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BIOGRAPHIE LANGAGIÈRE D’UNE LOCUTRICE PLURILINGUE INUK

1. Langues et cultures

1.2 La langue comme reflet de la culture

Les Peuples Autochtones insistent souvent sur le fait que parler la langue ancestrale ne signifie pas seulement sauvegarder un héritage linguistique et culturel. « La langue est

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indissociable de la vision du monde. » (Moore, 2007, p. 140). Ceci résume parfaitement les idées de l'interviewée. En effet, elle possède un véritable sentiment d'appartenance au Nord, même si elle n'y vit plus depuis un moment. Il y a un désir de retour aux traditions en ce qui la concerne. Elle nous indique également que son retour aux études lui permet de combler ses lacunes sur sa culture inuk, ainsi que sur sa langue. Il y a donc une véritable volonté de reconnexion avec les traditions.

(6) P (43) : tsé je sais que ça fait très très longtemps que j'ai pas été chez nous et je vis pas de la façon traditionnelle et tout sauf que ... je trouve que . .. hum j'ai lu quelque part dernièrement que c'est pas tant . .. un retour à la tradition XXX une recréation de notre de notre territoire de notre tradition là . .. fait que de notre culture de notre de notre pleuple là . .. mais j'sais pas mais j'imagine que je me considère comme une INUITE MODERNE ah ah ah

Son insistance sur sa culture inuk est récurrente. Cependant, elle ne définit pas vraiment ce qu'elle entend par « sa culture ». Elle en parle en termes de force et d'importance. Il est important pour elle de la préserver.

(7) P (39) : je me considère UN ENFANT DE LA TERRE ah ah non honnêtement ma culture je je ... c'est ça ma culture . .. chu TRÈS TRÈS TRÈS FIÈRE de ma culture inuite là ... je pense que je m'identifie beaucoup plus comme une inuite qu'une québécoise là

I (40) : [...]

P : (41) : parce que . .. je pense que je m'identifie plus comme une inuite qu'une québésoise là . .. bin parce que . .. LA CULTURE INUITE ELLE EST TELLEMENT FORTE ET TELLEMENT IMPORTANTE LÀ ... pis aussi que . .. c'est que . .. comme ma famille québécoise MÊME MA FAMILLE QUÉBÉCOISE sont toutes là il se reconnait pas ils vont se reconnaître comme des QUÉBÉCOIS sauf que ... t'sé notre vie est DANS L'NORD LÀ ...

Elle met l'accent sur la maîtrise de la langue et plus particulièrement de sa langue. Le changement de pronom entre « cette langue » et « ma langue » est très révélateur. On peut aussi retrouver ce pronom au tour de parole 98. Elle a un souci de la parler et de la transmettre aux autres. Elle est d'ailleurs très étonnée de pouvoir à nouveau la parler après l'avoir perdue. C'est vraiment un retour vers son passé et vers ses ancêtres.

(8) P (94) : hum . .. j'aimerais maîtriser ... maîtriser la langue inuktitut j'aimerais BEAUCOUP BEAUCOUP MAÎTRISER CETTE LANGUE MA LANGUE puis euh ... maintenant je : je me force à le parler . .. et euh je me suis beaucoup beaucoup améliorée d'ailleurs j'ai fait une présentation dernièrement juste en inuktitut on était supposé notre travail c'était de faire un un un . .. pub pour euh . .. promouvoir l'école . .. moi . .. j'ai euh . .. enfin en équipe . .. on a fait euh . .. on a faite un poster et euh . .. un petite publicité puis euh . .. comme c'est avec le cours d'inuktitut on avait besoin de le présenter qu'en inuktitut pis euh ça m'a surpris que j'étais capable de faire ça

I (95) : ouais parce que moi quand j't'ai connu tu me disais que l'inuktitut finalement tu le parlais mais pas super bien non plus tsé t'étais pas à l'aise de tout dire

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P (960 : non non mais je m'améliore beaucoup beaucoup beaucoup là pis je me FORCE vraiment à le parler euh . .. je vais essayer comme sur facebook je vas essayer de mettre des commentaires en inuktitut euh ...

Un fait culturel marquant chez beaucoup de Peuples Autochtones est la coupure entre les Ainés et les jeunes de la nouvelle génération. Coupure due à la non-connaissance de la langue ancestrale. En effet, la participante se rappelle son retour à Kuujjuaq après avoir passé quelques années dans le Sud dans un milieu totalement francophone. Elle se souvient surtout du fait qu'elle ne pouvait plus parler à sa grand-mère. Une barrière de la langue s'était installée qui fut un déclencheur pour le réapprentissage de sa langue. La participante a mis de l'emphase sur le mot «LÀ» quand elle dit, je cite : « Là j'ai voulu » (tour de parole 100) sous-entendu : « à partir de ce moment-là ». Ceci démontre un commencement dans sa réflexion en ce qui concerne la prise de conscience de sa langue qu'elle considère comme importante et maternelle. La communication avait été rompue, il fallait donc la rétablir à tout prix : d'un besoin, c'est devenu un devoir.

(9) P (100) : ouais c'est ça mais rgarde là j'ai . .. comme là . .. quand je suis retournée à kuujjuaq j'ai pas été capable de parler avec ma grand-mère pis LÀ j'ai voulu . .. l'apprendre ... mais euh ... pis je l'apprenais petit à petit mais MAINTENANT je me donne le DEVOIR c'est pas XXX je me dis pas oh j'aimerais ça j'aimerais ça

Pour elle, la langue c'est la culture. Comment se dire Inuk, si elle n'est pas capable de parler la langue des Inuit ? Elle a besoin d'appartenir à un groupe et pour y arriver cela passe pour elle par l'apprentissage et la maîtrise de sa langue : l'inuktitut. Ainsi comme le disait Déprez (1999), « une communauté linguistique se définit par son unité et son homogénéité : ses membres parlent la « même » langue » (p. 169).

(10) P (102) : non parce que je m'identifie comme inuite pis si chu même pas capable de parler la langue bin quess que je suis là je sais pas

Pour elle, l'inuktitut est le reflet de la culture, car toute activité dite culturelle se passe en inuktitut. Elle parle de son frère ainé qui maîtrise la langue inuk, car il a beaucoup chassé et que, pendant ces moments-là, la langue utilisée n'est ni l'anglais, ni le français. La couture et la chasse font partie de la culture et permettent à la langue de se véhiculer et de se préserver.

Le maintien des liens avec le territoire, les pratiques culturelles et le mode de vie en Arctique sont considérés comme essentiels à la survie de la communauté Inuit urbaine et à son bien-être en tant que communauté autochtone en situation de migration. (G. Budach, D. Patrick, 2012. p. 105)

Ma participante a aussi trouvé un moyen de préserver et d'apprendre cette langue qui la définit. Elle prend des cours à Ottawa dans un programme (Nunavut Sivuniksavut) fait par les Inuit et pour les Inuit. Elle a un désir de connaissance au niveau de sa culture et de

181 sa langue. Peut-être cherche-t-elle son identité ?

(11) a. P (29) : euh bah c'est ça c'est des cours : c'est ça . .. je sais pas comment . .. . .. l’expliquer parce que c'est une peu bizarre man c'est des cours . .. fait par les INUIT pour les INUIT et c'est des cours sur les INUIT c'est vraiment c'est vraiment comme des . .. des études . .. autochtones là i guess là . .. on apprend sur l'histoire des . .. l'histoire du peuple d'où ce qui viennent euh . .. comme la culture on apprend des chants de gorge on apprend des cours d'inuktitut on a des cours d'inuktitut pour améliorer la langue euh on a . .. toute sorte de bons cours comme ça euh . .. on fait des performances . .. c'est pas une école reconnue comme comme d'autres universités ou cégep que tu connais là mais hum . .. pour le nord en tout cas kek chose c'est quand même quelque chose de très important là

b. P (35) : [...] j'pense que c'est important il me manque beaucoup de connaissances sur ma culture la donc j'ai décidé de : de le suivre la

c. P (39) : nunavut sivuniksavut ça veut dire euh . .. le futur de NOTRE TERRE