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TROISIEME PARTIE : Identification des auditoria

3. Appendice 1 : l’ auditorium et l’odéon

Nous ne prétendons pas présenter une étude exhaustive de la question, mais quelques remarques que notre étude nous conduit à formuler.

3.1. On les appelle « odéon », « Ὠιδεῖον », « odium », « odeum », « Odeion »413

Plusieurs salles ou édifices de notre catalogue (douze) sont désignés par le terme d’odéon dans la littérature archéologique.

L’Odéon d’Agrippa (A36-37), d’Hérode Atticus (A38) ; l’odéon du Gymnase d’Epidaure (A40), l’auditorium du Grand Gymnase de Pergame (A41)414 et la salle à gradins du Petit Gymnase (A42) ; l’odéon de l’Artemision d’Éphèse (A47) ; l’odéon d’Aphrodisias (A54-55), ceux de Termessos (A58), Apollonia (A66) ; l’odéon des Grands Thermes de Dion (A67) ; l’odéon de Domitien(A75) ; l’odéon de la villa Pausilypon (A82) ; l’odéon du sanctuaire d’Esculape de Balagrae (A83), et même parfois le theatrum tectum de Pompéi415.

Mais seuls trois de ces édifices, semble-t-il, sont ainsi désignés dans les sources anciennes : les odéons d’Agrippa, Hérode Atticus et de Domitien. L’usage étendu du

terme au-delà des sources anciennes génère des ambiguïtés. Ainsi, W. Radt416 utilise le

plus souvent le terme « Odeion » pour désigner la salle à gradins du Petit Gymnase de

Pergame. Ce savant, traitant de cette salle à l’époque romaine, indique qu’on peut la désigner par le mot « odéon » en tant que petit théâtre couvert ou par le mot latin

« auditorium »417 ; mais on ne sait pas quel sens il donne à ce dernier terme.

Incontestablement, le premier terme, « Odeion », désigne une structure, petit théâtre

412 Pline V, 3, 11.

413 Vespignani Visconti 1874, p. 151 et n 1 ; Lidell Scott s. v. odeum ; Ginouvès 1972, p. 205-209 ; Meinel 1980 ; Balty 1991, p. 563 ; Aslanidis 2003 p. 300 ;

414 Par exemple, Schazmann 1924, p. 61, « Odeion ».

415 Par exemple, Lessing Varone 1995, p. 49 ou Robert 2015, p. 256.

416 Radt 1975, 1976 et 1977.

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couvert ; le second désigne-t-il une fonction ? Dans la littérature archéologique, le mot « odéon » semble être utilisé, le plus souvent, pour désigner une structure alors qu’étymologiquement et originellement il désigne une fonction, un lieu où sont données des prestations musicales (ᾠδαί). Il ne semble pas qu’il ait été dans les intentions de W. Radt de signifier que la salle de Pergame avait comme fonction principale ou unique les spectacles musicaux. En outre, dans les usages archéologiques du mot on ne l’utilise

pas pour toute structure couverte en forme de théâtre. D’un bouleutèrion on ne dit pas

que c’est un « odéon ». J. C. Balty a reproché à R. Meinel d’avoir qualifié d’« odéons »

des édifices qui en fait seraient des bouleuteria. Nous même avons rencontré des

problèmes d’identification relatifs à cette question (Cnide, A48). Donc, l’usage archéologique du mot « odéon » inclut, en plus de la structure « petit théâtre couvert », une fonction, assez large de spectacle de divertissement ou au moins exclut la fonction de lieu de réunion d’une assemblée locale. La définition implicite est donc : petit théâtre couvert à fonction ludique et non politique.

3.2. Des sources anciennes aux usages contemporains

Des sources anciennes, textes et inscriptions désignent bien certains édifices

comme étant des odéons : ceux de Périclès418, Agrippa, Hérode Atticus, ou de Patras,

Corinthe, Samos, (Lidell-Scott s. v. odeum), ou encore Vienne. La définition, petit

théâtre couvert, a été induite par les archéologues à partir des vestiges et des textes. Plus précisément, on a constaté que ces édifices étaient des petits théâtres couverts et de là on

a désigné du terme « odéon » tout petit théâtre couvert419 auquel on n’attribuait pas une

fonction politique. La fonction, édifice public pour événements musicaux, est tirée de l’étymologie et de Plutarque : l’odéon a été construit par Périclès pour les concours

musicaux des fêtes des Panathénées (Periclès 13, 9), ainsi que d’une source tardive,

Hésychius (Ve siècle) :

ᾠδεῖοv· ̇ τόπος ἐν ᾧ πρὶν τὸ θέατρον κατασκευασθῆναι οἱ ῥαψῳδοὶ καὶ οἱ κιθαρωδοὶ ἠγωνίζοντο

« odeion : lieu construit comme un théâtre où concourent les rhapsodes et les citharodes»

418 Andocides, Sur les mystères, I, 38 (année 399 avant) ; Aristophane, Les Guêpes, v. 1109 (représentées en 422 avant n. è.) ; Xénophon, Helléniques, II, 4,9 (écrit en 402).

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Quant aux usages contemporains, René Ginouvès420 notait qu’il y a des

ambigüités sur le terme « odéon » à propos de la fonction de certains édifices en forme de petits théâtres. Le prototype lui-même, l’odéon de Périclès, ne servait pas qu’aux

événements musicaux421 : on y donnait le préambule (προάγων) des tragédies qui devaient

être exécutées au théâtre de Dionysos. Il a été utilisé pour des fonctions très diverses :

comme cour de justice422, casernement de soldats423, lieu de distribution de blé424 mais

aussi comme salle pour des débats ou un enseignement philosophiques. Plutarque en fait une école philosophique au même titre que le Lycée et l’Académie :

ἐπὶ τοὺς σοφοὺς ἐλθὲ καὶ τὰς σοφὰς Ἀθήνησι σχολὰς καὶ διατριβάς· ἀναπέμπασαι τὰς ἐν Λυκείῳ τὰς ἐν Ἀκαδημίᾳ τὴν Στοάν τὸ Παλλάδιον τὸ Ὠιδεῖον

« Considère les sages, les écoles et les cercles d’Athènes où s’enseignait la sagesse. Passe en revue les écoles du Lycée, celles de l’Académie, le Portique, le Palladion, l’Odéon. »425

Diogène Laërce rapporte un témoignage d’Hermippe de Smyrne (IIIe siècle

avant notre ère) selon lequel Chrysippe aurait enseigné dans l’Odéon426. Plutarque427 et

Athénée428 écrivent aussi que Chrysippe enseignait à l’odéon. R. Ginouvès conclut :

donc l’odéon de Périclès avait comme « fonction bien attestée » celle de salle de

conférence429. Et il poursuit : cette même fonction peut être attribuée « à certaines

constructions de gymnase, qui se rattachent au type de l’odéon430 et qui était

évidemment destinées à l’enseignement supérieur », et de citer : Pergame, Philippes,

l’odéon tardif d’Agrippa, le theatrum tectum de Pompéi, l’odéon d’Aphrodisias, celui

de Termessos, Aspendos peut-être et, hors du contexte du gymnase, l’odéon de

Domitien et l’Athenaeum.

Il existe donc bien, dans le monde grec et le monde romain, des odéons, théâtres

couverts plus ou moins petits431, dont la fonction première mais non exclusive est le

420 Ginouvès 1972, p. 207-9.

421 Qui, eux-mêmes, peuvent se dérouler ailleurs que dans les odéons, dans des gymnases ou des théâtres : E. Bouley 2001, p. 15 et sa note 38 ; Meinel, 1980, p. 29-30.

422 Aristophane, Les Guêpes, v. 1109 et scholie ; Démosthène, Contre Nééra 52.

423 Xénophon, Helléniques, II, 4, 9.

424 Démosthènes, Contre Phormio, 37.

425 Plut. De exilio, 14 (605A), CUF 1980, trad. J. Hani.

426 DL, 7, 184.

427Moralia 1033e.

428 VIII, 336E.

429 Ginouvès 1972, p. 205.

430 C’est moi qui souligne.

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spectacle musical. Les constructions des gymnases, dont la fonction première n’est pas l’événement musical mais l’enseignement ou la conférence, seraient bien mieux

nommées « auditorium » qu’« odéon ». Du point de vue archéologique, il est légitime

d’appeler « odéon » un édifice en forme de petit théâtre couvert que des sources anciennes ou l’épigraphie nomment comme tel ou auquel elles attribuent principalement une fonction musicale. En revanche, si on se trouve devant les vestiges d’un édifice « du type de l’odéon » (= petit théâtre couvert), mais non documenté par des textes anciens ou l’épigraphie, on ne peut pas immédiatement en déterminer la fonction principale ; est-il principalement le lieu d’événements musicaux (« odéon »), de réunions politiques

du sénat local (« curie », « bouleutèrion ») ou de conférences et

d’enseignement (« auditorium ») ? Pour tenter de répondre, il faut faire appel à d’autres

critères que la structure : topographie urbaine, syntaxe architecturale…sans perdre de vue qu’il y avait, dans le monde ancien encore plus qu’aujourd’hui, des salles ou édifices polyvalents.