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Chapitre 2. CADRE CONCEPTUEL

2.2. La résilience

2.2.2. La résilience et la parole

Lorsque l’on parle du processus de résilience, il s’agit de la reprise évolutive ou résiliente, de la régénérescence après une blessure, un déséquilibre, un fracas ou une rupture; par la parole, le langage, la communication interactive, le soutien des autres dans des liens significatifs; d’une vie sociale acceptable (Gonnet, Koffi & Cyrulnik, 2010; Delage, 2008; Cyrulnik & Seron, 2007; Cyrulnik, 2007 Cyrulnik, 2006a; Tychey et Lighezzolo, 2006; Brooks & Goldstein 2006; Van Hooland, 2005). En d’autres termes, le processus de résilience tient à la communication, au langage, à la parole et surtout à la mise en mots. Cyrulnik (2008), a rencontré des blessés dans différentes cultures. Après des entretiens avec ces personnes, il raconte comment elles ont réparé leurs blessures. Comment, ces personnes ont transformé leurs fragilités en une force de vie. La perte, l'adversité, la souffrance, la maladie, un passé douloureux ou un traumatisme que les individus vivent, rencontrent, affrontent ou traversent, les amènent à développer des pratiques et des stratégies pour surmonter et dompter leurs difficultés. Dans cette perspective, ces personnes blessées, martyrisées ou traumatisées transforment leur souffrance en se projetant dans l’avenir. Grâce à cette représentation et à cette attitude, ces personnes s’inscrivent dans un devenir; et en racontant, en narrant, en partageant leurs parcours ou en prenant la parole pour témoigner des événements produits et passés, elles en triomphent pour se comporter de manière compétente après leur victoire sur

l’adversité (Ionescu, 2006). L’acte de parole est le moyen par lequel la personne objective un passé douloureux, un vécu difficile (Seron, 2007). La résilience est le fil rouge de l’histoire de cette traversée, de ce cheminement, de ce trajet, rendu saisissable, connaissable et partageable grâce à la parole et aux interactions verbales acceptées (Lecomte, 2010; Van Hooland, 2005; Cyrulnik, 2004).

Le récit du traumatisme donne un sens à ce qui est arrivé et permet la couture résiliente solide, de se reconstruire sans devoir l'enfouir, le nier, ou le cacher. Ce récit non linéaire trouve sa cohérence dans le sens qui lui est attribué par la personne. Le récit est porteur et vecteur de sens et de valeur indispensables au processus de résilience. Cyrulnik parle du pouvoir de la résilience, mais surtout du pouvoir libérateur de la mise en récit des événements traumatiques. Dans ces circonstances, il s’agit de contourner, de faire émerger et de surmonter les épreuves, les risques, les obstacles qui se dressent sur le chemin pour prendre, pour occuper et pour maîtriser une place dans la société ou dans l’univers des savoirs et des connaissances (Charlot, 1999). Dans le contexte des pays en développement, les positions sont inégales pour les hommes et les femmes dans la société; les places et les chances inégales pour les filles et les garçons dans le système éducatif et à l’école.

La résilience est un concept dynamique, dont le processus s’inscrit dans l’évolution des parcours scolaires. La résilience est encore un concept qui découle de la résistance, qui illustre le dépassement, qui participe de la persévérance et qui explique la continuation d’une trajectoire au départ marquée par l’adversité. Cette trajectoire est fragilisée par de la souffrance, de la douleur, des abus en contexte social et principalement familial et souvent scolaire. Il s’agit de reprendre un développement particulier, de poursuivre une évolution saine et acceptable en interaction sociale par la plasticité que possède tout être vivant à donner et à faire sens au vécu à son vécu (Lecomte, 2010, 2004; Martin, Spire & Vincent, 2009; Van Hooland, 2005; Cyrulnik, 2005a; Cyrulnik, 2004; Lecomte & Manciaux 2001; Manciaux, Vanistendael, Lecomte & Cyrulnik, 2001).

Par ailleurs, la parole comme facteur de résilience, révèle l’impact des événements qui ont marqué le vécu de la scolarité ou la genèse de la scolarité sur les différentes étapes de la trajectoire. Cette parole révèle le courage, dévoile l’amour de la vie, l’ambition et exprime l’espoir. La résilience est une histoire de combat, de lutte, de bagarre pour la réussite contre

l’abandon, contre le découragement, voire même contre la mort. C’est l’histoire d’individus blessés, poussés vers l’exclusion qui inventent une stratégie de persévérance, de maintenance et de survivance. Dès le départ, il y a une situation, une difficulté, un problème qui peut conduire à l’échec, à la catastrophe ou à l’irréparable. Mais, il y a le temps, il y a des ressources, il y a des rencontres, il y a des mouvements, des déplacements, un devenir et un avenir imprévisibles, voir impensables. C’est ce qui fait que tout au long du parcours qui constitue la trajectoire, il y a des étapes, des événements successifs, des phases, des séquences, des moments de résilience faible, de résilience forte ou d’absence de résilience qui caractérisent le processus d’acquisition de cette qualité (Bouteyre, 2008, 2004; Manciaux, Vanistendael, Lecomte & Cyrulnik, 2001). «La résilience se construit et se développe […] et peut s’apprendre à tout âge» (Gonnet, Koffi & Cyrulnik, 2010:115). La personne qui produit un récit sur lui-même devient le sujet de son histoire. C’est le sujet qui interprète, qui a des représentations, qui a la maîtrise du sens de ce qui lui est arrivé. Il ressort de ses souvenirs les facteurs de l’identité forgée par le vécu qu’il a, son vécu à lui. Un récit c’est à la fois le processus et le fruit d’une réconciliation, d’une acceptation et d’un besoin de s’assumer en action après coup (Cyrulnik, 2008).