Une promotion dans l’« urgence »
7. Le point de vue des entités‐relais
7.3 Un « set de plus à table » en action
7.3.5 Laisser une sphère d’autonomie
le rendez‐vous c’est parce qu’on lui a ouvert la porte. Après, s’il a décroché la place, c’est parce que lui a convaincu. Mais c’est très facilitant. […] avoir un rendez‐vous, se présenter au bon endroit à la bonne heure, et puis les astuces aussi sur le non verbal, sur comment tu te tiens, comment tu t’habilles, qu’est‐ ce que tu fais avec ton téléphone, enfin tous ces trucs un peu socio‐culturels mais éducatifs, il faut que quelqu’un le leur dise. » (Isabelle, 47 ans, membre de la famille Tinguely) Carole qui a soutenu Semere dans sa recherche d’apprentissage, lui qui hésitait entre ébéniste (car il a un oncle en Érythrée dont c’est le métier) ou électricien, en parlant à l’une de ses amies, a fait en sorte que Semere puisse essayer de faire un stage dans ces deux types de profession. Semere a alors préféré opter pour le métier d’électricien. L’entreprise l’a gardé pour un pré‐apprentissage, puis pour un apprentissage. Elle relève la chance dont a bénéficié Semere du fait du réseautage et de l’appui de sa « nouvelle » famille que constitue presque son patron. Toutefois, elle insiste aussi sur l’attitude très adéquate qu’a adoptée le jeune homme. En ce sens, elle montre l’utilité du réseautage tout en mettant en valeur les compétences de son protégé :
« Enfin, tu vois il a eu son pré‐apprentissage, il le garde pour l’apprentissage. Il commence un CFC d’électro. … Donc, ça fait maintenant un an qu’il bosse avec eux, ils sont hyper contents. Il est hyper ‘straight’. Et il est en duo avec l’un des électro, lui il s’appelle Sam, et il l’a beaucoup aussi fait conduire, donc c’est super. Un peu plus âgé et c’est une toute petite boîte. C’est une famille. Ils sont 4. C’est un couple, le fils, donc le père et le fils ils travaillent ensemble. La femme elle fait l’administration. Et ils ont un associé et c’est avec lui que Semere est en duo. Et ils habitent tous dans les mêmes immeubles, donc à midi, ils mangent avec eux. Donc, aussi, en fait, il a intégré une autre famille. Il y a tout un … Donc il est bien entouré. Et c’est des gens qui sont aussi extrêmement réservés et discrets mais alors une grande générosité. » (Carole, 48 ans, membre de la famille Moretti) Les propos de Carole sont admiratifs à l’égard de Semere, notamment parce qu’elle se rend compte que cela lui plaise ou non, que Semere se montre capable de « rentrer dans le moule » : « Après, je pense qu’il nous amène beaucoup dans comment il s’intègre, moi c’est ça que je trouve hyper intéressant, le mec, il débarque du bout du monde dans des conditions sordides par moments, et puis il est là, et c’est ça que je vois que mes enfants voient. C’est que ‘tetieu ce gars, il y arrive !’. Et c’est ça qu’on devrait tous faire où l’on va, c’est s’adapter, tu rentres dans le moule. Tac, tu respectes les règles. Et je trouve que Semere, il fait ça admirablement bien. C’est vraiment impressionnant. » (Carole, 48 ans, membre de la famille Moretti). En somme, et pour le dire de façon plus compliquée, comme le ferait Foucault (2014), une source d’explication de la subjectivation, à travers le regard des entités‐relais, on entrevoit que les jeunes migrant.e.s auraient pleinement conscience du fait qu’ils et elles « doivent » s’auto‐discipliner et obéir, et en se « normalisant », démontrer aussi leur pouvoir d’agir et leur relative autonomie.
7.3.5 Laisser une sphère d’autonomie
Certaines entités d’accueil partagent toutes leurs activités sans restriction ou presque tandis que d’autres se ménagent des moments en famille restreinte sans la présence du jeune migrant.e soit dans l’idée de se retrouver dans leur configuration d’avant l’accueil, soit dans celle de ne pas faire pression sur le‐la jeune et de lui laisser aussi une sphère « à lui ou elle» sans que son entité d’accueil s’en mêle.
Les sphères propres aux jeunes migrant.e.s sont variées. Certaines recoupent des activités sportives, d’autres des rencontres religieuses. Quel qu’en soit l’objectif, elles sont généralement perçues
comme permettant aux jeunes migrant.e.s de développer un contact avec d’autres jeunes migrant.e.s de la même origine ou avec des membres de la « communauté d’origine ».
Tesfay et Isaias sont incrits dans un club de vélo tandis que Mewael a joué dans une équipe de football genevoise, et qu’Asante se rend régulièrement aux entrainements de football organisés par des entraineurs affiliés à l’AMIC. Tesfay est par ailleurs très intégré aux activités religieuses de la partie copte des Erythréen.ne.s de Genève : « Et puis pour eux c’est probablement hyper important, c’est déjà important là‐bas en Erythrée donc ici ça l’est encore plus. Alors parfois c’est l’église qui le bloque. Et d’ailleurs ça rentrait toujours un peu en conflit avec ce qu’on lui proposait parce que c’est souvent le samedi toute la journée et la célébration elle‐même c’est le dimanche très tôt pour bénéficier d’un lieu de culte. Et souvent il est crevé parce que vu qu’ils font ces célébrations la nuit et aussi parfois des longs carêmes avec quasi‐jeûne. Il arrive à la fin de la semaine, il est complètement mort donc c’est dur pour lui de faire ça. » (Pascal, 61 ans, membre de la famille Cuénod). Célestin en voit davantage le côté positif : « C’est vrai que même Tesfay, hier quand on marchait dans la rue…il connait tous les Erythréens...Tu ne peux juste pas marcher à Genève sans qu’il croise des gens (Rire). Dans la communauté ici, il est vraiment super intégré. » (Célestin, 24 ans, membre de la famille Cuénod) Isaias, comme Mewael, sont eux aussi, intégrés à l’église copte érythréenne : « Il est aussi pas mal en lien avec l’église érythréenne donc c’est par exemple le respect du carême, qui est largement plus sévère que le nôtre. Long, avec 2 ou 3 jours où tu ne manges rien. Donc très dans un système de règles. » (Térence, 55 ans, membre de la famille Sandoz). Valentin réfère aussi à l’église en parlant de Mewael :
« [En vacances, on va] une semaine ou deux dans des maisons en campagne, on préfère la campagne que la ville. La première fois, il y avait le jeûne. Il ne mangeait pas pendant la journée, du coup il y avait eu des tensions là autour. Il dormait la journée et c’était un peu compliqué. Il y avait des tensions mais c’était quand même cool car il se confiait beaucoup plus car on était au quotidien ensemble. Mais il y avait aussi ce côté où il se sentait oppressé car il était tout le temps avec nous parce que parfois il avait envie d’air […] ». (Valentin, 17 ans, membre de la famille Tinguely)
Ce raport à la communauté érythréenne, passant par l’église est souligné par les membres des entités‐relais qui accueillent un.e jeune pratiquant.e. Mais parfois aussi questionné du fait qu’il occupe beaucoup les jeunes et qu’à la sortie de l’Eglise peuvent se trouver des membres du Consulat qui essaient de faire pression sur les jeunes pour qu’elles ou ils versent leur obole pour leur pays d’origine (comme me l’ont racconté Pascal, Térence et Alexandre). Ainsi connaître des membres de la « communauté » peut être menaçant mais fait aussi sens en permettant de reconstruire des liens avec le pays d’origine : « Migration brings people to experience ruptures, for which religious elements
are often used as symbolic resources » (Dahinden & Zittoun, 2013 : 185 in Genini, L. 2016 : 64).
Le respect de la sphère des jeunes migrant.e.s peut aussi s’assimiler à la nécessité de laisser à ces jeunes migrant.e.s une part d’espace privé, celle dont profite généralement chaque adolescent.e ou jeune adulte même si elle ou il est encore logé.e dans sa famille. Il s’agit alors de ne pas infantiliser le jeune et de lui offrir la possibilité de vivre ses propres expériences d’adolescent.e ou de jeune adulte
de manière autonome étant donné qu’ils et elles sont des jeunes adultes, comme le suggère De Singly (2000).
C’est ce que remarque Isabelle parlant de Mewael durant les vacances d’été :
« Il vient un peu moins souvent. Mais là, tu sens, il n’y a plus la structure scolaire, donc voilà, il dort quand il dort, il fait la fête avec ses amis, il profite le soir parce qu’il fait plus frais. » (Isabelle, 47 ans,
membre de la famille Tinguely)
Un dynamique également constatée par Carole en référant à Semere qu’elle considère comme très autonome mais qui demande quand même parfois à son entité‐relais « un petit coup de pouce » pour certaines démarches telles qu’organiser une semaine de vélo et camping avec ses amis :
« Un majeur, comme ça et puis Semere, il nous fait bien comprendre qu’il n’a pas besoin de nous,
gentiment, ce n’est pas méchant. Il se démerde dans la vie sans nous, et puis tout à coup : ‘Hiii il a besoin de moi’ et dimanche, là, il est arrivé, parce qu’ils veulent faire ce tour à vélo et puis aller aux nom d’un village, il est arrivé avec toutes les cartes qu’il avait imprimées (il est allé voir Frédéric Tinguely qui lui avait un peu expliqué le trajet à vélo) et puis, il est venu avec moi et puis on a cherché un peu les campings où ils pourraient s’arrêter dormir. Et puis, tu vois, là il a besoin de nous. » (Carole, 48 ans,
membre de la famille Moretti).
Il en va de même pour Asante, également occupé à l’extérieur de l’entité‐relais dans laquelle il se rend de temps à autre, ce qui laisse aux deux parties une assez grande liberté de mouvement :
« Alors lui il était plutôt, alors soit il avait d’autres opportunités parce qu’en fait c’est ça qu’est chouette, c’est qu’on n’a pas l’impression qu’il passe la semaine à attendre notre proposition ou qu’on se voit. Et ça nous a plu parce qu’on voulait qu’il soit libre et que ce soit plutôt un plus qu’une contrainte. Du coup, on a l’impression que ça l’est, parce que du coup on lui propose plus de choses qu’il n’en accepte. »
(Violette, 40 ans, membre de la famille Andra)
Il en va de même pour Senaït, en lien avec « l’entité‐relais des copines » qui recourt surtout à ce relais pour des démarches administratives : « Mais elle est toujours ouverte aux propositions mais ce n’est pas elle qui propose des trucs. Sauf pour les visites d’appartements, elle me dit ‘là tu viens avec moi’. » (Elsa, 28 ans, entité‐relais des copines) Quant à Alexandre, il me confie avoir conscience de ne pas être essentiel dans la vie de Dawit, ce qui lui permet de ne pas trop exiger ni de sa famille ni du jeune : « Je pense que c’est bien comme on le vit parce qu’on ne met pas la barre trop haute, tu vois, on ne se berce pas d’illusions. On se dit qu’on n’est pas essentiel pour Dawit. » (Alexandre, 64 ans, membre de la famille Torre)
L’autonomie relative ou importante que les jeunes migrant.e.s ont par rapport à leur entité‐relais dépend de leur âge et, pour partie, de l’investissement de ladite entité d’accueil témoigne peut‐être d’une volonté de laisser la jeunesse s’allonger, comme le suggère O. Galland (2010)qui constate que les dimensions qui marquaient ce passage se sont décalées et ne correspondent pas forcément à l’accession à la majorité. Mais ce qui est surtout intéressant de remarquer c’est que cette autonomie montre que les jeunes migrant.e.s sont loin d’être des victimes sans pouvoir d’agir (Lems, Oester, Strasser, 2019 ) ainsi que les médias tentent de nous le faire croire (et qui peut‐être sert les jeunes migrant.e.s en expliquant qu’il faut les protéger). En fait, comme on le voit, à travers les yeux de leur entité‐relais, les jeunes migrant.e.s sont capables d’agencéité. Elles et ils ont des réseaux de relations
(autres jeunes migrant.e.s, personnes rencontrées dans le cadre d’une activité (sportive,…), personnes liées à leurs pratiques religieuses, camarades d’école…). De surcroît, comme le montrent les énoncés et différents schémas (voir un set de plus à table en chiffres), ce sont statutairement des enfants quand elles et ils sont mineur.e.s, mais en fait plutôt des adolescent.e.s ou de jeunes majeur.e.s. Enfin, comme nous le verrons plus loin (chapitre sur le rapport à l’Etat), les jeunes sont « trié.e.s » lorsqu’elles et ils sont apparié.e.s ou matché.e.s avec les entités‐relais. Ce sont donc de « bons » et « bonnes » jeunes, rarement soupçonné.e.s de faire des « bêtises » ou de mettre leurs entités d’accueil dans l’embarras. Elles et ils ne correspondent donc pas non plus à la seconde image que l’on rencontre dans les médias, celle de « mauvais.e.s » jeunes ou de jeunes délinquant.e.s. De surcroît, on notera que ces jeunes sont dit.e.s entretenir des liens relativement forts avec leur « communauté » d’origine ce qui pourrait être un gage de contrôle par d’autres « autorités » que les autorités parentales de substitution. En fait, leur statut ne détermine pas leur autonomie, mais il influence sur leurs comportements, car, sauf Mewael qui est au bénéfice d’un permis B de réfugié statutaire, les jeunes n’ont pas un statut sécure (permis F requérant.e. mineur.e, permis F, et NEM ou débouté.e, (voir supra portraits ou infra chapitre sur le rapport à l’Etat). Il va donc presque de soi qu’elles et ils peuvent vivre leur liberté d’adolescent.e.s ou de jeunes adultes qu’en s’autocontrôlant (Foucault, 2014) plus que des jeunes « ordinaires » non menacé.e.s de renvoi à la moindre incartade.
7.3.6 Prévenir des incartades
En fait, c’est bien parce que ces jeunes migrant.e.s sont « respectueuses et respectueux » qu’elles et ils sont, en tout cas, au premier abord, très apprécié.e.s et considéré.e.s comme compétent.e.s. En somme en plus de leurs différents traits de caractère, elles et ils sont aussi reconnu.e.s comme positivement différent.e.s des adolescent.e.s et jeunes adultes suisses à qui tout ou presque est donné. Cette différence positive est faite de compassion et d’admiration, mais peut‐être aussi d’un peu de paternalisme ou de moralisation comme si on ne pouvait pas imaginer d’emblée qu’un jeune migrant.e soit capable d’agir adéquatement.
Les jeunes décrits sont donc faciles, matures, responsables et en même temps d’un caractère heureux (voir les propos de Célestin Cuénod précédemment cités). Son père, Pascal soutient qu’il s’agit d’un « garçon tellement facile et […] qu’il a des potentiels incroyables ». Dans la même veine, Claudine trouve Tesfay « admirable » et l’oppose aux jeunes d’ici :
« Parce que l’on compare nos ados d’ici parfois qui sont un peu trop nonchalants, trop gâtés et puis que quand on voit un parcours comme le sien, enfin voilà c’est un peu des clichés mais c’est toujours à relativiser. Mais c’est vrai qu’à côté de ça, il est tellement responsable. Mature. Tellement sérieux. Donc c’est sûr qu’avec son vécu, c’est un contraste étonnant et magnifique quoi. C’est génial. Il est vraiment... On peut compter sur lui. » (Claudine, 60 ans, membre de la Famille Cuénod).
Une certaine facilité est également évoquée chez Ariane au sujet d’Isaias :
« Mais c’est vrai que là avec Isaias, ce qu’on a l’impression de commencer à connaître chez lui, c’est plutôt quelqu’un de respectueux, avec qui on a l’impression que cela pourrait être assez simple, mais après on ne sait pas. » (Ariane, 55 ans, membre de la famille Sandoz)
Carole associe cette même aisance au caractère discret, adéquat et à l’aise de Semere :
« Et puis, c’était Semere, puis c’est magnifique, il est super Semere (rire). Et elle ajoute : Et puis, c’était super. Très à l’aise. Non mais vraiment il est à l’aise, il s’adapte, il est discret. Il suit le groupe. Et puis
tout à coup, si tu lui laisses un peu de place pour parler, il parle beaucoup. Là, dimanche, on a passé une soirée géniale, les cinq. Alya elle disait d’ailleurs, mais c’est dingue (enfin on commence à être très à l’aise quoi), là dimanche soir, il était vraiment comme dans sa famille quoi. Il emmerdait David, il faisait ninnin, il dit « ah y a le foot là » et il est vite allé regarder le foot, enfin tu vois, tu sens que … Enfin, depuis le début, tu sens qu’il est assez à l’aise, enfin à l’aise ou plutôt adéquat. Enfin voilà, il suit. Mais depuis quelques mois, c’est plus fluide, c’est plus facile. » (Carole, 48 ans, membre de la famille Moretti) En fait, à quelques exceptions près (comme Mewael), capable d’être un adolescent comme les autres faisant « enrager »sa mère d’accueil qui ne l’aime pas moins, les jeunes migrant.e.s accueilli.e.s sont presque trop sages et matures, néanmoins, ces énoncés traduisent qu’ils et elles se doivent d’être irréprochables et être presque des adolescent.e.s « modèles » (à l’inverse des jeunes ordinaires) en raison de leur statut, dont ils et elles ne doivent pas mettre en péril leur procédure d’asile et une éventuelle demande de permis B « cas de rigueur ».
Yann me raconte avoir été aux Assises genevoises (voir infra) dans un atelier avec un groupe de jeunes migrante.s qui relevaient cette nécessité absolue de respecter la loi encore plus que les jeunes Suisses :
« Eux ils disaient qu’ils n’ont pas envie de rentrer dans cela mais ils n’ont pas toujours le choix. Ils disaient aussi un autre truc ‘eux, on leur demande de se comporter bien tout le long et tout et après ils se font renvoyer’ et les jeunes Suisses qui boivent et qui fument dans le train, on ne leur dit rien. Eux, ils sont obligés de se tenir à carreaux. Tu connais le rappeur Neqfeu ? Il vient de faire un album et il donne l’exemple dans ses paroles : ‘un jeune Noir ou un Arabe qui fait des bêtises : c’est un délinquant et un jeune Blanc : c’est un chenapan’. » (Yann, 21 ans, membre de la famille Sandoz)
Ainsi, Térence imagine également que le fait de soutenir Isaias permet aussi quelque peu d’éviter qu’il fasse des bêtises :
« Petite cause, grand effet, le fait d’accueillir Isaias, à mon avis, cela a un effet, s’il reste ici, qu’il se marie ici et qu’il a des enfants ici, cela fait un effet à la puissance 10 ou 12 et qui est largement plus intéressant que le voir en train de dealer à Gaillard, ou à Genève à l’Usine. Et puis cela va juste alimenter le fait que tous les Noirs sont des dealers et qu’ils sont ici juste pour foutre la merde. Donc d’accueillir un jeune comme ça, nous on ne verra pas, mais on part de l’idée, on a peut‐être même cette certitude, que tant par ce qu’on lui évite et en plus par ce qu’on lui montre en termes de petites choses, de petites présences, nous on n’est pas fortuné, mais si tu as un petit peu et que tu donnes un petit peu bah cela fait plaisir, et ça si lui il reste ici ou il retourne chez lui avec ça, bah c’est génial. » (Térence, 55 ans, membre de la
famille Sandoz)
Une ambivalence aussi mise en évidence par Agathe :
« Ils ont la possibilité de demander un permis B cas de rigueur. Donc, évidemment s’ils ont fait de la prison tu peux oublier, mais si ils ont fait tout juste, un bon parcours… de pousser le plus qu’ils peuvent… » (Agathe, ancienne éducatrice du foyer de l’Etoile)
Cette injonction à l’intégration est parfois reliée à la demande d’asile du jeune. Concernant Tesfay et son deuxième refus, Claudine mise sur le fait que son dossier doit être irréprochable, une bonne formation, un bon comportement, un bon niveau de français, etc. afin que Tesfay puisse déposer une demande de permis B « cas de rigueur » cantonale pour obtenir un permis de séjour à Genève. Ainsi, cette démarche de disciplinarisation est multi‐factorielle :