeg et al., 2014). Cinquièmement, cette étude décrit, pas à pas, chacune des étapes de l’élaboration d’un programme de promotion de la santé selon l’IM. Cela constitue un exemple utile pour les intervenants concernés par cette problématique auprès des jeunes ou des écoliers. Sixièmement, le programme IMove30+ se caractérise par un développement concerté avec les différentes parties prenantes selon une approche bottom-top (van Bruinessen et al., 2014). L’ensemble du processus d’élaboration de l’intervention s’est échelonné sur une période de 14 semaines et les mêmes parties prenantes sont demeurées actives pendant toute la durée d’implantation du projet. Autrement dit, il est réaliste de penser que l’implication des parties prenantes à chacune des étapes du développement, de l’implantation et de l’évaluation a favorisé le développement d’un programme particulièrement faisable, acceptable et en adéquation avec les réalités de la communauté ciblée (Munir et al., 2013). Enfin, une attention a été portée à ce que le programme puisse être maintenu dans le temps au sein de l’école expérimentale. Les principaux changements maintenus dans les écoles suite au programme sont les suivants : (a) fondation d’un club d’activités physiques de l’école qui a pour objet de promouvoir l’activité physique, faire un suivi des activités physiques offertes à l’école et former les enseignants à de nouvelles activités ; (b) large documentation à la disposition du personnel enseignant pour diversifier les activités physiques offertes à l’école ; (c) procédures simplifiées et intégrées dans la routine pour la communication avec les parents et pour l’utilisation des équipements d’activités physiques; (d) nouvelles acquisitions d’équipement sportif et rénovations afin de disposer d’un espace couvert, adapté à l’activité physique, utilisable durant les périodes de récréation, même en cas de mauvais temps; (e) organisation annuelle (au cours du mois de mai) d’une journée sportive de l’agglomération de la ville de Sidon en collaboration avec les autres écoles et les députés de la région.

Malgré une forte expérience de l’équipe de recherche dans l’utilisation de l’IM, certaines limites ont pu être identifiées. Tout d’abord, le processus de développement de l’intervention s’est échelonné sur 18 mois, ce qui est similaire à ce qui a été rapporté dans d’autres études (Gray-Burrows et al., 2016; Lloyd et al., 2011; Mann et al., 2015; Pittson & Wallace, 2011). En plus du temps requis, l’IM requiert d’importantes connaissances théoriques, et souvent pédagogiques, notamment lors de la troisième étape pendant laquelle le chercheur doit identifier des méthodes théoriques et des applications pratiques permettant d’atteindre les objectifs ciblés

(Boucher, Côté, & Gagné, 2012). Ensuite, quoique l’IM soit reconnu comme un cadre de planification utilisant une approche socioécologique, il s’avère souvent difficile de travailler simultanément sur différents niveaux écologiques et des choix sont souvent à opérer. À titre d’exemple, le programme IMove30+ proprement dit a ciblé les enfants, la planification de la phase d’implantation a ciblé l’environnement et les acteurs influents de cet environnement, mais il n’y a pas eu d’interventions au niveau des familles ou des autres groupes influents à l’extérieur de l’école. Enfin, si la taxonomie de Kok et al. (2016) a certainement été un outil utile pour guider la sélection des méthodes théoriques et des applications pratiques et que des informations sont fournies sur les paramètres pouvant influencer leur efficacité, il n’y a pas d’instructions sur la manière de les opérationnaliser concrètement et de façon optimale. Pourtant, l’efficacité de ces méthodes théoriques et applications pratiques va justement dépendre de la façon dont elles auront été opérationnalisées (Bartholomew et al., 2016; Kok et al., 2016). Il est également à noter que la taxonomie de Kok et al. (2016) n’est pas une liste exhaustive et qu’elle peut ne pas formuler de recommandations en regard d’une variable psychosociale spécifique, comme cela a été le cas dans la présente thèse avec l’identité personnelle.

Étude visant l’évaluation de l’intervention. Le premier point fort de l’étude d’intervention concerne son devis d’évaluation des effets et des processus comprenant un groupe expérimental et un groupe contrôle avec des mesures pré et postintervention. L’usage d’un tel devis a permis de contrôler plusieurs menaces à la validité (e.g., l’effet de contamination intergroupe) et a offert une certaine assurance quant aux conclusions tirées des résultats (Fitz-Gibbon & Morris, 1987; Posavac & Carey, 2003; Shadish, Cook, & Campbell, 2002). De plus, l’attention portée à l’obtention d’un excellent taux de réponse et de rétention des participants à la fin de l’intervention a également augmenté la valeur des résultats.

L’utilisation de l’approche à composantes multiples dans la présente intervention a permis de diminuer de 0,73 kg/m2, équivalent à 2,4%, la moyenne d’IMC des jeunes en groupe

expérimental, de 4,77 cm leur tour de taille et d’augmenter significativement la proportion de jeunes physiquement actifs sur une semaine (score PAQ-C) ou de jeunes engagés dans au moins 30 minutes par jour d’APMV à l’école. Ces résultats sont plus importants que ceux observés précédemment dans la majorité des études scientifiques. Dans leurs méta-analyses, Lavelle et al.

(2012), Metcalf et al. (2012), ainsi que Schranz et al. (2013) ont observé que les interventions réalisées en milieu scolaire ont contribué à diminuer d’environ 0,4% l’IMC des jeunes, à l’exception de la méta-analyse de Kelley et al. (2015), qui rapportait une diminution d’environ 3,6 % d’IMC des jeunes. Selon deux autres méta-analyses, les interventions visant la promotion de l’APMV ont permis une augmentation moyenne comprise entre 65 secondes et 6,5 minutes de plus par jour (Dobbins et al., 2013) ou d’environ 10 minutes (Lonsdale et al., 2013).

L’intervention est également parvenue à assurer à tous les jeunes l’opportunité d’adopter un mode de vie actif. En effet, les résultats démontrent que les filles et les garçons, de même que les jeunes en surpoids/obèses et ceux en normo-poids, ont atteint des niveaux similaires d’activités physiques (score PAQ-C). Les résultats ont indiqué l’absence d’interaction significative entre le groupe, le temps et le genre ou la mesure d’IMC.

Une évaluation des processus a également été réalisée. Elle comprenait une évaluation de la fidélité, de la faisabilité et de l’acceptabilité des activités du programme d’intervention. Ces éléments ont été receuillis par le biais de groupes de discussion (realisés auprès des jeunes et des enseignants), de questionnaires (remplis par les élèves et les enseignants) et par l’observation directe des activités de l’école. L’évaluation des processus a notamment permis d’ajuster les activités proposées et les procédures de mise en œuvre favorisant une plus grande acceptabilité des enseignements et des élèves. Cette évaluation des processus a également permis de donner du sens aux résultats obtenus, aux difficultés qui persistent et de dégager des recommandations en vue d’une éventuelle réplication du programme.

Cette étude d’évaluation de l’intervention comporte des limites méthodologiques qui sont à souligner. Premièrement, étant donné que l’intervention a été réalisée dans deux écoles privées, la validité externe des résultats reste à être démontrée afin de pouvoir généraliser les conclusions à l’ensemble des élèves du primaire au Liban et dans d’autres pays arabes. Deuxièmement, les résultats de la présente étude ont été obtenus après un programme de 14 semaines. Des effets à long terme de l’intervention peuvent être anticipés, mais n’ont pas été évalués. Troisièmement, le comportement de l’étude est mesuré par un moyen déclaratif (i.e., à l’aide du questionnaire PAQ- C et d’une question élaborée par l’équipe de recherche). Bien que le PAQ-C ait démontré de

bonnes caractéristiques psychométriques (Biddle, Gorely, et al., 2011; Tessier et al., 2008), il est possible que des problèmes liés aux biais de mémoire, de concentration et de compréhensibilité (Ainsworth et al., 2012) aient pu influencer les réponses des enfants. Cela est particulièrement vrai dans le contexte où les activités physiques des enfants sont le plus souvent non planifiées et non structurées, contrairement à ce qui est observé chez les adultes (R. Bailey et al., 1995; Kohl et al., 2000; Ward et al., 2007). En ce qui concerne la question élaborée par les chercheurs et mesurant la proportion d’enfants engagés dans au moins 30 minutes par jour d’APMV à l’école, celle-ci a été ajoutée au devis de l’étude, car il n’y a pas, à notre connaissance, d’instrument validé permettant de mesurer de façon autorapportée l’APMV des jeunes spécifiquement à l’école.

Ce projet de recherche comporte également plusieurs forces qu’il convient d’énumérer. Tout d’abord, alors que la pratique régulière d’APMV à l’école est un facteur de protection de l’excès de poids et d’autres maladies non transmissibles, cette pratique n’avait à notre connaissance jamais été étudiée dans un contexte arabe. Ensuite, ce projet a contribué à l’amélioration des connaissances sur des aspects essentiels de l’élaboration d’interventions de promotion de l’activité physique à l’école : (a) l’identification des déterminants de la pratique d’activités physiques à l’école à l’aide de théories de prédiction du comportement; (b) l’élaboration d’une intervention innovante; et (c) l’identification des variables médiatrices des changements comportementaux.