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PROCESSUS ENTREPRENEURIAL

I. La théorie de la contingence, base théorique pour comprendre le processus entrepreneurial processus entrepreneurial

1.3. La théorie de la dépendance des ressources

L’approche par les ressources ou Ressource Based View (RBV) s’est développée au milieu des années quatre-vingt avec certains travaux tels que ceux de Wernerfelt (1984) et Barney (1986, 1991). L’approche fondée sur les ressources permet de donner toute leur importance à la culture, l’éducation, la formation et l’expérience ou le genre, dont on attend qu’ils se reflètent dans l’approche de l’entreprise (Vainio-Korhonen et al, 2002). La RBV n’écarte aucune sorte de ressources. Deux primo créateurs dans notre échantillon (M.L et M.Z) ont puisé leurs idées de projet de leurs compétences acquises sur le banc mais aussi à travers leurs expériences. La RBV accorde une égale importance aux ressources tangibles et aux ressources intangibles. Chacune d’elles peut créer un avantage concurrentiel soutenable (Koenig, 1999).Mais la RBV

25 Cités par Mizruchi et Fein (1999)

81 revendique des sources plus anciennes en référence aux travaux de Penrose (1959)26. Selon elle, la RBV renvoie à une approche patrimoniale de la firme dans laquelle les choix d’allocation et de combinaison des ressources occupent une place centrale. Dans cette approche, le développement de l’entreprise ne dépend pas uniquement de son positionnement externe et du jeu des forces auquel elle est soumise mais des ressources dont elle dispose et notamment de son aptitude à les combiner de manière originale. Mlle K soutenait son idée de création par le fait qu’elle pense proposer des meilleures prestations sur le marché de par son aptitude à mieux combiner les ressources dont elle dispose.

Le processus constitue avec l’environnement, l’entrepreneur et les ressources de la nouvelle entreprise les quatre composantes principales de ce qui constitue le phénomène entrepreneurial (Fayolle, 2004; Fayolle et Filion, 2006; Filion, 2001; Gartner, 1985).

Pour Isckia (2008), Penrose distingue en effet les ”ressources” et les “services” rendus par ces ressources à travers les termes suivants : “Strictly speaking, it is never ressources themselves that are the inputs in the production process, but only the services that the ressources can render”. Autrement dit, ce ne sont pas les ressources elles-mêmes qui sont les inputs du processus de production mais seulement les services que ces ressources procurent. Les services représentent donc la combinaison de différentes ressources (bundles) ; le choix de ses combinaisons étant du ressort des managers et des objectifs visés par l’entreprise. Le rôle des managers consiste donc précisément à choisir les combinaisons de ressources qui permettront de créer une valeur ajoutée pour les clients (Williams, 1992). Le potentiel d’utilisation des services dépend directement de l’état des connaissances des managers mais aussi de leurs compétences. Ces dernières reflètent leur habilité à combiner et coordonner le déploiement des services de manière à atteindre les objectifs fixés. En effet, les services auxquels fait référence Penrose (1959) sont fonction de l’expérience et des connaissances accumulées (Isckia, 2008). L’environnement constitue une contrainte de poids pour l’action organisationnelle (Pfeffer et Salancik, 1978). Bien que la théorie de la dépendance des ressources soit basée sur l’hypothèse que les organisations sont contrôlées par leurs environnements, ces auteurs estiment également que les gestionnaires peuvent apprendre à « naviguer sur les mers houleuses » de la domination de l’environnement.

La vulnérabilité d’une organisation face à son environnement vient de son besoin en ressources : les matières premières, le travail, le capital, les équipements, les connaissances et les

26 The theory of the growth of the firm d’Edith Penrose [1959] constitue le creuset dans lequel va se développer l’approche par les ressources et ses différentes déclinaisons.

82 débouchés pour ses produits et ses services, soit autant de ressources contrôlées par l’environnement. Ce sont les ressources possédées initialement par l’entrepreneur (personnalité, connaissances, relations) et les événements rencontrés, au fur et à mesure du développement du projet, qui permettent de construire l’objectif de l’entreprise (Saravathy, 2001). La dépendance qui s’ensuit donne à l’environnement du pouvoir. Celui-ci l’utilise pour imposer aux organisations des exigences telles que des prix concurrentiels, des produits et des services répondant à des besoins, des structures et des processus organisationnels efficaces.

Lichtenstein et Brush (2001) ont fait un examen de la littérature sur le sujet et ont trouvé que les ressources les plus pertinentes pour les nouvelles entreprises sont le capital financier, le système et la structure organisationnelle, le savoir-faire (know-how) en gestion, les employés, l’expertise et la réputation du propriétaire, la technologie, les ressources physiques, le leadership et les systèmes culturels/informels de l’organisation. Après une étude empirique, ces auteurs ont découvert que dans les moments initiaux d’une nouvelle entreprise, les ressources « soft » ou «intangibles», telles que les connaissances/l’expérience/la réputation des entrepreneurs et des employés, le système de service et de vente et les alliances, sont spécialement importantes. Toutefois la RBV a essuyé quelques critiques de la part de certains auteurs. Cette approche par l’intérieur de la firme sous-estime les facteurs exogènes, notamment la demande. Selon Depeyre (2005), l’emballement de la demande d’un produit peut par exemple brusquement survaloriser une ressource (on pense au laboratoire pharmaceutique Roche qui, quelques années avant qu’on n’entende parler de la grippe aviaire envisageait de cesser de produire son Tamiflu, alors que la simple menace d’une pandémie a fait exploser en un an les ventes de ce médicament). Des critiques qui ne semblent pas entamer sa pertinence dans le cadre de la présente recherche. En effet, les ressources (tangible et intangible) jouent un rôle important, dans le processus de création. Pour exploiter une idée, il faut mobiliser des ressources, si ce ne sont pas les ressources elles-mêmes qui sont à l’origine de l’idée. Il y a donc là, une dépendance non seulement des ressources, mais aussi du créateur et de l’organisation qu’il crée vis-à-vis de l’environnement. La place qu’occupent les ressources dans cette théorie en rapport avec le processus entrepreneurial fait aussi penser à la théorie de l’effectuation présentée dans le chapitre 1.

Notons aussi que la vision béhavioriste a permis d’envisager une représentation de l’entrepreneuriat comme étant un processus d’apprentissage dynamique où les individus acquièrent continuellement des compétences et des connaissances nécessaires pour réussir dans le processus entrepreneurial (Cope, 2005). Cette perspective suggère que les comportements sont construits durant le temps et que les connaissances sont cumulatives, en ce sens que « ce

83 qui est appris à une période se construit sur ce qui a été appris à une période précédente » (Minniti et Bygrave, 2001).

La décision de mobiliser cette théorie dans le cadre de ce travail paraît justifiée. En fonction de cette perspective, la RBV permet d’expliquer le processus de création à travers le choix des différentes formes organisationnelles. Elle se conjugue bien avec l’approche écologique de Hannan et Freeman (1977 : cités par Moreau, 2004) qui postule qu’une société jouit de ressources limitées, qui permettent de ne supporter qu’un nombre fixe d’organisations et l’approche institutionnelle. Ce choix est en accord avec Colot et al. (2007), qui soutiennent que le modèle de Gartner (1985) s’inscrit dans le cadre de la théorie de la contingence. En effet les entrepreneurs et leurs entreprises sont différents, ainsi que l’environnement dans lequel ils baignent. Chacun est donc unique. Cette théorie précise qu’à des situations diverses, il existe des modes d’organisations divers.