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DEUXIÈME PARTIE : Analyse

3. Les auditoria privés et publics (tableau 7)

4.1. La syntaxe architecturale des auditoria publics

L’auditorium public est rarement un édifice « isolé » ; très souvent, il est en

relation étroite avec d’autres lieux ou édifices publics signifiants. Les deux cas les plus

fréquents sont, d’une part l’insertion d’un auditorium dans un gymnase, bain gymnase

ou dans des thermes et, d’autre part, la corrélation de l’auditorium avec une

bibliothèque.

4.1.1. Auditoria et gymnases, bains gymnases, thermes

Un des cas les plus fréquents est la présence d’un auditorium dans (ou corrélé

étroitement à) un gymnase, bain gymnase, ou dans de grands thermes, avec 21

attestations. Les cas les plus incontestables sont les suivants : à Éphèse, l’auditorium du

Bain Gymnase de l’Est (A45) et celui du Gymnase du Port (A46) ; l’auditorium du Bain

Gymnase de Hiérapolis (A49) ; le museion du Bain de Faustine à Milet (A50) ; la

galerie de Cl. Piso dans le Bain du sud de Pergé (A63) ; l’odéon des Grands Thermes de

Dion (A67) ; l’auditorium du Grand gymnase de Pergame (A41) et celui du Petit

Gymnase (A42) ; l’auditorium de la Palestre de Philippes (A64) ; à Sardes, les états II et

III de la salle du Bain Gymnase (A52-53) et à Termessos, les gradus du Gymnase

(A59). L’odéon d’Aphrodisias (A54-55) est articulé avec une palestre au sud (« Portique de Tibère ») et il est bordé à l’est par les Thermes d’Hadrien. À Termessos, il y a une articulation entre un gymnase disposant d’un espace à degrés (A59), un théâtre et

un acroaterion, salle couverte à gradins (A58). J.-C. Balty a émis l’hypothèse que

l’odéon de Cnide se trouverait à proximité d’un gymnase (A48). Enfin, à Augusta

Trajana (A65), les gradins sont vraisemblablement en liaison avec les thermes

implantés au-dessus. On peut encore rattacher à ce groupe le Petit théâtre de Rhodes (A51) qui est articulé avec un gymnase, un stade et une bibliothèque et l’odéon de Domitien (A75), en relation évidente avec le stade et probablement avec le complexe de

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dans une zone urbaine qui, depuis la seconde moitié du IIe siècle, en corrélation avec le

théâtre et le vieux temple d’Athéna, a une fonction de gymnase (palestre samnite au nord, quadriportique au sud du théâtre, piste de course sur la plate-forme du temple, cour portiquée avec statue du Doryphore/Achille…).

Le gymnase grec était le lieu de la formation physique et intellectuelle de la jeunesse. À la basse époque hellénistique et sous l’empire, la partie thermale et la fonction de divertissement de ces établissements se sont développées. On ne s’étonne donc pas de trouver, en particulier dans les régions hellénisées de l’empire, des

auditoria dans des bains-gymnases ou thermes.

4.1.2. Auditoria et bibliothèques

Un autre groupe bien attesté est celui des auditoria à proximité de bibliothèques.

P. Gros274 avait attiré l’attention sur la liaison naturelle entre la bibliothèque comme lieu

de conservation des livres et de lecture privée ou en petits groupes, et l’auditorium

comme lieu de lecture devant un public. Notre catalogue recense une vingtaine de

connexions certaines entre une bibliothèque et une salle ou un édifice auditorium. En

effet, ce groupe est attesté par les deux auditoria du complexe Bibliothèque d’Hadrien à

Athènes (A28-29), plus les exèdres (A30-35), par l’audeitorion près de la bibliothèque

de Celsus à Éphèse (A85), par l’odéon d’Apollonia d’Illyrie (A66) qui est bordé au

sud-ouest par une bibliothèque, par les Scholae du forum de Trajan à Rome (A76-77), par le

Petit théâtre de Rhodes (A51) qui est articulé avec un gymnase, un stade et une

bibliothèque et par l’Asclepieion de Pergame (A43 et 44). La bibliothèque du templum

Pacis, pouvait fournir des livres aux deux salles et aux quatre exèdres (A69 à 72).

Il est des cas où la présence d’une bibliothèque est moins proche ou moins évidente, mais on peut parfois en faire l’hypothèse. Ainsi à Philippes, la bibliothèque de la ville, attestée par une inscription, se situe sur la terrasse du forum, au-dessus de celle de la palestre et on peut se demander si une des salles de la palestre n’avait pas fonction de bibliothèque (A64). À Rome, rien ne prouve que le bâtiment situé au sud de

l’auditorium sud d’Hadrien soit une bibliothèque ; peut-être y avait-il des livres à

l’étage supérieur des auditoria ; quoi qu’il en soit, les bibliothèques du forum de Trajan,

quelle qu’ait été là-aussi leur localisation précise, sont à proximité (A78-80).

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On peut cependant s’étonner de ne pas trouver un plus grand nombre de

connexions avérées entre un auditorium et une bibliothèque. Ainsi, le « complexe

universitaire » de Kôm el-Dikka, tout comme l’auditorium capitolii de Constantinople,

devait bien être en rapport avec une ou des bibliothèques. Dans le premier cas, la bibliothèque pouvait se trouver dans les thermes, ou dans les zones non fouillées du site. La bibliothèque du Musée, quel qu’ait été son emplacement, a été totalement détruite en

270 ; celle du Sarapeum a subsisté jusqu’à la conquête arabe, mais on la situe près d’un

stade au sud-ouest de la ville, loin du site des auditoria d’Alexandrie275. Y avait-il, dans

les grands édifices, odéon d’Agrippa ou odéon d’Hérode Atticus, des lieux spécifiques où des livres pouvaient être conservés ? C’est vraisemblable. S’il est difficile

d’identifier par des vestiges archéologiques un auditorium, identifier une bibliothèque,

lorsqu’elle n’est pas monumentalisée, et en l’absence d’une inscription in situ ou d’une

description ou localisation littéraire précise, n’est pas chose aisée non plus. Si les livres sont stockés dans des armoires installées dans des niches ou sur des étagères dans le mur, il peut y avoir des traces archéologiques ; si les livres sont rangés dans des armoires en bois situées au milieu d’une pièce sans aménagement particulier, l’identification est beaucoup plus difficile.

4.1.3. Auditoria et complexes publics

Le troisième ensemble public remarquable est constitué par les salles d’enseignement supérieur dans un complexe public : les 24 salles d’Alexandrie

(A1-24) ; les 31 salles de cours276 et les n exèdres de Constantinople (A96-127 et suiv.) ; à

Rome, les deux salles et les 4 exèdres du templum Pacis, les scholae du forum de

Trajan, les 3 auditoria d’Hadrien (A78-80) et l’Athenaeum (A91) ; à Athènes, les deux

salles et les 6 exèdres de la Bibliothèque d’Hadrien ; et enfin les écoles méniennes d’Autun (A84). Certes, seules quatre villes présentent une telle situation, Alexandrie, Rome, Athènes et Autun. Cependant, ce résultat est quelque peu étonnant. Les

275 Gaëlle Coqueugniot, « Des mémoriaux de pierre et de papyrus : les fondations de bibliothèques dans l’Antiquité grecque, entre mémoire et propagande », in V. Auzas, J. Dutour, La Bibliothèque (auto-portrait), Conserveries mémorielles, 2008, 5, p. 41-61, plus part. « Plan d’Alexandrie, avec les différentes localisations proposées pour le Musée et la Bibliothèque ».

276 Le nombre de salles de cours est inféré du nombre de chaires d’enseignement créées. Certes, le texte de la constitution de 425 ne dit pas explicitement qu’à chaque chaire est attribuée une salle, mais c’est le plus ancien texte conservé à attribuer des locaux spécifiques à des chaires d’enseignement. Une chaire publique, municipale ou impériale n’impliquait pas jusque là l’attribution d’une salle.

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savants277 ont tellement insisté sur le fait que l’enseignement, dans l’empire, pouvait se

donner dans des lieux très différents et qu’il n’existait pas de structure centralisée, de regroupement des salles de cours, qu’on ne peut qu’être étonné de la mise en évidence de tels complexes. Ces cas sont peut-être exceptionnels, mais ils existent. On serait même tenté de parler non pas de « quartiers universitaires » mais au moins de « quartiers culturels », tous situés au centre de certaines grandes villes : les 24

auditoria d’Alexandrie ; les 31 salles de cours et les salles de conférences dans

l’enceinte de l’ancien Capitole de Constantinople ; de même, au centre de Rome, on a

un regroupement dans la topographie urbaine constitué des auditoria d’Hadrien, des

exedrae du forum de Trajan et des exèdres et salles du templus Pacis ; les écoles

méniennes d’Autun étaient situées elles aussi au centre de la ville. Il en est peut-être de

même au IIe siècle à Athènes, lorsque le centre de la ville s’est déplacé vers le forum

romain et la Bibliothèque d’Hadrien ; à l’époque tardive, ce n’est plus le cas ; les sophistes ont été chassés du centre de la ville et enseignent dans la périphérie, à leur

domicile278, sur le flanc sud de l’Acropole (A39) et peut-être aussi sur le versant nord de

l’Aréopage.

Parmi les attestations plus rares, nous avons des salles publiques d’enseignement

dans des fora : l’école de Deuterius à Milan (A80) ou les scholae du forum de Trajan

(A76-77), qui étaient situées à proximité des bibliothèques comme nous l’avons vu. À

Martigny (A87), l’auditorium (école) se trouvaient dans un secteur commercial de la

ville (portiques, boutiques). Et enfin, il y a des édifices relativement indépendants, les grands odéons d’Athènes, celui d’Agrippa (A36-37) et celui d’Hérode Atticus (A38).