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Fonds propres, estimations de risques bancaires et les approches top-down et bottom-up

CHAPITRE I : FONDEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DE LA RÉGLEMENTATION

Section 3 Fonds propres, estimations de risques bancaires et les approches top-down et bottom-up

Les fonds propres bancaires sont des fonds dont disposent les banques pour assurer leurs activités et leurs stabilités. Les normes prudentielles permettent la détermination de ces fonds propres et constituent un matelas de sécurité face aux imprévus de la crise. Pour augmenter leurs fonds propres, les banques ont deux possibilités ; soit mettre en réserve une partie de leurs bénéfices, soit lever des fonds auprès des investisseurs et des épargnants. Les fonds propres d’une banque représentent la fraction de ses actifs dont les prix ne sont pas dus aux créanciers (déposants) ou tout autre prêteur de la banque (Jorion, 2012). La qualité des actifs détenus par la banque et le montant de ses fonds propres sont les deux variables clés qui déterminent sa capacité à emprunter. Selon le principe bancaire, une banque n’a pas le droit ni de recevoir de dépôts, ni d’emprunter à d’autres banques sans en détenir un minimum de fonds propres réglementaires. Les fonds propres bancaires constituent la réserve à la disposition des dirigeants responsables pour faire face à tout imprévu ou accident.

3.1 Les fonds propres réglementaires

Les fonds propres réglementaires sont définis comme le capital que doivent détenir les institutions bancaires en se référant aux exigences réglementaires définies par les autorités prudentielles (Basel Committee on Banking Supervision of BIS 2004). Ces fonds propres - communément- appelés capital réglementaire découlent de normes prudentielles qui cherchent à assurer la solidité et la stabilité des institutions bancaires de façon individuelle et du système bancaire dans son ensemble. Le capital réglementaire permet aux régulateurs d’imposer une solvabilité minimale aux banques.

Les fonds propres réglementaires sont essentiellement constitués des éléments de base ou Tier 1, complémentaires ou Tier 2 et sur-complémentaires ou Tier 3. Le ratio de solvabilité rapporte ces fonds propres réglementaires (numérateur) aux risques pondérés (dénominateur). Il est fondé sur le principe du rapport entre les fonds propres et le montant des crédits distribués pondérés par les risques associés.

48 3.1.1 Les fonds propres de base Tier 1 ou T1

Ils cherchent à assurer la continuité des activités d’exploitation de la banque. Ils sont constitués des actions ordinaires & assimilées ainsi que les autres éléments de T1. Les actions ordinaires et assimilées sont les éléments qui respectent les critères d’inclusion réglementaires aux fins du calcul des fonds propres définis par le comité de Bâle (Basel Committee On Banking Supervision 2011). Les éléments de T1 sont :

• Les actions ordinaires émises par la banque qui satisfont aux critères d’inclusion réglementaires.

• Les primes liées au capital résultant de l’émission des actions ordinaires et assimilées. • Les bénéfices non distribués.

• Les encours accumulés d’autres revenus généraux et d’autres réserves publiques. • Les actions ordinaires émises par les filiales consolidées de la banque.

• Les ajustements réglementaires appliqués au calcul des actions ordinaires et assimilées. Les autres éléments de T1 comprennent :

• Les instruments émis par la banque qui satisfont aux critères d’inclusion dans les autres éléments de T1 (qui ne sont pas des actions ordinaires et assimilées)

• Les primes liées au capital résultant de l’émission des instruments compris dans les autres éléments de T1.

• Les instruments émis par les filiales consolidées de la banque et détenus par de tiers. • Les ajustements réglementaires appliqués au calcul des autres éléments de T1.

Les raisons de l’introduction de Tier 1 dans les fonds propres réglementaires s’expliquent du fait que les éléments le constituant, ont une maturité indéfinie, sont stables, et ont une capacité à discipliner la prise excessive de risque par la banque. Les éléments de T1 devront avoir une maturité -plus longue en l’occurrence - que les dépôts, de sorte qu’ils peuvent absorber les pertes avant l’utilisation de l’assurance-dépôts. D’où le caractère de coussin de sécurité ou « Noyau dur » attribué à T1. La disponibilité et la stabilité des éléments de T 1 permettent d’éviter une panique des déposants dans le cas d’un choc exogène et imprévisible. Les fonds propres de base jouent le rôle de réduction de l’incitation de l’aléa moral en conduisant à une prise de risque considérable par la banque qui ne perd pas de vue que les autorités seront toujours là pour sauver la banque en détresse.

49 3.1.2 Les fonds propres complémentaires T2

Les fonds propres complémentaires visent à absorber les pertes en cas de liquidation, les principaux éléments pouvant être introduits ici sont :

• Les instruments émis par la banque, qui satisfaisant les critères d’inclusion dans T2 (ne rentrant pas dans la composition de T1)

• Les primes liées au capital résultant de l’émission des instruments dans T2.

• Les instruments émis par les filiales consolidées de la banque et détenus par de tiers, qui satisfont les critères d’inclusion dans T2 (ne rentrant pas dans la composition de T1). • Certaines provisions pour pertes sur prêts.

• Les ajustements réglementaires appliqués au calcul de T2.

• La contrainte imposée par le comité de Bâle concernant T2 spécifie est que les fonds propres complémentaires ne doivent pas dépasser 50% des fonds propres.

3.1.3 Les fonds propres sur-complémentaires ou T3

En 1996, le comité de Bâle a introduit la notion des fonds propres sur-complémentaires pour permettre aux banques de faire face à certains risques de marché liés aux instruments financiers procurant des intérêts ainsi que les devises et les marchandises (Comité de Bâle sur le contrôle bancaire 1996). Il est important de signaler que les fonds propres sur-complémentaires couvrent une partie des exigences de fonds propres pour le risque de marché et sont limités à hauteur de 250% des fonds propres T1 au titre de la couverture du risque de marché. La dette subordonnée à court terme est le seul élément éligible comme fonds propres T3, il doit être partie intégrante du capital permanent de la banque et être disponible pour absorber les pertes en cas d’insolvabilité. En outre la dette subordonnée à court terme doit au minimum : être libre de gage, avoir une échéance initiale d’au moins deux ans et ne pas être remboursable avant la date convenue.

50 3.1.4 Les éléments à déduire de fonds propres

Pour le calcul du ratio de solvabilité bancaire, certains éléments doivent être déduits des fonds propres. Parmi ceux-ci, la survaleur ou goodwill est à déduire de T1 ainsi que toute augmentation de capital en rapport avec une exposition de titrisation. Il en est de même pour les investissements dans les filiales ayant une activité bancaire et financière qui ne sont pas consolidées dans la maison-mère. La norme impose de consolider les filiales pour évaluer le niveau des fonds propres des groupes bancaires. Lorsque la norme n’est pas respectée, il est nécessaire d’effectuer ces déductions pour éviter une utilisation multiple des fonds propres dans différentes filiales du groupe.

Certains éléments dont les déductions sont limitées à 50% pour T1 et 50% pour T2 selon les prescriptions de Bâle II, puis seront assortis d’une pondération des risques de 1250% sous Bâle III, parmi ces éléments on retrouve :

• Certaines expositions de titrisation.

• Certaines expositions sur actions dans l’approche PD/LGD. • Les participations significatives dans les entités commerciales. 3.2 Les fonds propres économiques

Les fonds propres économiques ou « mesures justes de risques » sont définis comme les fonds propres censés couvrir la perte potentielle maximale pour un seuil de confiance fixé pour un horizon donné. L’amendement du 1996 de comité de Bâle sur la réglementation bancaire donne la possibilité aux établissements bancaires d’appliquer leurs propres modèles (modèles internes) pour évaluer le risque bancaire. Le capital économique est défini par la banque en fonction des risques auxquels, elle est réellement confrontée. Pour le régulateur, seule la banque elle-même peut appréhender réellement et efficacement les risques encourus. L’objectif des modèles internes est de permettre une meilleure allocation des fonds propres. Les pertes adossées à l’activité bancaire peuvent être distinguées en pertes attendues couvertes par les provisions, les pertes exceptionnelles couvertes par le capital économique et les pertes extrêmes non couvertes. Le capital économique est un « coussin » d’absorption des pertes exceptionnelles (« Unexpected

Losses » UL) donc il est le moteur de l’activité bancaire. La finalité de ce capital est d’évaluer les

risques encourus de façon la plus réaliste possible et en tenant compte des réalités économiques. En outre, le capital économique permet à la banque d’accéder au marché interbancaire, d’obtenir

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de conditions de financements compétitives et d’avoir une capacité d’intervention sur les marchés de dérivés.

Pour mesurer le capital économique, il est primordial d’exposer la problématique de la banque qui consiste à prendre le moins de risque et en même temps à offrir le ROE Return on

Equity le plus élevé possible à ses actionnaires. Le calcul du capital économique repose sur le

principe de la VaR (Value at Risk).

La VaR est une mesure de perte potentielle permettant de répondre à la question suivante : Combien la banque peut-elle perdre avec une probabilité (1-α) pour une période de temps fixé (Lévy-Rueff 2005). Les modèles internes d’évaluation des risques bancaires et d’allocation de fonds propres peuvent être distingués en approche top-down et bottom-up. L’approche top down consiste à estimer la distribution des actifs de la banque, évaluer le capital dans - le cadre théorique de Merton- allouée aux différentes activités de la banque alors que l’approche bottom-up consiste à estimer les distributions des pertes de différentes activités, à les agréger pour obtenir la distribution des pertes de la banque et en déduire le capital économique.

3.2.1 Les Approches top-down de calcul de capital économique

L’approche top-down littéralement appelée « l’approche descendante » consiste à procéder du haut vers le bas pour délimiter et conceptualiser rapidement l’allocation de fonds propres de la banque, en attribuant à chaque ligne d’activité, sa propre allocation de fonds propres. L’approche top-down permet de structurer une meilleure allocation de fonds propres en fonction des risques encourus par emprunteurs, en d’autres termes, cette approche permet de désagréger le montant des fonds propres mesuré sur l’ensemble du portefeuille bancaire.

Selon la méthode EaR (Earning-at-Risk), prenant racine dans la théorie du portefeuille, le risque d’une ligne de crédit est directement lié à la volatilité de son résultat.

3.2.2 Les approches bottom up d’allocation de fonds propres Economiques

L’approche Bottom up consiste à allouer les fonds propres et à suivre leurs emplois, le principe consiste à mesurer le capital économique au niveau de la transaction et ensuite à consolider ces capitaux au niveau global. L’indicateur de base de calcul du capital économique par l’approche Bottom up est le RoE (Return on Equity), ce dernier permet d’évaluer la performance globale d’une banque en rapportant une mesure de la rentabilité financière aux fonds propres comptables de la banque :

52 !"# = %&"'()* fonds propres comptables

Le RoE est insuffisant pour une gestion opérationnelle de risque, car il présente des inconvénients, la mesure comptable de fonds propres présente des insuffisances pour apprécier le risque. En outre, le RoE est déterminé pour un établissement bancaire car les fonds propres comptables ne sont pas alloués à des transactions ou lignes de crédits spécifiques.

Pour y remédier à ces inconvénients, le dénominateur du RoE est remplacé par le capital économique d’une activité donnée, permettant d’avoir ainsi on obtient le RoC (Return on Capital) qui est un indicateur d’arbitrage rendement/risque par activité ou ligne de crédit.

RoC(i) = Profit(i)

Capital économique (i)

Le RoC évalue la performance de chaque transaction ou de chaque ligne d’activité en remplaçant les fonds propres comptables par une mesure du capital économique destinée à couvrir cette activité, il permet donc de mesurer la contribution de chaque activité à la performance du couple (rendement et risque) de l’établissement.

Pour affiner l’analyse de risque par l’approche bottom up, on définit l’indicateur RAROC (Risk Adjusted Return On Capital) permettant d’évaluer la performance tout en l’ajustant au risque.

!C!DE(() = profit i − EL(i) capital économique(i) Avec EL « Expected Loss »

L’objectif principal du RAROC est de le comparer à un niveau de référence, et seules les activités présentant des performances supérieures à ce niveau seront retenues.