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Les leçons de la crise bancaire 2007-2009 et les limites des accords de Bâle

CHAPITRE I : FONDEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DE LA RÉGLEMENTATION

Section 5 Les leçons de la crise bancaire 2007-2009 et les limites des accords de Bâle

La crise financière des Subprimes qui est due aux prêts du même nom a relevé de graves lacunes de la réglementation du contrôle bancaire. Les normes prudentielles en Angleterre (Financial Services Authority FSA) n’ont pas pu prévenir les défaillances de la banque Northern Rock et la nécessité de son sauvetage par la banque d’Angleterre et le trésor britannique. En outre le système d’assurance dépôts n’a pas pu empêcher la panique des déposants qui se sont précités aux guichets de la banque pour retirer leurs épargnes. Aux États-Unis, des défaillances et des limites dans les normes prudentielles ont été constatées car elles ont été incapables de limiter les difficultés rencontrées par le système bancaire aux plus forts moments de la crise des Subprimes (faillite de Lehman Brother et la quasi faillite de Bear Stearns).

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Cette section est une illustration de la démarche de Rochet (2008) dans « le futur de la réglementation bancaire » pour montrer l’échec du dispositif prudentiel Bâlois face aux conséquences de la crise des

Subprimes de 2007/2008. Nous basons sur cette illustration pour montrer les limites des accords de Bâle

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Certains économistes ont alors remis en cause les normes prudentielles de Bâle II adoptées pour les banques commerciales et ont insisté sur la nécessité de les reformer pour tirer des leçons de la crise des Subprimes (Rodríguez 2002; J. C. Rochet 2008; Atkinson and Blundell-Wignall 2010; Moosa 2010a; Byres 2012; Barry and Dai 2013). D’autres spécialistes s’interrogent pour savoir si les accords de Bâle vont aggraver ou atténuer les crises (Jesús Saurina 2008).

L’un des objectifs des accords est d’éviter les risques contre de faillite individuelle de banques. Cette crise a mis en évidence certaines lacunes de Bâle II et de son incapacité à prévenir les crises bancaires. Cela va finalement entrainer une modification majeure au niveau de la réglementation. Dans cette section nous allons confronter Bâle II face à ses principaux objectifs initiaux et faire un lien avec les problèmes posés par la crise actuelle. Les faillites bancaires ayant eu lieu au cours de cette crise montrent que la réglementation bancaire n’est pas un remède efficace pour les éviter. Les innovations financières ont permis aux banques de contourner la réglementation bancaire tout en utilisant le levier financier pour prendre plus de risque sans avoir d’exigences en fonds propres supplémentaires (arbitrage réglementaire). Le souhait des banques de gérer et d’éviter le risque de faillite va finalement conduire le système bancaire à un gonflement du risque systémique au niveau global.

5.1 Bâle II et le risque de faillite bancaire

Une des raisons d’exister de la réglementation bancaire est la protection des petits déposants contre le risque de faillite de leur banque et en faveur de la stabilité du système financier pour soutenir la croissance économique. La hausse du risque systémique est toujours ignorée dans les dispositifs réglementaires Bâle I et Bâle II. Le dispositif Bâlois reste centré autour les seules préoccupations micro prudentielles (voir Borio 2003 et Rochet 2004) visant à maintenir la stabilité et la solvabilité des banques.

Le dispositif prudentiel cherche à minimiser la probabilité de faillite de chaque banque à un niveau acceptable. Les nouvelles approches de mesure du risque de crédit selon Bâle II se basent sur les modèles internes développés par les banques pour mesurer leurs exigences en fonds propres afin de couvrir les pertes attendues et exceptionnelles. Dans Bâle II la pondération, qui sert de base pour le calcul des exigences en fonds propres dans l’approche IRB Foundation, est estimée à l’aide d’une formule mathématique complexe comportant plusieurs paramètres instables et difficiles à estimer avec précision (J. C. Rochet 2008; Barry and Dai 2013; Atkinson and Blundell- Wignall 2010). Ces approches se focalisent essentiellement sur le risque de contrepartie et négligent celui d’illiquidité et elles ne prennent pas non plus en compte le risque du modèle seul

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le pilier 2 permet aux superviseurs d’intervenir à tout moment pour apporter des modifications aux modèles. Ce risque est devenu crucial pour les banques pendant la crise financière des

Subprimes. Les faillites et les sauvetages des banques lors de cette crise montrent une fois de plus

que les normes prudentielles sont incapables de prémunir les banques d’une possible faillite et des défaillances.

Les risques bancaires sont dus aux prises de décision de plusieurs agents économiques du système bancaire et financier d’où la dimension endogène de ces risques, ce que les nouvelles approches de mesure de risque bancaires ne prennent pas en compte. Or depuis « la critique de Lucas » : on connait l’importance de la prise en compte du changement de comportement des agents suite à la modification de l’environnement économique ou réglementaire. La titrisation, en permettant aux banques de céder leurs créances sous formes de titres à d’autres agents économiques, les pousse à ne pas surveiller la qualité des emprunteurs. Pour remédier à ce problème, le régulateur bancaire doit adopter un point de vue raisonnable, en ne se préoccupant plus seulement de la probabilité de faillite de chaque banque mais aussi de la stabilité du système bancaire (J. C. Rochet 2008) dans son ensemble.

5.2 Bâle II, les innovations financières et l’arbitrage réglementaire

Le processus de libéralisation financière des années 80 a abouti à une concurrence interbancaire intense où les banques pour continuer d’exister ont été obligées de diversifier leurs activités et de se tourner vers le marché financier en tant qu’acteur d'inter médiation financière entre le marché et les ménages. Aussi une tendance des banques à se diversifier au-delà de leurs activités de crédit traditionnel vers des opérations d'inter médiation sur les marchés financiers non prise en compte dans leur bilan reste donc difficile à connaître. Face à cette mutation des activités bancaires, les autorités prudentielles sont obligées d’imposer des normes de fonds propres plus strictes et sévères pour assurer la solvabilité de banques au profit d’une meilleure la protection des déposants et pour maintenir la stabilité du système financier.

Cependant les contraintes réglementaires ont poussé les banques à innover en inventant des instruments capables de contourner les réglementions en vigueur. Le développement de nouveaux instruments financiers et la globalisation du marché de capitaux ont généré de nouveaux risques et contraint les autorités prudentielles à faire évoluer les exigences réglementaires pour garantir la résilience du système financier (Aglietta 1999). À chaque fois que les autorités de marché privilégient la transparence et la sécurité, des nouveaux instruments sont développés pour contourner la réglementation, évitant ainsi qu’aux les banques à détenir davantage que les fonds

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propres réglementaires. (Plihon 2008) évoque d’une relation dialectique et circulaire entre l’innovation, les crises et la réglementation prudentielle. Les innovations financières et l’évaluation des actifs financiers sont au cœur de la plupart des grandes crises qu’a connues le monde ces dernières années.

Certains économistes considèrent que la majeure partie des innovations financière s’explique par le désir des établissements de contourner les réglementations auxquelles ils sont soumis (J. C. Rochet 2008). La réglementation « Q » aux États-Unis et la création de marchés eurodollars ont entrainé l’effondrement du système financier à l’époque où les accords Bretton Woods étaient en vigueur. En Europe, la mise en place du système monétaire européen qui était censé stabiliser le cours de change au travers de politique de régulation et de l’intervention de la banque centrale, a poussé les institutions financières à se tourner vers les marchés à terme et celui de produits dérivés. Ces derniers ont provoqué l’effondrement du système monétaire européen en 92-93.

Récemment, la réglementation intensive en matière des exigences en fonds propres a conduit au développement de la titrisation20 de produits bancaires ce qui est une des causes de la crise des Subprimes. À partir de ces analyses historiques, nous pouvons affirmer que les innovations financières favorisent l’arbitrage réglementaire et accentuent le comportement spéculatif des banques. Pour être efficaces, les normes prudentielles en matière d’adéquation des fonds propres doivent être évolutives pour tenir compte des innovations du marché et du changement du modèle du business des banques afin de continuer à maintenir leur stabilité et leur solvabilité des banques.

5.3 Bâle II et le risque systémique

L’une des limites principales de la réglementation prudentielle des accords de Bâle II. Il était de rester centré uniquement sur les risques bancaires de façon individuelle sans tenir compte des interactions entre les banques et de l’environnement économique (risque systémique). Le risque systémique recouvre tous les événements susceptibles de mettre en péril la totalité du système bancaire et financier. Or, la crise financière des Subprimes a prouvé la persistance de ce

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Le but principal des banques en titrisant la créance, est l’octroi de crédit à l’économie avec beaucoup moins de fonds propres. La rémunération des ingénieurs, chargés de la mise en place de produits financiers structurés, au prorata du volume d’activité de ces produits a favorisé l’émergence d’une vague de produits financiers opaques.

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risque et les limites des approches micro- prudentielles à le contenir pour éviter sa propagation à l’ensemble du système bancaire et à l’économie réelle. Les plans de sauvetage des États pour sauver les banques n’ont pas pour but de protéger les déposants contre le risque de faillite bancaire mais pour préserver l’intégrité du système financier dans son ensemble et d’éviter l’effondrement du processus de financement de l’économie. Les faillites bancaires dues à cette crise surtout (notamment la faillite de la banque Northern Rock qui détenait un niveau de fonds propres largement supérieur à celui requis par Bâle II) ont montré que le respect des normes prudentielles exigées par la réglementation n’est pas une condition suffisante pour éviter que les banques fassent faillites.

La crise des Subprimes a montré la négligence du risque systémiques par les normes prudentielles des accords de Bâle II et de sa capacité à déstabiliser le système financier (les conséquences des faillites de Lehman Brother et AIG). L’accumulation du risque systémique due à l’interconnexion entre les acteurs financiers pourrait engendre des effets de contagion via les expositions communes (aux États-Unis par effet domino la crise des Subprimes a affecté tout le marché de crédit et de la titrisation via les banques et les hedges funds fortement exposés aux prêts hypothécaires, (Taccola-Lapierre 2008). La mondialisation des activités bancaires et les interactions entre les acteurs de la finance se sont caractérisées par une augmentation exponentielle du risque systémique. Les régulateurs ont donc dû proposer des nouvelles normes prudentielles pour atténuer le risque systémique et permettre la réduction des expositions communes entre les banques et les acteurs spéculatifs.

5.4 Bâle II et la Value at Risk (VaR)

Dans le pilier 1 des accords de Bâle II, sont présentées les différentes approches possibles d’adéquations de fonds propres permettant aux banques de calculer leurs fonds propres réglementaires et les méthodes internes permettent de déterminer le capital économique pour les différents risques (risque de crédit, de marché et opérationnel). Or le comité de Bâle se base sur les modèles internes pour déterminer les paramètres de calcul de ces fonds réglementaires (probabilité de défaut ; la perte en cas de défaut et l’exposition en cas de défaut). La méthodologie générale de ces approches est celle du modèle VaR (Value at Risk).

Cette dernière est estimée sur la base les données historiques. Le régulateur cherche à estimer, pour chaque risque, le montant de fonds propres permettant de couvrir les pertes de la banque pour un horizon donné avec une probabilité de réalisation de défaut en supposant que les conditions futures seront similaires aux conditions passées (J. C. Rochet 2008). La VaR a été

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proposée par le comité de Bâle lors de l’amendement de 1996 pour calculer les fonds propres réglementaires pour le risque de marché. Elle fournit un agrégat de mesures de risque d’un portefeuille par rapport à l’ensemble de facteurs de risques qui affectent la valeur de chacun de ses actifs (Cecchetti 1999), de ce fait, la VaR mesure la perte maximale.

Néanmoins, la VaR n’est pas un outil « idéal » de gestion des risques bancaires -les crises bancaires de ces dernières décennies l’ont prouvé- et ont remis en cause les hypothèses irréalistes de la modélisation VaR. La plupart des modèles du comité de Bâle sont des adaptations simplifiées des modèles internes et qui ont leurs fondements au niveau de la VaR. En autorisant les banques à proposer leurs propres modèles internes pour évaluer les risques et déterminer les montants des exigences des fonds propres, le régulateur incite les banques à être optimistes par rapport à leurs expositions au risque et à minimiser le niveau des fonds propres réglementaires pour maximiser leurs rentabilités. En effet Bâle II s’avère être peut un élément incitatif pour les banques qui les incite à sous-estimer le risque de crédit. Des reformes menées doivent être faites pour corriger les insuffisances des modèles internes et imposer aux banques de mettre à la disposition du régulateur toutes les informations pour permettre la validation de ces modèles par la discipline du marché.

5.5 Bâle II et le risque de liquidité

La crise des Subprimes a démontré que l’interconnexion des plusieurs banques peut transformer un risque de contrepartie en une crise de liquidité du marché interbancaire. Les accords de Bâle II négligent largement le risque de liquidité. Des études ont été menées sur le risque de liquidité, les simulations de crise et les valorisations des actifs financiers par le comité de Bâle pour comprendre quels enseignements pouvaient être tirés de cette crise, et tenter d’apporter des modifications aux normes prudentielles et permettre la prise en compte de tous les risques.

Les banques sont quotidiennement confrontées à des problèmes de gestion de la liquidité. Les normes de gestion de la liquidité en respectant les accords de Bâle II n’ont pas été suffisantes pour gérer efficacement le risque de liquidité qui s’est manifesté lors de la crise des Subprimes. Cette dernière a aussi démontré que les banques, même solvables, peuvent se trouver mais confrontées à des problèmes de liquidité à court terme.

5.6 Bâle II et la pro cyclicité

La crise financière a mis en évidence montré toutes les limites des accords de Bâle II, mais a aussi montré que les exigences des fonds propres ne sont pas suffisantes dans certains cas conditions pour couvrir les risques réellement encourus par les banques. Les exigences de fonds

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propres réglementaires peuvent être pro cycliques. En effet, dans des conditions économiques favorables, les exigences de fonds propres peuvent tendre à sous-estimer les risques bancaires et à les sur estimer lorsque les conditions sont moroses.

(Atkinson and Blundell-Wignall 2010) ont identifié quelques facteurs à la base de la pro cyclicité du capital des banques :

Ø Le ratio de levier dépend de la valeur actuelle du marché, très élevé en période favorable et faible aux moments lors des mauvaises périodes. La pro cyclicité se manifeste quand la valeur des actifs ne reflète pas les cash-flows futurs.

Ø Les méthodes de mesure des risques bancaires tendent à être standards et non dynamiques tout au long du cycle économique.

Ø Les politiques de gestion de risque de crédit sont laxistes pendant les période favorables et sévères lors des périodes défavorables.

Ø La réalisation des profits à court terme encourage la prise de risque excessif sans se soucier des conséquences sur le cycle complet.

Les accords de Bâle II ont été critiqués du fait des leurs caractères pro cycliques pour l’industrie bancaire (Moosa 2010b). Les travaux empiriques de (Hu 2000) ont montré une pro cyclicité dans la profitabilité bancaire et les provisions pour pertes sur les prêts des banques de 26 pays entre 1979 et 1999. (Monfort and Mulder 2000) ont étudié le comportement cyclique de la notation de crédit de 20 pays émergents. Leurs résultats ont montré que les exigences des fonds propres ont tendance à augmenter lors de certaines périodes économiques ou pendant les crises financières. (Caruana 2012) suggère des instruments prudentiels contra cycliques pour atténuer la pro cyclicité des exigences en fonds propres des banques et en donnant aux normes prudentielles des implications macroéconomiques.

Conclusion du chapitre I

Ce chapitre visait à décrire succinctement l’évolution de la réglementation bancaire au cours de ces dernières décennies. Ces réglementations sont censées prévenir les risques des faillites bancaires, cependant les crises qui ont éclaté les unes après les autres au cours des années 90 et ont été particulièrement profondes et caractéristiques des économies intégrées aux mouvements financiers internationaux. Plusieurs études empiriques s’accordent à dire que ces crises trouvent leur origine dans le processus de libéralisation financière et de mondialisation

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financière. Les banques se sont heurtées à des phénomènes de panique bancaires entrainant des retraits des fonds par les déposants. Cette situation trouve son origine dans des sorties massives de capitaux étrangers rendant les ressources des banques insuffisantes pour satisfaire la demande des déposants.

Les innovations financières induites par la libéralisation financière ont limité le cadre de la gestion des risques bancaires et la réglementation prudentielle dans leur objectif de minimisation des faillites bancaires. La crise des Subprimes est venue pour montrer aux autorités de contrôle bancaire que la réglementation bancaire n’a pas évolué à la même vitesse que l’évolution les innovations financières au cours des dernières décennies. Plusieurs critiques ont ainsi été adressées aux accords de Bâle II, stigmatisant leur incapacité à contenir les désordres financiers causés par la crise de Subprimes. Les limites de ces accords ont conduit à des réflexions sur la possibilité d’introduire des approches qui mesurent les risques bancaires dans la globalité du système bancaire en tenant compte des interactions entre institutions financières.

Il ressort donc ce chapitre que l’expansion des innovations financières est la cause principale du déclenchement de cette crise. Cette dernière trouve son origine dans le retournement du marché immobilier américain. En effet, la hausse de prix des actifs immobiliers a alimenté l’octroi de crédits par les banques à des personnes qui étaient autrefois insolvables. La titrisation n’a fait par suite que distribuer et propager le risque à l’ensemble du système financier. D’où la nécessité de faire de nouvelles propositions des fonds propres pour tenir compte des ces innovations mais aussi d’introduire des approches macro-prudentielles qui peuvent être complémentaires aux règles micro prudentielles.

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