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POSITIONNEMENT DE LA RECHERCHE

I. Cadre d’analyse de la recherche

2.4. La stratégie d’accès au réel

2.4.1. Les cas étudiés

L’échantillon désigne « une petite quantité de quelque chose pour éclairer certains aspects généraux du problème » (Pirès, 1997). Autrement dit l’idée de l’échantillon est intimement liée à l’idée de la transférabilité des connaissances qui seront produites par la recherche.

Il doit être somme-toute acceptable et crédible aux yeux des communautés scientifique et professionnelle auprès desquelles les résultats de la recherche seront diffusés. Le type d’échantillon retenu va guider, colorer, encadrer le processus d’interprétation des résultats de la recherche et ce, autant en puissance explicative qu’en richesse et en crédibilité.

Il y a deux types de décisions à prendre dans le processus d’échantillonnage : choisir un site et ensuite échantillonner à l’intérieur de ce site en fonction des considérations retenues par le chercheur (Schwandt, 1997). Nous concernant, nous avons choisi la ville de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso pour des raisons de proximité entre autres mais aussi puisque c’est la ville qui compte le plus grand nombre de créations, le plus grand nombre d’établissements d’enseignement supérieur et c’est là où sont logés l’essentiel des dispositifs d’accompagnement. Concernant la définition de la population retenue, elle repose sur une sélection d’acteurs dont nous estimons qu’ils sont en position de produire des réponses aux questions posées (Blanchet et Gotman, 1992). Tout comme Bourguiba (2007), nous avons sélectionné notre échantillon selon des composantes non strictement représentatives mais caractéristiques. Pour leur part, Miles et Huberman (1994) proposent dans le tableau 3.10 suivant un ensemble de critères du choix de l’échantillon qui touchent à plusieurs aspects. Le premier aspect souligne l’intention du chercheur face aux cas à étudier (recherche de cas

154 extrême ou déviant ou homogène) visant ainsi une comparaison. Ils citent également comme critère, la construction théorique qui rend opérationnel l’objet d’étude et justifie, théoriquement parlant, l’échantillon (ensemble de critères, de balises théoriques qui permettent d’étayer le choix). Un troisième groupe de critères est d’ordre logistique (l’accessibilité, la facilité d'entrée, le calendrier, les échéances, la disponibilité, les coûts).

Tableau 3.10. Stratégie générale d'échantillonnage dans une approche qualitative

Source : Miles et Huberman (1994, p.28)

Nous concernant, c’est le troisième groupe de critères du tableau 3.10 d’ordre logistique qui a prévalu dans le choix.

L’enquête qualitative, qui recourt le plus souvent à l’échantillonnage de type non probabiliste, nous donne accès à une connaissance détaillée et circonstanciée sur l’objet étudié (Deslauriers et Kérisit, 1997). En effet, dans l’enquête de terrain, la notion d’échantillon « statistiquement représentatif » n’a guère de sens. Il faut aller plus loin et mentionner le phénomène que Bertaux

155 (1997) appelle : « différencialité ». Ce qui importe, c’est d’avoir couvert au mieux des possibilités du chercheur, la diversité des témoignages possibles. Notre échantillon porte sur les entrepreneurs primo créateurs diplômés de l’enseignement supérieur. Le chercheur qui pratique la recherche compréhensive choisit souvent de comparer plusieurs cas ou, dans le cadre de sa recherche, met en évidence différents cas de processus. Six entrepreneurs (cas) constituent l’échantillon de cette recherche. Des auteurs comme (Fayolle et al, 2004) ont développé des théories à partir de deux cas. Notre échantillon semble donc convenable dans le cadre ce travail. Le but n’était pas la constitution d’un échantillon représentatif mais plutôt de collecter un ensemble de renseignements sur l’expérience de ces individus. C’est la raison pour laquelle nous avons interrogé des personnes de différents secteurs d’activités, d’âge, de sexe, de profil de formation et d’expériences divers. Nous avons aussi appris qu’il est préférable de traiter avec des entrepreneurs ayant déjà dépassé l’étape du démarrage et ayant débuté l’étape de la consolidation parce qu’ils sont en mesure de prendre du recul face à l’expérience vécue au cours du processus de création de leur entreprise (Filion et al. 2006). Ainsi donc, les six entrepreneurs de notre échantillon sont composés de 3 hommes et 3 femmes tous ayant suivi un cursus universitaire. Ils sont tous choisis dans la ville de Ouagadougou. Ils sont les créateurs et dirigeants de leurs entreprises depuis au moins trois ans. Ils sont par conséquent en mesure de nous fournir toutes les informations pertinentes (de l’intention à la création et même à la gestion) pour notre recherche.

Le choix a été fait de façon raisonnée, prenant en compte la disponibilité des entrepreneurs dont nous estimons qu’ils sont en position de produire des réponses aux questions posées. La méthode « boule de neige », consistant à recueillir par les premiers intéressés d’autres adresses, n’aurait fait que désigner des effets de réseau, renvoyant à des figures trop homogènes en dehors d’un éventuel problème de disponibilité des acteurs. Au-delà de la variété, il s’agit de souligner l’aspect de la différentialité. Des individus confrontés dans une même situation rempliront leur rôle ou exerceront leur activité de façon très différente car elles n’ont pas la même structure de personnalité.

Nous avons dans le cadre de notre recherche eu la volonté de respecter cette notion de variété dans la construction de notre échantillon. La variété à travers l’âge, le domaine d’activité, le statut matrimonial, le sexe, l’expérience, les motivations, etc.

156 Enfin pour construire un échantillon Savoie Zajc (2007) évoque une entente autour de questions clés suivantes pour guider la démarche : qui approcher, quels sont les buts visés, quelles considérations sont à prendre en compte?

Qui approcher?

Le caractère intentionnel du processus d’échantillonnage de la recherche qualitative/ interprétative met le chercheur en position de vouloir approcher « l’acteur social compétent ». Comment alors déterminer la « compétence » de cet acteur social. À partir de quels critères, quels paramètres le chercheur peut-il sélectionner un/ des groupes, un / des individus qui reflètent une telle compétence? Le point de départ réside dans le problème et la/ les questions de recherche qui clarifient l’objet d’étude ainsi que les acteurs susceptibles de se retrouver au cœur d’une telle problématique. Traitant du processus entrepreneurial des primo créateurs diplômés de l’enseignement supérieur, c’est donc parmi cette population que nous avons choisi six cas en activité pendant au moins trois ans, et en fonction de leur disponibilité.

Quels sont les buts visés : le pourquoi ?

Cette deuxième question vise à rappeler au chercheur le caractère stratégique de l’échantillon dans la mesure où on ne pourra interpréter les données qu’en fonction des caractéristiques intrinsèques de l’échantillon. Si l’échantillon est homogène (nommé « cas typiques » par LeCompte et Preissle, 1993), on pourrait, lors de la discussion des résultats, dégager une compréhension riche pour un groupe donné d’individus. Si l’échantillon est contrasté (nommé « cas extrêmes » par LeCompte et Preissle, 1993), la discussion impliquera une comparaison. La comparaison peut être effectuée à partir de plusieurs types de caractéristiques : socio-démographiques (âge, sexe, années d’expérience et autres); théorique (plus ou moins engagés, plus ou moins motivés, et autres). Nous avons dans le projet prévu de faire des comparaisons (analyse inter cas), de mettre en parallèle des sous-groupes de créateurs. Eu égard à ces objectifs nous avons choisi un échantillon contrasté à travers diverses caractéristiques (motivations, sexe, statut matrimonial, expérience professionnelle, secteur d’activité, etc.).

Quelles sont les considérations à prendre en compte : le comment ?

Une considération importante est celle du nombre. Combien de personnes vais-je inclure dans mon étude? Cette question est difficile à répondre précisément dans une recherche qualitative/interprétative car il n’y a pas de paramètres statistiques à cet effet. La question du nombre reste cependant arbitraire car elle n’est encadrée par aucune règle précise, mais plutôt par cette forme de « jurisprudence » ou de traditions de recherches pour un objet donné. Sur cette question du nombre la réponse de Mintzberg (1979) est assez claire : « Où est le problème,

157 par exemple, de constituer des échantillons composés d’une seule unité ? Pourquoi les chercheurs devraient-ils s’en excuser ? ». Dans le même sens, des auteurs comme (Fayolle et al, 2004)57 ont développé des théories à partir de deux cas. En ce qui nous concerne nous avons choisi un échantillon de six personnes dans le cadre de cette recherche. Ces cas nous paraissent, à des degrés divers, caractéristiques des entrepreneurs diplômés de l’enseignement supérieur au Burkina Faso. Ceci est d’autant nécessaire que de ce choix, dépend la qualité des résultats de notre recherche. Robert (1994) soutient dans cette perspective que les cas étudiés, même dans une étude de cas multiples, doivent être sélectionnés en fonction de l'importance de la balance et de la variété des cas, mais surtout en fonction de l'opportunité d'apprentissage qu'ils peuvent apporter. Nous avons désigné les entrepreneurs interviewés par les premières initiales de leurs noms précédées par M pour les hommes et Mme ou Mlle pour les femmes.

Le tableau 3.11 ci-dessous présente la synthèse des caractéristiques de l’échantillon retenu.

Tableau 3.11. Quelques caractéristiques de l'échantillon

HOMMES FEMMES

Organisation M. L M. Z M. S Mlle K Mme Z Mlle I

Age 41 33 31 31 25 21 Expérience 9 ans dans un bureau d’études 2 ans en cabinet d’avocat 5 ans Haut cadre de l’Administratio n publique Aucune expérienc e profession nelle 3 ans comme chargée d’affaires en banque 3 ans comme experte en accompagne ment auprès de la MEBF Aucune expérience professionn elle Niveau d’éducation Master en gestion de projet Inspecteur des impôts, M2 en entrepreneuriat 1ère année droit Master en entrepreneur iat et MBA M2 en fiscalité, M2 en GRH 1ère année Géographie Statut matrimonial

Marié Marié Marié Célibataire Mariée Célibataire

Date de création 2010 2008 2005 2013 02/2014 2010

Statut juridique SARL SARL58 SARL SARL SARL SARL

Capital départ 1.000.000 1.000.000 27.500 1.800.000 1.500.000 10.000 Secteur d’activité Conseil en gestion Conseils fiscalité et entrepreneuriat Couture Restauration Restauration (charcuterie) Enseigneme nt secondaire privé Effectif (2017) 3 3 37 4 3 12(2perman ents)

Source : l’auteur à partir des données de l’enquête

57 Op cités

158 Le cas M.L, titulaire d’un master en gestion de projet, a travaillé dans un bureau d’études pendant 9 ans avant de créer son propre bureau d’études en 2010. Il a 45 ans et est issu d’une famille polygame. Aucun membre proche de sa famille n’exerce le métier d’entrepreneur. Il travaillait déjà quand il était étudiant pour subvenir à ses besoins, n’ayant pas le soutien nécessaire de la part de sa famille. Son entreprise emploie 3 personnes.

Le cas M.Z est un ancien cadre supérieur de l’administration publique âgé de 39 ans, qui après 5 ans de fonction (inspecteur des impôts), a démissionné pour créer son cabinet de conseil en fiscalité. Né et grandi à l’étranger d’un père agro-business man résidant à l’étranger, il a toujours rêvé d’une profession libérale. Il est venu au Burkina Faso après son Baccalauréat pour étudier le droit à l’université de Ouagadougou59. Il a séjourné dans un cabinet d’avocat avant d’intégrer la fonction publique. Il aurait pu être avocat mais il disait que la fonction ne lui plaisait pas. Son entreprise emploie 3 personnes.

Le cas M.S, est un immigré âgé de 41 ans. Séparé de ses parents à l’âge de 7 ans pour l’école primaire auprès de son oncle instituteur, puis le secondaire chez un autre oncle entrepreneur dans le BTP. Venu pour des études supérieures en droit au Burkina Faso, il crée en 2005 son entreprise de couture (sur mesure et prêt-à-porter) qui emploie 37 personnes. Il a commencé à faire venir du Niger, des chaussures en cuir « Balka »60 , puis des sacs et autres gadgets de la maroquinerie nigérienne qu’il vendait à ses camarades étudiants avant de s’intéresser au prêt-à-porter, aujourd’hui son cœur de métier.

Le cas Mlle K, est une demoiselle de 33 ans, titulaire d’un master en entrepreneuriat et administration publique. Elle est issue d’une famille de fonctionnaires et a travaillé 3 ans en banque comme chargée d’affaires. Elle avait un bon salaire dit-elle, mais ne se sentait pas bien comme employée. Elle a démissionné pour créer son entreprise qui emploie 4 personnes en 2013. C’est une entreprise de services avec comme activité de base la restauration. Elle est membre d’une association d’Hommes d’affaires. Elle a parallèlement intégré la fonction publique pour exercer dans l’enseignement supérieur, ce qui lui donne selon elle, assez temps pour s’occuper de ses activités.

Le cas Mme Z, est une jeune femme de 28 ans, titulaire d’un master en droit des affaires et d’un master en Gestion des ressources humaines. Après huit mois de stage au PNUD61 et au CILSS62,

59L’Unité de Formation st de Recherche en Sciences Juridique et Politique (UFR-SJP) qu’il a fréquentée appartient aujourd’hui à l’université Ouaga II après la scission de l’université de Ouagadougou en deux universités dont Ouaga I, Joseph Ki-Zerbo.

60 Ce sont des sandales confectionnées par des artisans à partir du cuir tanné traditionnellement.

61 Programme des Nations Unis pour le Développement.

159 et 3 ans comme experte en accompagnement auprès de la maison de l’entreprise du Burkina Faso, elle crée son entreprise en 2014, une charcuterie qui emploie 3 personnes. Elle n’avait auparavant jamais pensé être entrepreneure. C’est son contact avec les entrepreneurs quand elle faisait l’accompagnement qui lui en a donné goût et qui l’a rassurée en témoigne l’extrait suivant de son discours: « en voyant les gens que j’accompagne, je me suis dite que s’ils ont pu devenir entrepreneurs et qu’ils réussissent malgré leur niveau d’éducation, …c’est que je peux moi aussi l’être et réussir ».

Enfin, le cas Mlle I, est une jeune étudiante en Licence3 (Mines et Carrière) dans une école supérieure privée de Ouagadougou. Elle a 24 ans. Née d’un père fonctionnaire et d’une mère qui exerce dans le petit commerce, tout comme certains de ses frères et sœurs. Son entreprise qu’elle a créée quand elle était en Licence1 est une école secondaire d’enseignement général qui dispense des cours du soir. Elle emploie 10 personnes comme enseignants vacataires et 2 permanents.