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I. La résolution des équations algébriques

I. 1. L’algèbre géométrique chez les grecs

Une contribution centrale dans les mathématiques grecques, est Euclide20.

19 Dans ce paragraphe, nous nous appuierons principalement sur l’ouvrage de Zeuthen (1902).

20 Fondateur de l’école de mathématiques de l’Université d’Alexandrie et il reçue sa formation mathématique à l’Académie platonique d’Athènes.

« Nous possédons, dans ses Éléments, un traité de géométrie qui sert toujours, dans

plusieurs contrées, d’œuvres didactiques et qui renferme le corps des doctrines géométriques élémentaires dont, encore aujourd’hui, les principes essentiels sont partout, sous diverses formes, à la base de l’enseignement. » (Zeuthen, 1902, p. 11).

De plus les mathématiciens grecs comme Thalès de Milet21, Pythagore de samos22, Platon23 (329-428 avant J-C), Aristote, Eudoxe, les frères Ménechme et Dino strate, Hippocrate, Euclide24 (environ 3OO ans avant J-C), Archimède mort en 213 avant J-C25, Apollonius26 (environ 2OO ans avant J-C) ont pu s’employer sur les mathématiques en s’appuyant sur la collaboration de la philosophie. Plus précisément,

« Les mathématiciens de cette période qui nous ont laissé des ouvrages importants de

Mathématique pure (Géométrie) et qui ont certainement de beaucoup dépassé les autres mathématiciens notables de leur temps sont : Euclide (300environ avant J-C), Archimède mort en 213 et Apollonius (environ 200 ans avant J-C). » (Zeuthen, 1902, p. 19-20).

En particulier, les Grecs ont donné une si grande importance à la géométrie que

« … en même temps que l’Arpentage, et au même titre, la logistique ou calcul, fut

abandonné comme non scientifique par les géomètres proprement dit : aussi les Eléments d’Euclide font-ils aussi peu de cas de l’Arpentage que des autres usages numériques des mathématiques. » (Zeuthen, 1902, p. 22-23).

En fait, ils représentaient géométriquement des grandeurs mais

« Sans doute les grecs ne savaient rien des quantités négatives, pas plus que des

quantités imaginaires : mais, à défaut des premières, les variations de la figure peuvent en partie présenter les mêmes généralisations que nous obtenons aujourd’hui au moyen des

21 C’est lui qui a deviné l’éclipse solaire du 28 mai 585 avant J-C et la plupart de ses connaissances émanent des égyptiens. En plus, il était le fondateur de l’école philosophique ionienne.

22 Pythagore de Samos était un philosophe grec responsable d'importants développements en mathématique, astronomie et musique. Il fonda une école philosophique et religieuse à Crotone et eut de nombreux adeptes. Né vers 569 avant J-C et mort vers 494 avant J-C.

23 Disciple de Socrate et fondateur de l’école appelée Académie. Il n’a pas emprunté son goût mathématique à Socrate puisqu’il s’est initié aux mathématiques et à la philosophie pythagoricienne.

24 Dans ses Eléments, Euclide, qui vivait vers 300 ans avant J-C, avait réalisé un traité de géométrie qui est une œuvre didactique renfermant le corps de la géométrie élémentaires. Il avait réalisé également une œuvre élémentaire intitulée d’un nom latin : Data et un écrit sur la Division des figures. Son œuvre constitue un véritable point central des mathématiques grecques.

25 Mathématicien bien considéré qui a traité dans ses écrits : La sphère, le cylindre, mesure du cercle, les conoïdes, les sphéroïdes, les spirales, l’équilibre des figures planes, calcul de sable, quadrature de la parabole etc. En plus, il a énoncé une série de propositions appelées lemmes d’Archimède.

26 Il a travaillé en Alexandrie et il a traité la section de l’espace, les contacts, les interrelations et les applications des mathématiques à l’astronomie.

quantités négatives. » (Zeuthen, 1902, p. 30).

Dans ce qui suit, nous allons nous intéresser à l’étude des différentes techniques, utilisées par les mathématiciens grecs, dans la résolution des équations du premier et du second degré.

I. 1. 1. La résolution des équations du premier degré

Dans le cas des équations du premier degré, les résolutions se font à l’aide de la manipulation des grandeurs, rationnelles ou irrationnelles, qui sont représentées graphiquement par des segments rectilignes. Par ailleurs, toute opération d’addition et de soustraction se fait par prolongement de l’un des segments par l’autre ou en rapportant l’un des segments à l’autre. En plus, le produit de deux grandeurs est représenté par des rectangles ou des carrés dont les côtés représentent ces grandeurs.

La forme générale d’une équation du premier degré à une inconnue réelle est ax=b

ou

a b

x= , où a, x et b sont des nombres positifs ou nuls. En plus, les facteurs a et x

représentent, pour eux, des mesures de longueurs et le terme b est la mesure d’une aire. Le problème du premier degré, nommé par les grecs : application des surfaces, se résout en se basant essentiellement sur le théorème d’Euclide dans la proposition 44 du premier élément sous une forme un peu plus générale27. On part d’un segment AB de longueur a et d’un rectangle ACDE d’aire b. Le point A étant aligné avec les points B et

E est situé entre eux. On peut donc suivre la construction des points F , G, H et I en respectant les parallélismes et les alignements dans la figure. L’inconnue x mesure la longueur du côté BH et les triangles FGH, GFD, FAB , AFC, AGI et GAE ont des aires égales par symétrie d’où les rectangle ACDE et ABHI ont aussi des aires égales respectivement égales à b et ax.

Commentaire

Nous pouvons dire que la figure a un double rôle dans les résolutions des équations chez les Grecs en effet elle permet

d’interpréter et de démontrer une certaine égalité.

D’indiquer l’algorithme de construction effective de l’inconnue x.

Ceci montre la place du graphique dans la résolution algébrique des équations du premier degré d’une part et la capacité des grecs à travailler dans le cadre géométrique. Ce que nous pouvons interpréter comme une capacité à articuler deux points de vue dont le premier est sémantique qui s’explique par l’interprétation de l’égalité et le second se résume par un point de vue syntaxique à travers lequel les Grecs exploitaient des constructions algorithmiques pour déterminer l’inconnue.

I. 1. 2. La résolution des équations du second degré

Les opérations effectuées, par les Grecs, sur les quantités qu’ils représentaient géométriquement ont un rôle similaire à celui des opérations algébriques de nos jours.

Par exemple dans nos manuels d’enseignement, la démonstration du produit de deux nombres entiers qui ne dépend pas de l’ordre des facteurs ainsi que les identités remarquables du second degré se font en s’appuyant sur des figures géométriques comme les rectangles, carrés qui sont appelés par les grecs des nombres plans ou nombres carrés.

Les équations du second degré ont donné lieu à des grandeurs irrationnelles incommensurables et le grand mérite de s’être aperçu qu’on ne peut pas éviter ces grandeurs revient aux Pythagoriciens. Ainsi, toute grandeur peut être représentée en tant que longueur d’un segment d’une façon continue.

« L’algèbre géométrique, aussi bien chez Euclide que chez d’autres, est à la base de

tant de recherches que cette fréquence même constitue une preuve de la haute antiquité que nous lui pouvons attribuer, d’accord avec ce qu’on nous rapporte de la notion pythagoricienne de l’application des surfaces, et sa facile application à telle grandeurs que l’on veut, tant irrationnelles que rationnelles et, conséquemment, sa nature abstraite, conviennent bien à ce que dit Eudème de la façon dont Pythagore traitait la Géométrie, immatériellement. » (Zeuthen, 1902, p. 30).

Zeuthen (1902) présente, d’une manière organisée, différentes techniques générales de résolution d’équations du second degré où il est parfois difficile de voir du premier coup d’œil quelles sont les parties qu’il traite, non seulement elles ne sont pas annoncées mais parfois il est nécessaire d’explorer les éléments d’Euclide28. En plus, il explique que la méthode d’application des surfaces qui consiste à représenter géométriquement des grandeurs générales par des surfaces dont l’addition ou la soustraction se basait sur l’attribution d’un côté commun, permet d’éviter l’arithmétique géométrique et en particulier l’emploie de la théorie des proportions qui reposait, au Vème siècle, sur l’usage exclusif des quantités commensurables. En outre, il explique que

« Toutefois, les éléments d’Algèbre géométrique qui sont exposés ici, embrassent

notamment des équations du second degré, c'est-à-dire le terrain sur lequel s’était fait sentir la nécessité d’une représentation autre qu’une représentation numérique, à cause de l’intervention des quantités irrationnelles : pour traiter ces équations on pouvait, il est vrai, se contenter de l’emploi de rectangles et de carrés…mais quand l’algèbre géométrique et son application se furent développées d’avantage, en particulier par la théorie des sections coniques, on l’élargit jusqu’à se servir d’autres figures. » (Zeuthen, 1902, p. 42-43).

Les différentes techniques de résolution des équations générales du second degré se basaient sur l’utilisation de l’identité remarquable exprimée géométriquement par les Grecs29,

28 Les éléments explorés par Zeuthen, sont le premier, le deuxième et le sixième livre des Eléments. 29 Notons que les notations algébriques sur la figure ne sont pas dues aux Grecs.

ab 2 a 2 b ab

laquelle se présentait sous deux formes.

La première forme correspond à l’écriture moderne de nos jours :

(

a+b

)

2 =a2+b2 +2ab que les Grecs l’exprimaient par

« Un rectangle, dont les côtés sont eux-mêmes des sommes, est la somme de tous les rectangles ayant pour côtés un terme de chacune des sommes données »

La deuxième forme correspond à celle de a2 +b2 =

(

a+b

)

2 −2ab qui est « une

différence égale au carré de l’hypoténuse d’un triangle rectangle ayant pour côtés a et b ».

Avant de présenter quelques exemples des techniques de résolutions, il est important de rappeler que les Grecs ont traité des équations du second degré qui donnent des racines positives, étant donné qu’ils n’avaient aucune idée sur les nombres négatifs. Par ailleurs, ils étaient obligés de traiter différentes formes de ces équations qui donnent des solutions positives. En plus, concernant les cas où les racines des équations du second degré sont des irrationnels, les Grecs n’ont pas introduit des valeurs approximatives mais ils ont poursuivi leurs calculs avec les quantités retrouvées par construction. C'est-à-dire qu’ils poursuivaient leurs résolutions en s’appuyant sur les segments retrouvés par construction.

Nous présentons ainsi deux exemples éclairants de résolution des équations du second degré

L’application elliptique des surfaces

La résolution des équations, qui correspondent dans notre langage moderne aux équations de type axx2 =b2, relève d’un problème appelé, chez les grecs, application

elliptiques des surfaces30 (cf. Zeuthen, 1902, p. 37).

Ce problème a été énoncé sous différentes formes dans lesquelles on demande de

1) « Construire, sur un segment donné AB=(a), un rectangle AM égale à un carré donné (b , de telle sorte que la surface manquant, au rectangle 2) ax sur AB , soit un carré BM = x2. »

2) « partager un segment AB donné en deux autres qui forment un rectangle de

surface donnée… »

30 Consiste à construire un segment donné de longueur a et un rectangle d’aire égale à celle d’un carré donné, égale à

( )

b2, de telle sorte que la portion de surface manquant au rectangle d’aire ax sur soit un carré

(

b2−x2

)

.

3) « déterminer deux quantités dont on connait la somme et le produit31. »

Ce type de problème entrainait un inconvénient qui s’explique par le fait que les anciens donnaient une seule des deux solutions, si elles existaient, de ce type d’équation. En revanche, ce type d’inconvénients disparait lorsqu’on résout l’équation de type ax+x2 =b2.

L’application hyperbolique des surfaces

Les équations de la forme ax+x2 =b2 s’expriment, pour les anciens, sous différentes formes parmi lesquelles on a :

1) « sur un segment donné AB =(a) construire un rectangle AM égale à un carré donné (b de telle sorte que la portion de surface BM excédante soit un carré 2) x2. »

2) « Déterminer deux quantités, connaissant leur différence et leur produit. »

Comme nous l’avons expliqué ci-dessus et du fait que les Grecs n’avaient aucune idée sur les quantités négatives, la solution de l’équation du second degré est déterminée géométriquement. Dans ce cas, les anciens supposaient que le terme connu, qui est dans notre cas (b , devait être une surface. 2)

Euclide nous montre comment il pouvait transformer un rectangle en un carré sans faire recours à la moyenne proportionnelle d’Eudoxe32 en s’appuyant sur une construction qui repose sur les propositions (II .5 et 6)33 des Eléments d’après lesquels on représente un rectangle sous la forme d’une différence entre deux carrés. Ainsi, le côté du carré, qui devrait être égal au côté du rectangle, se construit en s’appuyant sur le théorème de Pythagore.

Conclusion

Nous pouvons conclure d’après cette étude des techniques de résolution des équations du second degré que d’une part les Grecs donnent une justification géométrique qui permet de donner un sens, au problème algébrique, lequel permet de conclure sur l’existence de la racine et d’autre part, si la racine existe, une construction algorithmique de la quantité cherchée qui

se fait à partir d’un segment donné de longueur 2

a

et d’un carré d’aire b2, permet de résoudre

31 Zeuthen (1902) montre que d’après les Data d’Euclide les anciens ont reconnu cette forme de problème. 32 Une théorie qui semble à Zeuthen incomplète puisqu’elle n’était valable que dans le cas des côtés commensurables.

33 Théorème qui comporte immédiatement la solution des deux problèmes énoncés dans Zeuthen (1902, p 38-39) dont le premier est énoncé comme suit : « partager un segment donné AB en deux autres qui forment un rectangle de surface donnée » et le deuxième « Déterminer deux segments (AD et BD) dont on donne la différence et le rectangle (égal au carré b ) ». 2

le problème.

Ceci montre que les mathématiciens Grecs mariaient les procédures syntaxiques et sémantiques, comme le faisait également Aristote dans Les Premiers Analytiques.

I. 1. 3. La résolution des inéquations par Diophante d’Alexandrie

Nous ne pouvons pas passer sans avoir souligné l’importance des travaux de Diophante et ses apports dans la théorie des nombres. En plus, Diophante a montré qu’il connait les techniques de résolution des équations du second degré tout en les appliquant à des modèles d’inéquations.

Par exemple lorsqu’il veut résoudre l’inéquation 2x2 >6x+1834 il commence par la résolution de l’équation 2x2 =6x+18 et par la suite il s’intéresse à déterminer des solutions rationnelles en s’appuyant sur des approximations en nombres entiers de 45 . Diophante trouve que 6< 45 <7, il prend l’entier 7, comme étant la limite supérieure, qui satisfait aux conditions du problème et ensuite il exploite des techniques de résolution35 grecques qui le conduisent à prouver qu’il y a au moins trois nombres qui doivent satisfaire le problème36.

La résolution des inéquations ne s’est pas limitée au livre VI de Diophante ; mais elle continue d’être présente dans les livres VII, où il a résolu des doubles inégalités37.

Conclusion

La maitrise du système opératoire sur des quantités représentées géométriquement pour résoudre des problèmes complexes relevant du domaine algébrique mobilise des aspects sémantiques (interprétations géométriques) et syntaxiques (utilisation d’algorithmes). Ceci confirme une de nos hypothèses qui consiste dans le fait que le point de vue de Duval sur les registres de représentations sémiotiques pourrait être enrichi par l’articulation sémantique / syntaxe dans les résolutions puisqu’on peut articuler les deux points de vue dans un même registre, ce que montrent bien les résolutions Grecques, qui articulent les deux points de vue dans le registre géométrique.

34 Consulter Ver Eecke (1959) qui montre, dans les pages 177 à 181 du chapitre XXXIX du livre IV, la technique de Diophante pour résoudre quelques inéquations.

35 Déterminer l’inconnue revient, pour Diophante, à déterminer les arithmes.

36 Dont un extrait de Ver Eecke (1959) « Lorsque nous résolvons une pareille équation, nous multiplions la

moitié de la quantité d’arithmes par elle-même ; ce qui donne 9, et nous multiplions la quantité 2 des carrés d’arithme par 18 unités ; ce qui donne 36. Ajoutons à 9, ce donne 45, dont la racine n’est pas plus petite que 6 unités. Ajoutons la moitié de la quantité d’arithmes, [ce qui ne donne pas moins que 10 unités, et divisons par la quantité des carrés d’arithmes] ; ce qui ne donne pas moins que 5 unités… ».