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D’un point de vue logique, la signification d’une expression algébrique et en particulier d’une égalité réside à la fois au niveau de sa syntaxe, et de sa dénotation et de son sens, c’est-à-dire de son aspect sémantique. En fait,

« La notion d’égalité propose à la réflexion quelques irrémissibles, auxquelles il n’est

pas aisé de répondre. » (Frege, 1971, p. 102).

Le travail que nous nous proposons accorde une importance aux définitions et aux exemples relatifs au sens et à la dénotation d’un signe ainsi qu’à ses valeurs de vérités.

Un signe se décompose, selon Frege, en deux éléments : son sens et sa dénotation. Son sens se réfère aux différentes désignations ou le mode de donation que nous pouvons lui associer. Quant à sa dénotation, elle est précisément ce qu’il désigne. Frege dit que

« Le lien régulier entre le signe, son sens, et sa dénotation, est tel qu’au signe

correspond un sens déterminé et au sens une dénotation déterminée tandis qu’une seule dénotation (un seul objet) est susceptible de plus d’un signe. De plus, un même sens a dans des langues différentes, et parfois dans la même langue, plusieurs expressions. » (Frege,

1971, p. 104).

Toutefois, Frege remarque qu’il est possible de concevoir un sens à un signe sans lui faire correspondre nécessairement une dénotation. Nous pensons que son exemple sur « la suite qui converge le moins rapidement » explique bien ce cas. Néanmoins, il évoque la possibilité de concevoir une représentation du signe qui peut être interprétée comme l’ « image » que le sujet se fait de ce signe.

Dans le cas de l’étude des valeurs de vérité d’une proposition Frege écrit que :

« …le sens de ces propositions, c'est-à-dire la pensée qu’elle exprime, entre en compte

autant que la dénotation, laquelle est la valeur de vérité de ces propositions. Si a =b la dénotation de b est bien la même que celle de a, et la valeur de vérité de a =b est aussi la même que celle de a=a. Toutefois, le sens de b peut être différent du sens de a et par là la pensée exprimée dans a=b peut être différente de celle dans a=a. Dans ce cas, les deux propositions n’ont pas non plus la même valeur pour la connaissance. » (Frege, 1971, p.

126).

Nous pouvons dire que Frege a étudié l’égalité mathématique en insistant sur l’idée que l’égalité n’est pas établie entre deux signes ou symboles, mais entre deux significations. C’est-à-dire que lorsque j’affirme que a =b, j’affirme que a et b signifient la même chose.

Pour lui, ces deux signes ont la même dénotation (ou référence), mais ils n’ont pas le même sens, sinon a =b ne serait pas différent de a=a.

Frege définit la dénotation d’une proposition comme étant sa valeur de vérité, et son sens comme étant la pensée exprimée. Par conséquent, d’un point de vue extensionnelle « Berlin est la capitale de l’Allemagne » et « 2+2=4 » sont équivalentes parce qu’elles ont la même valeur de vérité, bien qu’elles n’avaient évidemment pas le même sens.

Le concept d’équation apparaît également en logique. Chez Wittgenstein :

« Si j’introduis par le moyen d’une équation un nouveau signe « b », en déterminant qu’il doit remplacer un signe « a » déjà connu, j’écris alors l’égalité. » (Wittgenstein, 1993,

p. 64).

Ce sont cependant les apports de Tarski qui vont permettre de donner une définition non ambiguë de la notion d'équation et d'inéquation.

Dans le langage de l'algèbre, une équation est une phrase ouverte : elle comporte une ou plusieurs variables libres. Etant donné un domaine d'objets (par exemple un ensemble de nombres, mais pas seulement), un élément de ce domaine est solution de l'équation si et seulement si il satisfait la phrase ouverte, c-à-d si et seulement si la proposition obtenue en assignant cet objet à la variable est une proposition vraie dans le domaine considéré. La même définition vaut pour les inéquations17.

Sous ce point de vue, une lettre d’inconnue est un nom d'objet et on devrait plutôt parler d'équations à deux variables (Durand-Guerrier, 2004 b). Certaines équations sont vraies de tous les objets du domaine considéré, on a alors une identité. Ceci est toujours lié au domaine considéré.

La syntaxe fournit des règles de transformations des équations qui préservent le plus souvent la satisfaction. Deux équations sont équivalentes si et seulement si elles sont satisfaites exactement par les mêmes éléments.

De telles transformations permettent de travailler essentiellement au niveau de la syntaxe. Cependant, au moment de conclure il faut bien revenir aux objets. En outre, certaines transformations ne préservent pas la satisfaction, ce qui nécessite un contrôle sémantique.

Conclusion du chapitre

Nous pensons avoir montré que le point de vue logique que nous avons développé

17 Notons que Wittgenstein distingue les mathématiques de la logique. En mathématiques, nous avons à faire à des équations et en logique à des tautologies.

offre un cadre unificateur pour aborder et clarifier les concepts d’équations, inéquations et fonctions sous le double aspect syntaxique et sémantique, qui est constitutif de ces notions et permet de les relier entre elles. Toutefois, si le point de vue logique est essentiel pour les clarifications qu’il apporte, il n’en constitue pas moins une relecture a posteriori de ces objets, qui ne correspond pas ni à leur développement historique, ni à ce qui est enseigné aujourd’hui dans l’enseignement secondaire tunisien.

De nombreux travaux montrent par ailleurs l’importance d’une étude historique sur la genèse des différents concepts mathématiques comme prélude à une étude didactique. Ainsi, avant d’aborder l’étude proprement didactique, nous avons choisi de conduire une étude épistémologique et historique, nécessairement circonscrite à quelques auteurs, sur l’apparition et la formation de ces concepts, étude que nous présentons dans le chapitre suivant.

Chapitre II

La place de l’articulation entre syntaxe et sémantique

dans les travaux didactiques

Introduction

Dans le cadre de notre travail, qui se situe au niveau de l’algèbre élémentaire, il nous paraît nécessaire d’analyser, au préalable, certains travaux didactiques antérieurs concernant nos objets d’étude.

De nombreux travaux concernant les notions d’équation, d’inéquation et fonction ou plus largement les travaux au niveau de l’algèbre élémentaire ont été conduits en didactique des mathématiques. Parmi ces travaux, principalement centrés sur le passage de l’arithmétique à l’algèbre, nous pouvons citer ceux de Barallobres (2007), Bloch (2000), Chalancon (2002), Chevallard (1984, 1989), Coppé (2002, 2006), Cortes (1999), Coulange (1998, 2000, 2001), Duval (1998), Grugeon (1997), Hitt-Espinosa (1998), Kieran (1992), Sackur (2000, 2005), Vergnaud (1987, 1989 et 1990), Wagner & Kieran (1989).

Nous proposons ici une relecture appuyée par une brève analyse des textes de certains de ces travaux didactiques qui sont dans la même direction que celle de notre champ d’étude ; afin de les mettre en perspective avec notre fil conducteur, qui est la dyade sémantique/syntaxe.

I. Gérard Vergnaud : Une rupture épistémologique entre