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Stratégies pédagogiques

2.3.4 La relation entre motivation et engagement

Dans un imposant dossier sur les neurosciences et l’éducation, Gaussel et Reverdy (2013) font le point sur le lien entre motivation, émotions et apprentissages. Selon la recension qu’elles ont faite des plus récentes données de recherche sur le sujet, « La motivation est la résultante de deux besoins fondamentaux : le besoin de se sentir

compétent (compétence perçue) et le besoin d’autodétermination (libre arbitre) » (p. 26). Gaussel et Riverdy avancent que, d’un point de vue neuroscientifique, la distinction entre éléments cognitifs, émotionnels et physiologiques de l’apprentissage « n’est que purement analytique et théorique : ces trois types d’éléments sont indissociablement liés » (Ibid.). Tout comme Meyer et Rose (2000), Gaussel et Riverdy proposent une distinction basée sur les réseaux neuronaux de la transformation de l’information en connaissance : a) le réseau de la reconnaissance, qui traite et organise les informations reçues de l’environnement; b) le réseau stratégique, qui planifie et coordonne les actions en fonction du but; c) le réseau affectif, qui gère les émotions liées à l’apprentissage, telles que la motivation, l’intérêt ou le stress. Cette distinction n’est pourtant pas sans rappeler les trois composantes de l’engagement (comportemental, cognitif et émotif, respectivement).

Les conceptions diffèrent, d’un auteur à l’autre, quant à la relation entre motivation et engagement. Dans la conception de l’engagement de Finn et Zimmer (2012), la composante émotive (ou engagement affectif) se rapproche de ce qu’est la motivation : « Affective engagement provides motivation for the investment of energy the others [cognitive, academic and social engagement] require » (p. 103). Pour Reschly et Christenson (2012), ces deux concepts pourraient même être confondus :

Il est possible que l’engagement cognitif et la motivation soient en fait très similaires, ou soient la même entité, tel que démontré par l’utilisation de termes habituellement associés à la motivation, comme par exemple l’autorégulation, pour définir l’engagement cognitif. (traduction libre, p. 14).

Le fait que le titre de l’article soit Jingle, jangle, and conceptual haziness : Evolution and future directions of the engagement construct traduit bien l’état de confusion associée à ces concepts tels que présentés par Reschly et Christenson (2012), c’est pourquoi cette proximité conceptuelle ne sera pas retenue. Une part de la confusion vient de ce que les concepts de motivation et d’engagement sont des concepts très larges, multifactoriels, qui peuvent exercer leur influence à plusieurs niveaux. Eccles et Wang (2012) résument cette relation ambigüe entre motivation et

engagement à « ça dépend » : « It is impossible to address the question of whether motivation should be seen as part of engagement or vice versa. The answer is both yes and no […] in other words, “It depends.”» (p. 138). Cela dépend de la perspective qu’on utilise, d’un point de vue plus général, ou plus spécifique. Pour y voir plus clair, il est important de préciser le palier auquel on veut considérer l’engagement scolaire (tâche académique, cours, discipline, programme, institution).

Une fois postulé que motivation et engagement sont deux construits distincts mais liés, on se doit de préciser la nature de la relation. Certains, comme Vedder-Weiss et Fortus (2012) considèrent l’engagement comme un indicateur du niveau de motivation, d’autres, comme Gettinger et Walter (2012) suggèrent que l’engagement est plutôt médiateur entre la motivation et l’apprentissage : «student engagement can be differentiated from motivation to the extent that it mediates the relationship between motivation and learning» (p. 660). En ce sens, l’engagement serait un processus menant à l’apprentissage; mais dans le même article, Gettinger et Walter présentent aussi l’engagement comme étant un résultat (outcome) de la motivation (2012), donc une issue souhaitable, une finalité. Cette dualité processus-résultat, en lien avec l’aspect récursif de la motivation auto-renforcée (telle que soulevée à la section 1.3.6) sera discutée à la section 2.4. D’autres auteurs, tel que Poellhuber (2007), considèrent que l’engagement est une dimension de la motivation, ou encore tels que Barbeau (2007), Skinner et Pitzer (2012) ou Viau (2009), une manifestation de la motivation. Au contraire, Fredricks et al. (2004) considèrent l’engagement comme un méta- concept qui englobe la motivation : «cognitive engagement incorporates motivation, effort, and strategy use» (page 65). Pourtant, selon ces derniers, les recoupements entre définitions ne se font pas sans conséquences. Les définitions associées aux publications sur l’engagement étant plus inclusives que celles des autres recherches sur lesquelles elles s’appuient, il devient difficile alors de savoir précisément ce qu’on peut appréhender ou mesurer. Selon Reschly et Christenson (2012) : « As these general categories of constructs become more inclusive, the likelihood of making incorrect or

at least not well informed specific predictions increases» (p. 139). Ils poursuivent avec cette comparaison :

Si notre but est de réduire le décrochage scolaire, alors augmenter l’importance et le nombre de raisons pour lesquelles les étudiants doivent persister jusqu’à l’obtention d’un diplôme peut être la stratégie la plus efficace. Par contre, si le but est d’augmenter la maitrise des sciences, des mathématiques ou de l’anglais, alors nous devrions probablement nous concentrer sur des stratégies plus spécifiquement ciblées pour ces cours. (page 140, traduction libre)

Il y a donc un risque que des définitions trop inclusives de l’engagement ne soient pas très fonctionnelles lorsque les cibles d’interventions sont plus spécifiques, comme lorsqu’on s’intéresse à l’engagement au niveau de la tâche d’apprentissage. Une deuxième part de la confusion entre engagement et motivation vient de ce que sont parfois combinés, dans les recherches en éducation, les «indicators, facilitators, and outcomes of engagement» (Skinner et Pitzer, 2012, p. 26), alors qu’ils devraient être appréhendés de façon distincte. La motivation peut être considérée comme un facilitateur de l’engagement au palier de la tâche d’apprentissage et l’engagement devient alors un indicateur de la motivation à ce palier. Skinner et Pitzer précisent qu’en aucun cas les performances académiques ne peuvent servir de mesure de l’engagement comme tel, car elles en sont le résultat (outcomes). Par contre, on peut utiliser des comportements observables pour évaluer le niveau d’engagement. De même, si on fait le parallèle avec la conception de la motivation de Viau (2009), on ne peut évaluer directement le niveau de motivation d’un étudiant, mais on peut évaluer le niveau de sa manifestation sous forme d’engagement.